interview« Tout ce qui se passe ouvre la voie aux extrémistes », met en garde Lisnard

Emeutes après la mort de Nahel : « Tout ce qui se passe ouvre la voie aux extrémistes », met en garde David Lisnard

interviewDes rassemblements à l’initiative du président de l’Association des maires de France David Lisnard ont eu lieu ce lundi en France en soutien notamment à celui de L’Haÿ-les-Roses, visé par une agression après la mort de Nahel, tué par un policier
Fabien Binacchi

Propos recueillis par Fabien Binacchi

L'essentiel

  • Des rassemblements ont eu lieu devant des hôtels de ville, partout dans le pays, à l’appel du président de l’Association des maires de France David Lisnard à une « mobilisation civique », après les émeutes, les violences et les agressions visant notamment des élus.
  • Ces rassemblements sont ceux d’une « France qui veut la paix, la sécurité, la liberté, qui sait que l’ordre précède la justice », a jugé David Lisnard, avant de rappeler que les élus attendaient « de l’action » de la part de l’Elysée.
  • « Il faut faire attention car tout ce qui se passe actuellement ouvre la voie aux aventuriers populistes et aux démagogues, à certains extrémistes », a-t-il aussi prévenu.

Face aux émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel, tué par un policier, mais aussi face aux violences, et aux agressions visant notamment des élus, dont celui de L’Haÿ-les-Roses, le président de l’Association des maires de France David Lisnard avait appelé dimanche à une « mobilisation civique ». Il a été entendu. Ce lundi à midi, des rassemblements ont eu lieu devant des hôtels de ville, partout dans le pays, et notamment à Cannes (Alpes-Maritimes), sa ville, ou plus de 300 personnes se sont réunies pour encourager « un sursaut civique ».

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« Plus de 150 mairies, des écoles et des bibliothèques ont été incendiées, des magasins sont pillés. Mais, nous ne baisserons ni les bras ni les yeux », a déclaré l’élu LR juste après le déclenchement, symbolique et copieusement applaudi, des sirènes d’alerte de la commune. Ces rassemblements sont ceux d’une « France qui veut la paix, la sécurité, la liberté, qui sait que l’ordre précède la justice », a-t-il également jugé, avant de répondre aux questions de la presse et de rappeler notamment que les élus attendaient « de l’action » de la part de l’Elysée.

Quelles propositions concrètes vous faites pour mettre fin à ces désordres ?

Il faut d’abord que les choses s’apaisent et c’est en train d’être le cas. Grâce au travail de la police et de la gendarmerie mais aussi, en étant très lucide, parce que les dealers rétablissent eux-mêmes l’ordre dans leur secteur. Ensuite, viendra la réparation. Et elle prendra du temps. Il faudra rétablir l’instruction publique. C’est le premier des défis à relever sur les dix prochaines années. Il faut aussi réarmer l’État régalien. On sait qu’il manque 20.000 places de prison. Il faut maîtriser l’immigration, moins accueillir pour mieux accueillir. Il faut lutter contre la bureaucratie qui organise la puissance publique. La démocratie, c’est le pouvoir au peuple, donc il faut qu’il y ait de l’effectivité dans les services publics. C’est un travail profond qui devra être engagé. Et c’est transpartisan.



Tous les gens bien demandent ça, y compris les gens de l’immigration qui font bien leur vie. Il faut arrêter avec les niaiseries, les mièvreries. Il faut retrouver un ordre juste, sortir de quarante ans de spirale laxiste. Et il faut faire attention car tout ce qui se passe actuellement ouvre la voie aux aventuriers populistes et aux démagogues, à certains extrémistes. Tout ça laisse penser que si la démocratie ou la République est faible, ceux qui ont un discours antirépublicain et antidémocrate paraîtront un jour comme une solution. Or ils ne seront qu’un problème de plus. Il faut montrer que la démocratie n’est pas faible et pour ça, il va falloir aussi changer la justice pénale des mineurs. Ce n’est pas au contribuable d’assumer les dégâts sur le domaine public, c’est aux voyous de faire de la prison, puis de réparer. C’est aux parents d’assumer les actes lorsqu’ils sont solvables. Et s’ils ne le sont pas, de ne plus bénéficier d’aides. On ne peut pas avoir une société qui aide des gens qui détruisent la société. Non au masochisme.

Vous alertez depuis de longs mois sur la situation des maires qui disent souvent être « à portée de baffes ». Ça n’a jamais été aussi vrai ?

Personnellement, je n’ai jamais utilisé cette expression parce que, malheureusement, elle se traduit en actes. On voit bien monter la violence, qui est une des expressions de l’incivisme, de la crise du civisme dans laquelle nous sommes. J’alerte depuis des mois, des années même, depuis 2019. Un de nos collègues est mort d’avoir demandé à des personnes de ramasser des déchets qu’ils jetaient [il fait référence au maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, mortellement renversé le 5 août 2019 par la camionnette d’un maçon condamné à un an de prison ferme pour « homicide involontaire »]. Tout ça renvoie à un délitement civique dont les ressorts sont malheureusement profonds. Aujourd’hui, qu’un maire qui de surcroît est un type bien, quelqu’un d’ouvert, Vincent Jeanbrun en l’occurrence [le maire LR de L’Haÿ-les-Roses], est obligé de se barricader dans sa mairie pendant que son domicile est attaqué, que ses enfants de 5 et 7 ans sont poursuivis par des voyous armés… On est où ? Comment on peut accepter ça ? Comment on peut accepter ça ? Personne n’accepte pas, sauf les voyons.


NOTRE DOSSIER SUR LA MORT DE NAHEL

Que pourriez-vous dire aux auteurs de ces violences ?

Ils ne m’écouteront pas, mais ce qu’on peut dire, c’est que l’on n’accepte pas de voir mépriser la République française, de voir haïr la France. Nous sommes dans un pays qui a beaucoup de défauts mais dans lequel, lorsqu’un policier est mis en cause parce qu’il a tué un chauffard, il est tout de suite mis en examen. Il est tout de suite incarcéré. Ça s’appelle un Etat de droit et, ça, c’est un trésor. La démocratie n’est pas une faiblesse. Donc, on n’acceptera pas de voir ces gens commettre des actes de barbarie. On n’acceptera pas que des commerces soient pillés, saccagés. C’est absolument injuste.

Des centaines de personnes ont répondu à votre appel, ici à Cannes. Quelle est votre réaction ?

C’est très impressionnant parce que nous avons lancé ça un dimanche et on ne savait pas si l’info aller arriver. Pourtant, ces gens sont venus, en semaine, à midi, à l’heure où beaucoup travaillent. Et ça exprime tout ce que je viens de dire. On n’est pas là pour pleurnicher, on ne demande pas de la commisération ou de la consolation. On ne met pas des bougies. On ne met pas des peluches. On est là pour montrer qu’on a la tête haute, qu’on ne baisse pas les bras, qu’on bosse et qu’on refuse la fatalité. On refuse de nous laisser impressionner par des bandes de voyous qui se laissent aller parce qu’ils sont convaincus d’être impunis et que malheureusement, trop souvent, ils sont impunis.

Le président de la République va recevoir mardi à l’Elysée plus de 220 maires des communes qui ont été touchées par les émeutes. Cette réunion va-t-elle servir à quelque chose selon vous ?

Il faudra voir avec ceux qui y seront. Mais, oui, ce sera une énième réunion. Et, je le répète, on ne veut ni consolation, ni affliction, ni théâtre. On veut de l’action.