EducationCalendrier, coefficients… Comment le bac pourrait-il encore changer ?

Bac : Calendrier, coefficients… Ce qui pourrait changer après les ratés de cette année

EducationLe troisième trimestre des élèves de terminale n’a pas été des plus studieux cette année. D’où la volonté du gouvernement de réorganiser encore l’examen
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Pour la première fois depuis la réforme de 2019, le nouveau baccalauréat est entré pleinement en œuvre en 2023, avec l’organisation en mars des deux épreuves de spécialités.
  • Après avoir passé ces épreuves, de nombreux élèves estiment que « les jeux sont faits » et font l’impasse sur les derniers mois au lycée.
  • Organisations syndicales et chefs d’établissements réclament « en urgence » des aménagements pour l’année prochaine, afin notamment de remédier à cet absentéisme. 20 Minutes explore les différentes pistes à l’étude.

Encore un lifting en vue pour la pourtant jeune réforme du bac. « J’ai demandé des aménagements pour qu’à partir de la rentrée prochaine, le nouveau bac corresponde plus à nos besoins », a annoncé lundi Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Marseille. Une décision qui s’explique par la désorganisation de la fin de l’année de terminale dans de nombreux lycées, dont se sont plaints les proviseurs et les enseignants. Car cette année, c’était la première fois que les épreuves de spécialité (les deux matières majeures, qui comptent à elles deux pour un tiers des résultats du bac) avaient lieu en mars. L’an dernier, elles avaient été reportées au mois de mai en raison du Covid-19.

Cette nouvelle donne a totalement changé la physionomie de l’année de terminale. Les notes de ces épreuves ayant été annoncées en avril, les élèves ont pu calculer approximativement leur moyenne finale au bac, puisqu’ils savaient aussi la plupart de leurs notes de contrôle continu*. « Ils connaissaient environ 80 % de leur note finale. Donc même sans avoir passé la philo et le grand oral, certains étaient par exemple sûrs de décrocher la mention bien », explique Jean-Remi Girard, président national du Syndicat national des lycées et collèges. Par ailleurs, certains lycéens ont su tôt leur affectation post-bac, car Parcoursup délivre ses réponses aux vœux des futurs étudiants depuis le 1er juin.

« On constate beaucoup de colère chez les enseignants de philo »

Conséquences : nombreux sont les lycéens à avoir relâché la pression et délaissé les salles de classe au printemps. « Les enseignants ont noté une augmentation très sensible de l’absentéisme dès avril, encore plus en filière technologique », constate Jean-Remi Girard. « Qu’il y ait davantage de contrôle continu est plutôt une bonne chose, mais que l’année scolaire se finisse si tôt sur certaines épreuves est plutôt un problème », a concédé Emmanuel Macron.

Autre effet : l’épreuve de philo, redoutée avant la réforme du bac, a été abordée avec moins de sérieux par de nombreux candidats. « On constate beaucoup de colère chez les enseignants de philo, qui voient certains candidats sortir de l’épreuve après 1 ou 2 heures et ne pas composer sérieusement. Encore plus pour les candidats au bac technologique, la philosophie ayant pour eux un coefficient 4 sur un total de 100 », observe Jean-Remi Girard. Même constat pour le grand oral, où certains candidats ne donnent pas toujours le maximum.

Les conclusions d’un rapport sur le sujet en septembre

Impossible donc pour le gouvernement de maintenir le statut quo. Ce mercredi, le comité de suivi de la réforme du bac a remis ses propositions au ministre de l’Education, Pap Ndiaye. Ce dernier a aussi commandé un rapport sur le sujet à un ancien recteur, William Marois, qui lui sera rendu en septembre.

Parmi les idées sur la table pour réorganiser l’année de terminale : un rééquilibrage des coefficients, en minorant ceux des épreuves de spécialité et en augmentant ceux de la philosophie et du grand oral. Une suggestion qui ne convainc pas Jean-Remi Girard : « Ce n’est pas en relevant un peu le coefficient de la philo et du grand oral qu’on motivera plus les élèves à venir en cours. Et cette hypothèse suppose de dévaloriser d’autres matières en échange ». Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du SGEN-CFDT, n’est pas non plus emballée : « Cela renforcerait le poids d’épreuves qui ne sont pas spécifiques dans le parcours du lycée, ce qui va à l’encontre de l’esprit de la réforme. »

Les épreuves de spécialité en juin ? Tout le monde n’est pas pour

Autre piste : déplacer les deux épreuves de spécialités en juin. Une idée qui hérisse Guillaume Gellé, président de France Université : « On pense que ce serait une très mauvaise réponse. Car les responsables de formation du supérieur ne pourraient plus prendre en compte les notes de spécialités dans le cadre de la procédure Parcoursup. Or, elles ont l’intérêt de mettre les lycéens sur un pied d’égalité grâce à la dimension nationale des épreuves. Et c’est une manière d’anonymiser le lycée d’origine dans la procédure d’affectation ». Pour motiver les élèves à aller en cours, il plaide plutôt pour l’organisation d’un autre oral en fin d’année, afin de valider les connaissances du 3e trimestre. Catherine Nave-Bekhti estime même que déplacer les spécialités en juin équivaudrait à un retour en arrière : « Sur Parcoursup, on ne prendrait en compte que les notes de l’année, comme c’était déjà le cas avant la réforme, abonde-t-elle. Ce serait une manière de réaffaiblir le bac ».



Mais selon Jean-Remi Girard, décaler les épreuves de spécialités serait la meilleure solution : « Hormis le fait de maintenir les élèves en cours jusqu’à la fin de l’année, cela donnerait plus d’air aux enseignants pour aborder tout le programme, travailler la méthodologie et passer des épreuves blanches. Quatre épreuves terminales, ce serait tout à fait supportable pour les élèves », souligne-t-il. Sur France 2, jeudi dernier, le ministre de l’Education a aussi évoqué une idée « à l’anglaise » : « Conditionner l’admission Parcoursup à un travail régulier et assidu au 3e trimestre. »

Le pire, selon Jean-Remi Girard, serait que le ministère opte pour des changements cosmétiques. « Et ce afin que les concepteurs de la réforme ne se sentent pas remis en cause ». Catherine Nave-Bekhti, elle, redoute l’annonce d’une réorganisation en septembre pour une application dès l’année scolaire 2023-2024 : « Les enseignants préparent leurs cours pendant les vacances d’été en prenant en compte le calendrier des épreuves. S’ils étaient mis devant le fait accompli à la rentrée, ils devraient tout repenser. »

* La note du bac repose à 40 % sur du contrôle continu et à 60 % sur des épreuves dites terminales (le français, les épreuves de spécialité, la philosophie et le grand oral).