interview« Ce n’est pas insurmontable de progresser en orthographe »

« Ce n’est pas insurmontable de progresser en orthographe », assure Camille Salomon, correctrice

interviewCorrectrice de métier, Camille Salomon vient de publier une méthode pour s’améliorer en orthographe. Pour « 20 Minutes », elle raconte sa passion des mots et donne son avis sur le niveau des Français
Frédéric Brenon

Propos recueillis par Frédéric Brenon

L'essentiel

  • «Ça peut paraître barbant quand on est collégien ou lycéen mais c’est comme un jeu quand on s’y intéresse. »
  • « Je ne suis pas sûre que les gens soient plus nuls, c’est surtout que les erreurs se voient beaucoup plus. »
  • « La lecture régulière contribue énormément, quel que soit le support.  »

Et si vous profitiez de la rentrée pour enfin vous améliorer en orthographe ? Qu’on soit écolier ou dans la vie active, les subtilités de la langue française paraissent parfois bien compliquées. C’est justement pour cette raison que Camille Salomon, 32 ans, vient de publier un ouvrage intitulé L’orthographe en 100 cartes mentales et en audio. Correctrice de métier, cette autrice bretonne anime également le podcast Orthoculture dans lequel elle décortique les erreurs les plus courantes et promeut la beauté des mots. Elle n’est pas la seule à défendre l’importance de l’écriture. Un collectif d’écrivains et d’intellectuels (dont Elisabeth Badinter, Isabelle Carré et Jamel Debbouze) a interpellé mardi, dans une tribune au Monde, le ministre de l’Education nationale pour lui demander de « redonner à l’écrit ses lettres de noblesse » dès l’école primaire. Entretien avec une passionnée.

Comment devient-on un professionnel de l’orthographe ?

En 2018, j’ai écrit mon premier roman jeunesse et, avant de le soumettre à une maison d’édition, j’ai décidé de le faire corriger. Quand j’ai eu le retour de ma correctrice, ça a été un déclic. Le rendu était incroyable. Le texte était, à mes yeux, quinze fois meilleur. Au-delà des quelques fautes, elle avait tout fluidifié, rectifié les petites incohérences, reformulé les phrases moins bien articulées. Je me suis dit : "je veux faire pareil, je veux aider les auteurs à sublimer leurs textes". J’avais déjà un bon niveau, j’ai fait des études littéraires, mais je me suis formée, je me suis intéressé à tous les gens qui abordent l’orthographe et la langue française, et j’ai lancé mon entreprise.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans l’orthographe ?

Réussir à rendre attractif ce qui paraît ennuyeux à d’autres ! Prendre une règle et l’adapter à son contexte. C’est le but du livre et du podcast. Ça peut paraître barbant quand on est collégien ou lycéen mais c’est véritablement comme un jeu quand on s’y intéresse. Pour moi, c’est une passion.

En quoi est-ce vraiment important de maîtriser l’orthographe ?

C’est important de faire de son mieux quand on rend un écrit à quelqu’un. C’est une forme de respect. Et au-delà du regard des autres, c’est notre langue, c’est important de la maîtriser pour soi-même. On entend beaucoup dire que l’exigence se perd, que la langue de Molière n’est plus ce qu’elle était. C’est vrai qu’elle se simplifie, qu’il y a des anglicismes, mais je pense qu’il faut vivre avec notre siècle. La langue évolue, c’est normal. Moi, je n’en fais pas une chasse aux sorcières. La langue doit être accessible au plus grand nombre, elle ne doit pas être réservée aux bourgeois ou à quelques-uns. Il faut avoir un peu de modernité, comme pour les accords de proximité qui sont tolérés par l’Académie française, par exemple.

Les Français sont-ils nuls comme on l’entend souvent ?

