Nice manque « d’abattoirs officiels » pour tuer les milliers de moutons pendant l’Aïd-el-Kébir
LA LOI ET LE CULTE•Une quarantaine de moutons vivants ont été découverts lundi dans un « abattoir sauvage » installé dans un logement social d’une cité niçoiseFabien Binacchi
L'essentiel
- Ces derniers jours, à Nice, deux affaires d’abattoirs clandestins et illégaux de moutons sont venues entacher l’Aïd-el-Kébir.
- S’il juge ces faits « intolérables », le patron de l’Union des musulmans des Alpes-Maritimes reconnaît aussi ce jeudi qu’il n’y « avait pas assez d’abattoirs temporaires officiels » ouverts dans le département cette année.
- « Leur ouverture et leur exploitation restent à la charge des représentants du culte, l’Etat étant laïc », rappelle Nathanaëlle Mignot, la directrice départementale adjointe de la protection des populations dans les Alpes-Maritimes.
Quarante bêtes entassées dans un logement social squatté, dix autres retrouvées parmi des carcasses sur un terrain privé… Ces derniers jours, à Nice, deux affaires d’abattoirs clandestins et illégaux de moutons sont venues entacher l’Aïd-el-Kébir. « Nous le déplorons évidemment et condamnons ceux qui profitent de la fête [religieuse dite « du sacrifice »] pour s’enrichir », peste l’imam Otmane Aissaoui, recteur de la mosquée ar-Rahma à l’est de la capitale azuréenne.
Mais s’il juge ces faits « intolérables », le patron de l’Union des musulmans des Alpes-Maritimes contacté par 20 Minutes reconnaît aussi ce jeudi qu’il n’y « avait pas assez d’abattoirs temporaires officiels » ouverts dans le département cette année. « Nous en avions quatre avant la pandémie. Et seulement deux, dont un uniquement réservé aux bouchers professionnels, cette fois-ci », rappelle-t-il encore. Bien peu, sachant que dans le département voisin du Var, quatre abattoirs temporaires ont été agréés. Dans les Bouches-du-Rhône, il y en avait même sept, selon une liste publiée sur le site du ministère de l’Agriculture.
La seule structure ouverte aux particuliers sur la Côte d’Azur, installée chez un fermier de Contes, près de Nice, a donc tourné « à la chaîne » sur ces deux jours d’ouverture, mercredi et ce jeudi, avec « une centaine d’abattages à l’heure », détaille Otmane Aissaoui. « Quand on sait que nous sommes environ 40.000 musulmans pratiquants dans les Alpes-Maritimes, on peut estimer que 10.000 bêtes pourraient être sacrifiées chaque année pendant la fête. Si nous avions quatre ou cinq structures un peu partout, ce serait parfait. Mais nous nous y sommes pris trop tard », admet encore l’imam.
Des structures « à la charge des représentants du culte »
Car même si des arrêtés préfectoraux réglementent l’activité de ces abattoirs, « leur ouverture et leur exploitation restent à la charge des représentants du culte, l’Etat étant laïc », rappelle à 20 Minutes Nathanaëlle Mignot, la directrice départementale adjointe de la protection des populations dans les Alpes-Maritimes. « Ce n’est pas simple à mettre en place et ça leur coûte cher. Nous essayons dans tous les cas de les accompagner autant que possible », assure-t-elle aussi.
Car c’est avant tout une question de santé publique. Les structures officielles faisant « l’objet de contrôles » sur « le respect des règles d’hygiène, de traçabilité des animaux et de sécurité » mais aussi « de bien-être animal », rappelle la préfecture. Elle explique encore que, « conformément à la réglementation en vigueur, un sacrificateur formé à la protection animale et habilité par l’instance religieuse » procède sur place aux sacrifices.
« Des signalements concernent aussi des abattages à domicile »
Ce qui n’est pas (forcément) le cas dans les installations sauvages. Et qui vont au-delà des deux cas médiatiques de ces derniers jours sur la Côte d’Azur pour lesquelles des enquêtes administratives ont été ouvertes. « Nous intervenons la plus souvent sur des dénonciations et des signalements qui concernent également des abattages à domicile », fait aussi savoir Nathanaëlle Mignot.
Des situations difficiles à quantifier, également dénoncées ces derniers jours dans le Val-d’Oise ou encore dans les Bouches-du-Rhône, dans tous les cas contraires aux réglementations en vigueur. « Si le culte s’exerce librement en France, il ne peut se faire au-dessus des lois de la République et des conditions d’hygiène élémentaires », avait notamment déploré le premier adjoint au maire de Nice, qui révélait mercredi la découverte d'« un nouvel élevage illégal » sur un terrain de l’ouest de la ville. Dimanche soir, c’est cet élu, également président de Côte d’Azur habitat, le principal bailleur social des Alpes-Maritimes, qui dévoilait déjà la première affaire, avec 40 moutons retrouvés dans un logement, pourtant protégée par une porte antisquat.
La question de l’abattage rituel sans étourdissement
Ceux-là ont depuis trouvé refuge dans une « pension partenaire » de la Fondation Brigitte Bardot près de Marseille. L’association, qui a également recueilli des bêtes d’autres installations illégales démantelées en France, dénonce par ailleurs la « longue et cruelle agonie » que représente « l’abattage sans étourdissement, encore trop souvent pratiqué en France et en particulier en cette funeste période » de l’Aïd-el-Kébir.
Sur ce point, Otmane Aissaoui assure que la mort rituelle des moutons par égorgement permet de « soulager rapidement l’animal ». « Ce n’est pas moi mais des scientifiques qui le disent ». Des versions difficilement réconciliables. L’imam promet en tout cas « d’essayer de mieux organiser les choses l’an prochain avec toutes les parties prenantes » pour arriver à « ouvrir davantage d’abattoirs agréés ».