DECESGrande historienne, Hélène Carrère d'Encausse est décédée à 94 ans

Première femme à la tête de l’Académie française, Hélène Carrère d'Encausse est morte

DECESAu sein de l’Académie française, l’historienne prônait « la continuité » de la langue française
20 Minutes avec AFP

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Elle était la première femme à la tête de l’Académie française. L’historienne Hélène Carrère d'Encausse est décédée ce samedi à Paris à l’âge de 94 ans, ont annoncé ses enfants. « Elle s’est éteinte paisiblement entourée de sa famille », précise le communiqué de la famille.

On la voyait encore récemment dans les médias commentant l’invasion russe de l’Ukraine, à propos de laquelle son discours s’était durci. Cette femme vive et élégante avait été, en 1990 (l’année même où l’Union soviétique était dissoute), la troisième femme admise à l’Académie, créée en 1635, après Marguerite Yourcenar et Jacqueline de Romilly.

Une spécialiste de la Russie

Née à Paris le 6 juillet 1929, elle était la fille d’une Italienne et d’un philosophe géorgien émigré en France, Georges Zourabichvili (qui sera plus tard assassiné). De racines autrichiennes, allemandes et italiennes, elle comptait parmi ses ancêtres de grands serviteurs de l’Empire russe dont elle a suivi les traces et des résistants à ce même Empire. Elle affirmait « être Française de la tête aux pieds : un vrai cas d’intégration parfaite ». De ses origines, elle avait conservé sa foi orthodoxe.

Née apatride, elle acquiert la nationalité française en 1950 et épouse, deux ans plus tard, Louis Carrère, dit Carrère d'Encausse, un assureur avec lequel elle a trois enfants : l’écrivain Emmanuel (auteur de Limonov ou encore Yoga), Nathalie, avocate, et Marina, médecin et consultante dans les médias. Élève brillante, Hélène obtient le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris et un doctorat ès-Lettres. Elle enseignera l’histoire à la Sorbonne puis à Sciences po ainsi qu’au collège d’Europe.

« Chercher la logique interne des événements »

Reconnue dans le cercle des kremlinologues et régulièrement consultée par le monde journalistique, elle fait en 1978 une entrée fracassante dans l’édition avec L’Empire éclaté. Elle y prédit, avant beaucoup d’autres, l’éclatement de l’URSS confrontée au problème des minorités. S’appuyant sur des tonnes d’archives, elle s’emploie à retrouver « une mémoire historique collective, à chercher la logique interne des événements ».

Biographe de Lénine, Staline, Catherine II ou Alexandre II, elle a notamment publié Le Grand frère (1983), Ni paix ni guerre (1986), Le Grand défi (1987), Le Malheur russe (1988), La Gloire des nations ou la fin de l’Empire soviétique (1991), Russie, la transition manquée (2005) ou Le général de Gaulle et la Russie (2017).

Des prix prestigieux

Professeur invité de nombreuses universités étrangères, en Amérique du Nord et au Japon surtout, elle a été décorée en 1998 par le président russe Boris Eltsine de l’Ordre de l’amitié entre les peuples « pour son étude de la Russie ». En 1997, elle a reçu en France le Prix des Ambassadeurs pour son ouvrage « Nicolas II : la transition interrompue ». En 2023, elle s’était encore vue décerner le prestigieux prix espagnol Princesse des Asturies pour les sciences sociales.

Membre en 1986-87 de la Commission des sages pour la réforme du Code de la nationalité, elle est en 1992 conseillère auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), participant ainsi à l’élaboration d’une politique d’assistance à la démocratisation des anciens États communistes.

En faveur « de la continuité »

Après avoir dirigé, en 1992, le Comité national pour le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht, elle figure, lors des européennes de 1994, en seconde position sur la liste de la majorité de droite UDF-RPR, derrière Dominique Baudis. Élue au parlement européen, elle est vice-présidente de la commission des affaires étrangères et de la Défense.

Depuis 1999, elle a eu l’occasion d’exprimer son opposition à la féminisation des titres et fonctions pour les femmes dans la langue française, puis, des années plus tard, à l’écriture inclusive, tout en s’efforçant de « regarnir l’Académie » en grands romanciers. Secrétaire perpétuel de l’Académie Française depuis 1999, elle avait indiqué qu’il faudrait l’appeler « Madame le Secrétaire perpétuel », sans féminiser la fonction. Car, selon elle, « il n’y a qu’un seul Secrétaire perpétuel depuis trois siècles et demi. C’est cette idée de continuité qui doit prévaloir. C’est une lignée qui se poursuit ».