initiativeFaut-il des transports gratuits le week-end pour favoriser les commerces ?

Faut-il rendre les transports gratuits le week-end pour favoriser les commerces de centre-ville ?

initiativeDes villes comme Nantes, Montpellier ou Nancy ont instauré la gratuité des transports collectifs le week-end. Les commerçants d’autres centres-villes, comme à Rennes, aimeraient bénéficier de la mesure, a minima pendant la période des soldes
Camille Allain, Nicolas Bonzom, Frédéric Brenon et Thibaut Gagnepain

Camille Allain, Nicolas Bonzom, Frédéric Brenon et Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Les soldes d’été démarrent ce mercredi 28 juin en France. Ils prendront fin le 25 juillet.
  • Des commerçants aimeraient que cette période de remises soit soutenue par des transports en commun gratuits, par exemple chaque week-end.
  • Les villes de Montpellier, Nancy et Nantes expérimentent déjà les transports gratuits le samedi et le dimanche depuis plus de deux ans.

Montpellier a donné le coup d’envoi en septembre 2020, Nancy l’a imité en décembre suivant, puis Nantes a fait le même choix en avril 2021. Dans ces trois grandes villes, les transports en commun sont gratuits chaque week-end. Une mesure, voulue pour doper la fréquentation des bus et tramways en pleine crise Covid, qui est toujours en place aujourd’hui. De quoi susciter la curiosité, voire l’envie, dans d’autres collectivités. A Rennes, par exemple, l’association de commerçants du centre-ville avait sollicité (en vain) la gratuité des transports collectifs pour sa grande braderie annuelle du 28 juin, mais aussi pour le premier samedi des soldes.

Accusant des pertes de 30 à 60 % de chiffre d’affaires, ces commerçants aimeraient que la ville les accompagne davantage pour reconquérir la clientèle de périphérie. « Les centres-villes souffrent, le commerce a muté, il ne peut plus être vu comme dans le passé », regrette Laurence Taillandier. La présidente du Carré Rennais est persuadée qu’une gratuité des transports inciterait les gens à revenir. « Pas forcément pour consommer mais pour se promener, déambuler ».

« Globalement, dans toute la France, les flux de clientèle baissent, confirme Eric Malezieux, directeur de la fédération des Commerçants et artisans des métropoles de France (CAMF). La gratuité le week-end fait partie des solutions qui permettraient de renforcer l’attractivité des centres-villes. » Mais la gratuité est-elle vraiment la recette magique imaginée ? Se traduit-elle réellement par des augmentations de chiffre d’affaires dans les boutiques ?

« Les gens viennent beaucoup plus facilement en ville »

A Nantes, la gratuité des transports le week-end a effectivement généré un pic de voyages significatif le samedi et le dimanche : +15 % en moyenne. Les flux piétons ont, eux aussi, progressé en cœur de ville d’environ 10 %, selon l’association des commerçants Plein centre. « Une hausse de 10 % le samedi, c’est très positif, clame son président, Teddy Robert. On reçoit, par exemple, des clients de plus en plus tard, jusqu’aux horaires de fermeture. Les gens viennent en ville pour nos commerces mais aussi pour l’animation, la culture, le patrimoine. La gratuité est forcément un facilitateur. C’est le retour qu’on a fait à la ministre Olivia Grégoire. » Le constat est similaire à Nancy. « Nous observons une hausse de fréquentation des transports de l’ordre de 20 %. Les gens viennent beaucoup plus facilement en ville », assure le deuxième adjoint de la capitale meurthe-et-mosellane, Franck Muratet. A Montpellier, André Deljarry, le président de la Chambre de commerce et d’Industrie (CCI) de l’Hérault, est, lui aussi, formel : depuis que le tramway et les bus sont gratuits, la fréquentation du cœur de la ville augmente le samedi et le dimanche.


Le tramway à Montpellier (illustration).
Le tramway à Montpellier (illustration). - N. Bonzom / Maxele Presse

« Je n’ai pas de compteur mais, j’ai l’impression, quand même, que le centre-ville de Montpellier est bien animé. Beaucoup de personnes changent leurs habitudes », en prenant les transports en commun, renchérit Alain Simon, propriétaire d’une boutique de jouets et président de la fédération des associations de commerçants, d’usagers et de consommateurs du grand Montpellier (Faduc). « C’est le premier pas qui compte, poursuit-il. A partir du moment où on se dit qu’il y a une autre possibilité pour se rendre au centre-ville et qu’on l’utilise, on se dit "Pourquoi pas une deuxième fois, etc" ». Il faut dire que se garer en ville devient, partout, extrêmement compliqué.

« Aucun retour en arrière n’est envisagé »

Attention néanmoins: si la gratuité a bel et bien permis d’accroître le volume de visiteurs en centre-ville, cela ne signifie pas pour autant que ceux-ci se précipitent aux caisses des commerçants. La nuance est importante, selon Sébastien Duchauwicz, le président de la principale association qui les représente à Nancy. « Oui, ça génère beaucoup de trafic mais pas forcément de clients, indique-t-il. Nous n’avons pas eu de hausse considérable de chiffre d’affaires. » Entre la peur du Covid, l’inflation galopante et le mouvement de contestation contre la réforme des retraites, les ventes peinent à décoller. « Peut-être que les chiffres d’affaires ont augmenté un peu mais, faute d’étude, je ne peux pas l’affirmer. De toute façon, il ne faut pas se leurrer, la période est compliquée », juge Teddy Robert, le président des commerçants du centre-ville de Nantes.

Des grands travaux, comme ceux de la ligne 5 de tram à Montpellier ou ceux du trolleybus électrique à Nancy, génèrent également des perturbations, au risque de casser le dynamisme de la gratuité. « On a peur que des consommateurs préfèrent aller en zone commerciale », s’inquiète le gérant d’un magasin de vêtements nancéien. L’élu Franck Muratet se veut, lui, rassurant. « La collectivité crée un environnement favorable à la mobilité, ça donne des opportunités aux commerçants et ça devrait favoriser le dynamisme économique. Aucun retour en arrière n’est envisagé aujourd’hui, d’autant plus dans une période où les enjeux environnementaux sont importants. »



Attentive, Rennes métropole promet d’organiser un « débat citoyen sur le sujet courant 2024 ou 2025 ». Son vice-président, Mathieu Theurier, exprime toutefois des réticences : « En rendant les transports gratuits le week-end, Nantes s’est privée de 20 millions de recettes [6,5 millions d’euros par an en réalité, chiffre auquel il faut ajouter 3,5 millions d’euros de dépenses supplémentaires liées à un renforcement du service]. » A Nancy, la mesure coûte « environ 2 millions d’euros par an » à la métropole, en comptant la gratuité pour les moins de 18 ans, mise en place toute la semaine. A Montpellier, le coût de la gratuité le week-end pour la métropole est évalué à 5,6 millions d’euros par an. La capitale héraultaise s’apprête toutefois à monter d’un cran : à partir du 21 décembre prochain, le réseau de transports sera gratuit sept jours sur sept.