INTERVIEWPourquoi ce sénateur veut obliger les candidats à présenter un casier vierge

Obliger les candidats à présenter un casier vierge ? « Une question d’exemplarité », estime un sénateur de l’Hérault

INTERVIEWHenri Cabanel (divers gauche), sénateur de l’Hérault, souhaite, avec cette proposition, s’attaquer à la défiance grandissante entre élus et citoyens
Nicolas Bonzom

Propos recueillis par Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Le sénateur Henri Cabanel (divers gauche) est l’auteur d’une proposition de loi pour que soit exigé un casier judiciaire vierge pour être candidat à une élection.
  • « Il y a, depuis de nombreuses années, une défiance grandissante des citoyens vis-à-vis des élus, confie le sénateur de l’Hérault à 20 Minutes. Que les candidats soient tenus de présenter un casier judiciaire vierge, ce serait un signe positif qui permettrait de retisser un lien de confiance. C’est une question d’exemplarité. »
  • Cette loi est, aussi, « une question d’équité, par rapport aux citoyens qui, pour pratiquer un bon nombre de professions, sont obligés de présenter un casier judiciaire vierge », assure le sénateur. Notamment dans la fonction publique.

«Mon casier judiciaire est vierge, et le vôtre ? » Le 24 août, sur X (ex-Twitter), Henri Cabanel (divers gauche) a affiché la preuve de sa probité, en publiant le bulletin n°3 de son casier judiciaire, qui n’affiche strictement aucune condamnation. Pour le sénateur de l’Hérault, il devrait en être de même pour tous les élus, au Sénat, à l’Assemblée nationale, comme dans les collectivités locales : ce viticulteur, qui siège dans les rangs du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au Sénat, a décidé de déposer une proposition de loi, pour que tous les candidats doivent présenter un casier judiciaire vierge pour participer à une élection en France. Il explique pourquoi à 20 Minutes.

Selon vous, pourquoi les candidats devraient avoir un casier judiciaire vierge ?

Parce qu’il y a, depuis de nombreuses années, une défiance grandissante des citoyens vis-à-vis des élus. Que les candidats soient tenus de présenter un casier judiciaire vierge, ce serait un signe positif, parmi tant d’autres, bien évidemment, qui permettrait de retisser un lien de confiance. C’est, par ailleurs, une question d’équité, par rapport aux citoyens qui, pour pratiquer un bon nombre de professions, sont obligés de présenter un casier judiciaire vierge. Dans la fonction publique, bien sûr, mais pour aussi pour les chauffeurs de taxi, les commissaires aux comptes, les pharmaciens… Les élus ne sont pas au-dessus des citoyens. Et puis, c’est une question d’exemplarité. Les élus sont là pour gérer la vie publique, et un casier judiciaire vierge, c’est la moindre des choses…

Selon vous, les peines d’inéligibilité, qui empêchent d’exercer des mandats d’élus et de se représenter à des élections, ne sont pas suffisantes ?

C’est un juge qui prononce les peines d’inéligibilité, dans le cadre d’une condamnation. Or, s’il n’en prononce pas, le candidat peut être condamné, et exercer, ou se représenter.

Certains pourraient reprocher à votre proposition de loi de ne pas permettre de se présenter à une élection, une fois que l’on a payé sa dette à la société…

Tout à fait. Mais si on accepte cela, il faut aussi permettre que ce soit possible pour un citoyen, qui a été condamné, et qui voudrait rentrer dans la fonction publique… Et puis, rappelons-le, une mention sur le casier judiciaire, ce n’est pas toujours ad vitam aeternam. Selon les condamnations, bien sûr, si on en fait la demande, certaines mentions peuvent être effacées. Alors un candidat a été condamné, il peut très bien attendre que son casier judiciaire soit effacé pour se présenter. Parce que chacun peut faire une erreur, je le conçois. Mais je pense qu’il est important, devant le premier parti de France, c’est-à-dire les citoyens qui ne viennent pas voter, de montrer une certaine exemplarité.

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Ce n’est pas la première fois que vous présentez une telle proposition de loi.

Oui, je l’avais fait en 2016, avec ma collègue Fanny Dombre-Coste (PS), qui était alors députée de l’Hérault. Elle avait été votée à l’Assemblée nationale. Mais pas au Sénat.

Ça ne vous avait pas surpris, à l’époque.

Non. On sent qu’il n’y a pas vraiment de volonté, malheureusement, de mettre ce sujet sur la table, et de légiférer. Pourtant, je rappelle qu’en 2017, le candidat Emmanuel Macron avait inscrit cette proposition dans son programme. Mais c’est passé à la trappe. Parce qu’il y avait, soi-disant, un risque que ce ne soit pas conforme à la Constitution… C’est un argument qui ne tient pas, puisque le Conseil constitutionnel vérifie les textes une fois que la loi a été votée. On ne peut pas, à l’avance, savoir ce qu’il va dire…

Savez-vous si beaucoup de candidats ont eu, aux élections locales et nationales, des mentions sur leurs casiers judiciaires ?

Non, je n’ai pas de chiffres précis, bien sûr. Mais, par exemple, aux dernières élections municipales, en 2020, France Info avait réalisé un article, qui indiquait que 340 maires qui avaient été condamnés par la justice avaient brigué un nouveau mandat [selon des chiffres de l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale]. Alors si c’est le cas chez certains élus locaux, c’est certainement le cas chez certains élus nationaux.

NOTRE DOSSIER SUR LE SENAT

Depuis que vous avez remis sur la table cette proposition de loi, quelles sont les réactions de vos camarades ou de vos opposants, au Sénat ?

Je viens de la déposer. Et comme certains remettent leurs mandats en jeu [le 24 septembre, aux élections sénatoriales*], ils sont plus occupés par leurs élections ou par leurs réélections. On verra à la rentrée. Mais je sais pertinemment, malheureusement, comme je l’avais remarqué en 2016, que tout le monde ne voit pas ça d’un bon œil. Pour ma part, je ne fais pas ça pour le buzz. D’ailleurs, ce sera mon deuxième et dernier mandat de sénateur. Je suis pour deux mandats successifs, et c’est tout.

* Henri Cabanel ne remet pas son mandat en jeu aux élections sénatoriales, le 24 septembre prochain. Le sénateur de l’Hérault est élu jusqu’en 2026.