Au-dessus du 44, le prêt-à-porter français trop excluant pour les femmes
grossophobie•Entre coût de développement et pouvoir d’achat des acheteuses, les marques sont souvent frileuses à faire des vêtements de grande taille20 Minutes avec AFP
Les séances de shopping seraient-elles réservées aux clientes qui taillent en dessous du 44 ? Dans les rayons des boutiques de prêt-à-porter françaises, le panel de tailles est souvent limité et insuffisant par rapport à la réalité de la demande des femmes. Pour Patricia Mfumunkama, influenceuse de 36 ans, s’habiller est synonyme de « débrouillardise, de sur-mesure et de customisation ». Cette fille de couturière, passionnée de mode depuis le plus jeune âge, s’est heurtée à l’absence d’offre en rayons pour habiller sa taille 54.
« Le problème ne vient pas de moi, il vient d’un marché qui empêche une certaine partie de la population de s’habiller », regrette Patricia Mfumunkama, déplorant la « charge émotionnelle et financière » qui en découle pour elle et les femmes concernées. « C’est une question sociale : l’habillement contribue au développement personnel et à la construction de la confiance en soi », dit-elle. Si les grandes tailles font systématiquement défaut, « pour moi, c’est de la discrimination ».
Discrimination sociale et économique
Un point de vue partagé par Daria Marx, fondatrice de « Gras Politique », une association qui lutte contre la grossophobie. « On est complètement privées de l’expérience sociale de faire du shopping, de partager des moments comme ça avec la famille ou les amis », déplore la femme de 41 ans. « Je suis obligée de me tourner vers la vente en ligne. Je n’ai pas du tout le choix d’une mode plus éthique ou responsable », explique Daria Marx. La grande majorité des enseignes qui proposent sa taille sont de « la fast-fashion », une mode à petits prix avec un renouvellement rapide de collections, souligne-t-elle.
Une « double peine », reconnait Yann Rivoallan, le président de la Fédération Française du prêt-à-porter féminin, qui analyse l’absence de choix en magasin comme le résultat d’une « problématique purement économique ». Si la vague du « body-positive » (acceptation de soi) a propulsé des mannequins de toutes morphologies sur les podiums des défilés, nombre de professionnels de la mode restent réticents à élargir leur gamme. Yann Rivoallan l’explique par la peur de ne pas obtenir de retour sur investissement. « Tristement, on a un rapport entre la morphologie et le pouvoir d’achat. Beaucoup de personnes qui ont des tailles en 50-52 ont un pouvoir d’achat qui peut être plus faible », étaye-t-il.
Dans les locaux parisiens de Make My Lemonade, Lisa Gachet, modéliste et fondatrice de la marque, réfute l’argument d’une mode grande taille plus coûteuse à produire. A l’échelle de sa marque créée en 2015, la modéliste convaincue que « la mode ne s’arrête pas au 44 », expose sa solution : « Les coûts peuvent être lissés sur toute la grille de taille ». Une prise de position « politique », estime Lisa Gachet qui produit des vêtements jusqu’au 52 : « je n’ai pas envie que les femmes pensent qu’elles doivent attendre de perdre du poids pour entrer dans nos vêtements. »