Il faut dédramatiser. On blâme beaucoup les réseaux sociaux, mais je pense qu’on écrit beaucoup plus qu’il y a vingt ans. Je ne suis pas sûre que les gens soient plus nuls, c’est surtout que les erreurs se voient beaucoup plus. Dans le cadre de mon travail, je relis beaucoup de nouveaux auteurs. Il y en, a bien sûr, qui ont des difficultés, mais, globalement, je ne suis pas choquée par le niveau des écrits rendus. Il n’empêche qu’il est possible de s’améliorer.

Certaines personnes se sentent complexées par rapport à leur niveau, au point d’éviter d’écrire…

C’est un complexe que beaucoup ont et c’est dommage. Ce n’est pas insurmontable de progresser en orthographe. Chacun doit réussir à trouver sa propre méthode : ça peut être en lisant, en écoutant des podcasts, même en regardant des chaînes vidéo car il y en a qui vulgarisent très bien ça. Il y a aussi des associations très compétentes. Il n’est jamais trop tard pour apprendre. Ça demande juste un certain effort et de la volonté. Et même pour ceux qui se considèrent très à l’aise, il y a toujours des piqûres de rappel qui sont bonnes à prendre.

A qui se destine votre livre ?

A tout le monde à partir de la classe de la fin du collège. Le livre ne se lit pas d’une traite, ce n’est pas un roman. Ce n’est pas non plus une méthode scolaire. Je le considère plus comme un compagnon de route. On balaie les erreurs les plus fréquentes, que ce soit de l’orthographe pur, de la grammaire ou de la conjugaison. J’en ai sélectionné cent, sur la base de ce qui me sautait aux yeux. Je propose des astuces, des moyens mnémotechniques, des exercices pour s’entraîner. C’est rapide, une règle est assimilable en quelques minutes. C’est aussi accessible en audio pour ceux qui sont moins à l’aise à l’écrit. On peut réellement progresser assez vite.

Camille Salomon, autrice du livre « L'orthographe en 100 cartes mentales et en audio ».
Camille Salomon, autrice du livre « L'orthographe en 100 cartes mentales et en audio ». - F.Brenon/20MInutes

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que vous rencontrez ?

Il y en a pas mal… (rires) Le choix du participe passé ou de l’infinitif, l’accord de l’adjectif, l’accord des couleurs, l’accent sur le A, le « ça va » écrit « sa va », premier ou second, tache ou tâche… Je commence le livre avec la règle du futur simple et du conditionnel, ce n’est pas un hasard, c’est vraiment une erreur incontournable. Le « si j’aurais », je l’ai entendu énormément autour de moi, ça fait partie des choses qui m’horripile le plus.

Comment transmettre l’envie de s’améliorer ?

J’ai eu de la chance de tomber sur des profs passionnants qui m’ont communiqué l’amour de la langue française. Donc le rôle de l’école est extrêmement important. La lecture régulière contribue aussi énormément. Que ce soient des classiques ou livres modernes, quand vous tombez sur un bouquin que vous allez aimer, vous aurez forcément envie d’en lire un autre. Chaque auteur transmet un vocabulaire, une façon de s’exprimer que vous allez emmagasiner sans même y penser. Toute forme de lecture est bénéfique, peu importe le support, y compris une bande dessinée ou un manga. Les livres audio, qui correspondent mieux à certaines personnes, c’est pareil : leur écoute permet d’emmagasiner la langue française.

Que pensez-vous de la tribune d’intellectuels interpellant le gouvernement dans Le Monde ?

C’est une très bonne chose. La jeunesse d’aujourd’hui sera nos politiques de demain. Que les enfants apprennent tôt à s’exprimer correctement, à développer une pensée propre, c’est important. Ça peut passer par l’intervention de professionnels en milieu scolaire, comme des écrivains, philosophes ou des psychologues. Les ateliers d’écriture, j’en ai donné dans plusieurs écoles primaires, ça fonctionne bien. Lorsque vous emmenez les enfants à écrire sur des univers qui leur plaisent, comme le fantastique, ils se lâchent. Les professeurs font tout ce qu’ils peuvent mais ils n’ont peut-être pas les moyens de faire mieux. Les parents doivent aussi s’impliquer.