Mort de Nahel : A Toulouse, la jeunesse du Mirail entre « peur » et poussée d’adrénaline
reportage•Après la mort de Nahel à Nanterre, des émeutes ont éclaté au Mirail, à Toulouse. Au lendemain des heurts, les esprits sont plus apaisés mais les jeunes habitants n’oublient pasLucie Tollon
L'essentiel
- Le jeune Nahel, âgé de 17 ans, a été tué par un tir de police. Rapidement la colère a grondé partout en France après la diffusion de vidéos mettant à mal la version des policiers qui avançaient la thèse du refus d’obtempérer.
- De Rennes à Lille en passant par Toulouse, des violences urbaines ont éclaté dans la soirée de mercredi. A la Reynerie, l’un des trois quartiers composant le quartier prioritaire du Mirail, des voitures ont été brûlées ainsi que des poubelles. Un chien a également été tué par un policier.
- Au lendemain, le calme est revenu dans le quartier mais les stigmates restent… qu’ils soient matériels ou dans les pensées.
Du quartier de la Reynerie, à Toulouse,
« J’étais tranquillement posé dans le parc avec mes amis et mon chien. Les flics sont passés et ils ont tiré sur mon pauvre Jack, mon malinois juste parce qu’il a aboyé. » Le calme est revenu ce jeudi place Abbal dans le quartier prioritaire du Mirail à Toulouse au lendemain des violences urbaines survenues à la suite de la mort de Nahel à Nanterre. Mais Mohammed, est toujours en colère. « C’est comme s’il avait tiré sur mon fils », témoigne ce jeune gringalet caché derrière sa casquette et son ensemble jogging bleu et blanc qui n’occultent pas sa tristesse.
« Un fils », un vrai, mort par balle, c’est justement de là que tout est parti. A 700 kilomètres de Toulouse, au même moment, ce jeudi après-midi, se tenait la marche blanche en hommage à Nahel, tué par le tir d’un policier. Et de Nanterre à la Ville rose, la même incompréhension, le même soutien.
« Ils ont exprimé leur colère. C’est légitime »
« Hier, ils ont exprimé leurs sentiments, leur colère. C’est légitime », justifie Britney*, une stagiaire en mode qui se balade sur la place Abbal tandis que les nettoyeurs – dont certains encore cagoulés – tentent d’effacer les balafres de la nuit. Un cadavre de voiture trône encore, témoin de ce rassemblement « de colère et de fureur », dépeint Hassan*, « un gars d’ici », « fier » de son quartier et de sa « solidarité ». A 19 ans, au sortir du lycée, il ne compte pas partir et continuera « à venger la mort d’innocents et de frères contre la police ». « La violence contre la violence », ajoute ce colosse enfermé dans son maillot de foot.
« Ça va régler quoi de brûler des voitures ? »
Une violence que ne cautionnent d’autres habitants. Comme Leslie*, 16 ans, posée sur un banc au bord de l’eau avec sa famille. Si le choc du meurtre de Nahel ne passe pas, cela n’excuse pas tout pour elle : « c’est normal d’être en colère. Mais ça va régler quoi de brûler des voitures ? De brûler des poubelles ? » Celle qui veut rejoindre la Marine comprend les réactions mais ne peut pas justifier la violence « qu’elle soit d’un côté ou de l’autre. On doit tous trouver le droit chemin ».
Difficile de croire que quelques heures plus tôt, le quartier de la Reynerie était en feu alors que ce jeudi après midi, la jeunesse profite de son pique-nique. Samir* et Ahmed* circulent sur leur petite trottinette. Ils se remettent de leur nuit. Ils ont 13 ans et affichent grand sourire et satisfaction. « Ça faisait plaisir. Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas tous retrouvés. C’était bonne ambiance », décrit Samir au sourire bagué d’adolescent qui espère devenir « le plus grand guetteur de la Reynerie ».
« Ça faisait peur, c’était violent »
Leur spontanéité leur ferait presque oublier pourquoi ils ont chauffé le Mirail dès hier soir, à la tombée de la nuit. « Ça nous fait de la peine pour ce garçon et ça fait surtout peur. La police doit nous protéger », développe Ahmed qui se rêve footballeur professionnel loin de tous ces « événements horribles ».
Reste que l’ambiance n’a pas été « bonne » pour tout le monde. En tout cas pas pour Inès, cachée sous une longue robe bleu turquoise. « Ça faisait peur. C’était violent, il y avait des feux partout », témoigne l’adolescente de 15 ans qui profite de la douceur du temps après s’être cloîtrée chez elle toute la nuit.
* Les prénoms ont été changés.