ma vie, mon avisPourquoi de moins en moins de femmes font du topless ?

« Les regards sont terribles »… Pourquoi de moins en moins de femmes font du topless ?

ma vie, mon avisÀ l’occasion de la journée mondiale du topless ce samedi, « 20 Minutes » s’est demandé comment le monokini, à la mode dans les années 1980, est devenu une pratique minoritaire
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Seules 16 % des Françaises de moins de 50 ans bronzent parfois seins nus alors qu’elles étaient 43 % en 1984, selon une étude de l’Ifop* réalisée pour xcams media en 2021.
  • À l’occasion de la journée mondiale du topless ce samedi, 20 Minutes s’est demandé pourquoi le monokini, à la mode dans les années 1980, est devenu une pratique minoritaire.
  • Peur du regard concupiscent des hommes, des critiques des femmes, d’être victime d’une agression verbale, physique ou sexuelle, mais aussi crainte de remarques négatives sur sa poitrine… Les raisons pour lesquelles les femmes ne quittent plus leur haut de maillot de bain sont nombreuses.

Sur la plage, elles se comptent souvent sur les doigts d’une main. Les femmes qui pratiquaient le monokini, à la mode dans les années 1980, semblent avoir abandonné cette pratique. Une tendance confirmée par une étude de l’Ifop* réalisée pour xcams media en 2021. Seules 16 % des Françaises de moins de 50 ans interrogées bronzent parfois seins nus alors qu’elles étaient 29 % en 2016 et 43 % en 1984. À l’occasion de la journée mondiale du topless ce samedi, 20 Minutes s’est demandé pourquoi cette pratique est devenue minoritaire.

« C’est dangereux », avance Nora, 38 ans, qui a répondu à notre appel à témoignages. « Cela favorise le risque de cancer de la peau », ajoute Karine, du même âge. Le risque que l’exposition au soleil fait encourir à leur peau est l’une des premières raisons évoquées par les femmes qui décident de garder leur haut de maillot de bain. S’il est désormais prouvé que soleil et cancer de la peau vont de pair, l’exposition de la poitrine n’est pas plus susceptible de provoquer un mélanome qu’une autre partie du corps. De plus, aucune étude n’a montré de lien entre une exposition torse nu récurrente et un cancer du sein.

Peur du regard des hommes

La peur du cancer est loin d’être la seule responsable de la fin du monokini. Egalement pointés du doigt, les « regards concupiscents des hommes ». Marilou, 25 ans, note des œillades « insistantes de la part d’hommes qui [lui] posent problème. » « Ce n’est pas l’envie de bronzer seins nus qui manque, mais la sursexualisation de la poitrine des femmes est insupportable ».

Les hommes sont-ils devenus davantage voyeurs ? « Cela s’explique plutôt par la rareté qui provoque une attention », analyse David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg et auteur de La sociologie du corps **. Je pense aussi que les femmes des jeunes générations ont une sensibilité exacerbée face aux regards des hommes et souhaitent le mettre à distance. »

Crainte d’être agressée

Et cela va plus loin que des regards. La moitié des femmes âgées de 18 à 24 ans ne bronzant jamais torse nu interrogées font part de leur crainte d’être agressées verbalement, physiquement ou sexuellement. Une peur qui existe aussi chez leurs aînées. « Dans les années 1980, le monokini ne posait aucun problème mais cela ne me viendrait pas à l’idée aujourd’hui, par peur d’être agressée par des hommes », admet Marianne, 56 ans. Une appréhension qui n’est pas infondée. Une femme prenant le soleil seins nus avait par exemple, été agressée à l’été 2016 par une autre femme qui lui reprochait sa tenue légère et lui demandait de cacher sa poitrine.

La promiscuité propre à la plage crée également une autre inquiétude. Celle d’être prise en photo à son insu et que ce cliché finisse sur les réseaux sociaux. Presque une femme de 18 à 24 ans sur deux prenant toujours le soleil les seins couverts avance cet argument. « Aujourd’hui, on ne peut plus contrôler son image dans l’espace public et cette problématique n’existait pas dans les années 1980 », rappelle le sociologue.

Peur des critiques des femmes

Si les regards des hommes peuvent gêner, les autres femmes poussent aussi parfois les adeptes du topless à renouer leur haut de maillot. Sophie, 27 ans, considère que « les femmes se permettent toutes sortes de commentaires parfois durs à encaisser ». Un constat qu’a également fait Catherine, pourtant d’une tout autre génération. « Les regards des autres femmes sont terribles. Elles me fusillent du regard. Je ne sais trop pourquoi. Sans doute qu’elles ne supportent pas que leurs maris me regardent. Je me sens jugée comme si j’étais une allumeuse », témoigne la quinquagénaire qui n’ose plus retirer le haut de son bikini.

Comment expliquer cette perception ? Pour Eve, jeune retraitée, « bronzer seins nus est une provocation et un manque de respect ». Elle va même jusqu’à qualifier les adeptes du monokini de « provocatrices ». Et elle n’est pas seule à partager cet avis puisque 31 % des femmes ne pratiquant pas le topless interrogées dans l’étude de l’Ifop estiment qu’exposer ses seins nus en public est un manque de respect envers les autres.

Une appréciation peu étonnante pour Fabienne Martin-Juchat, professeure en science de la communication à l’Université de Grenoble et spécialiste de la communication corporelle, selon qui « chaque époque définit les critères de ce qui est acceptable et vulgaire ou non ». Conséquence : plus d’une femme interrogée sur quatre qui ne pratique pas ou plus le topless aurait peur d’être perçue comme une femme impudique ou indécente.

Un retour en arrière ?

Notre époque serait-elle devenue puritaine ? C’est la théorie de Patricia, 65 ans, ancienne adepte du monokini. « Notre société est moins tolérante qu’elle ne l’était dans les années 1970-1980. » Une analyse que confirme David Le Breton. « Il y a une moralisation grandissante dans nos sociétés. »

Mais si les jeunes générations ne dévoilent plus leur poitrine à la plage, elles mettent en revanche en avant leurs fesses, vêtues de string ou de tanga. Pour Fabienne Martin-Juchat, il s’agit donc plutôt d’un effet de mode. « Chaque époque et chaque société ont besoin de redéfinir ce qu’on a le droit de montrer. Chaque génération propose de nouveaux codes pour s’affirmer par rapport à la précédente. »

Body shaming

Des codes, mais aussi des critères de beauté. Près d'un tiers des femmes de 18 à 24 ans interrogées ne pratiquant pas le topless redoutent les critiques négatives sur la taille, la forme ou la fermeté de leurs seins. L’étude de l’Ifop montre d’ailleurs que parmi les rares femmes ayant pratiqué le monokini lors de ces trois dernières années, 36 % se trouvent « très jolies », et seules 4 % se considèrent comme « pas jolies ». « C’est comme s’il y avait des seins qu’on aurait le droit de montrer et d’autres non », analyse David Le Breton.

Mathilde, 45 ans, qui trouve « tellement plus agréable de sécher en cinq minutes au soleil plutôt que d’avoir un bout de tissu mouillé sur la poitrine » a trouvé la combine. « Dès que je vois des mamies qui font de la résistance, je fonce m’installer dans leur coin et je tombe le haut avec bonheur. » Ce qui permet peut-être à une autre femme de faire pareil.

* L’enquête réalisée par l'Ifop pour xcams media a été menée auprès d’un échantillon de 1.510 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 7 au 8 juillet 2021.

** La sociologie du corps, David Le Breton, Que sais-je ?, 2023, 128 pages.