Il M’EMBOUCANEOn a traduit le « parler de Macron » en bon marseillais

Macron à Marseille : On a traduit le « parler de Macron » en bon marseillais

Il M’EMBOUCANE« La poudre de perlimpinpin », les « chicayas », « les gens qui ne sont rien »… Macron est un habitué des petites phrases et expressions
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Le président de la République est à Marseille pour trois jours à partir de ce lundi.
  • Il vient y présenter l’acte II du plan « Marseille en grand », après déjà venu trois jours en septembre 2021.
  • Emmanuel Macron rappelle ainsi son affection pour la ville. Il était donc temps de l’aider à parler marseillais.

Emmanuel Macron aime Marseille. Du moins, il l’affirme et entend le montrer avec ce second déplacement de trois jours dans la ville, présenter son acte II du plan « Marseille en grand ». Une longueur inédite pour un président en exercice. A bien des égards, Emmanuel Macron peut donc paraître comme un Parisien de plus arrivant à Marseille. Mais Marseille est une ville qu’il peut être difficile d’apprivoiser. Les habitants y parlent un français singulier, parfois imité, jamais égalé, qu’il faut savoir maîtriser si l’on veut pouvoir s’y intégrer et la comprendre.

Alors pour aider le Président à y parvenir, nous lui avons traduit en bon marseillais quelqu’une de ses expressions. Cela aussi, afin que les Marseillais saisissent bien le sens de certains de ses propos composés parfois de vocabulaire obscur, pour ne pas dire désuet. Le tout pour une bonne compréhension réciproque.

« « Ce que vous proposez, comme d’habitude, c’est de la poudre de perlimpinpin », Emmanuel Macron à Marine Le Pen, débat de l’entre-deux tours 2017. »

La « poudre de perlimpinpin », une manière de signifier que les propositions de Marine Le Pen sont une illusion, un leurre, un saupoudrage apparent mais sans effet.

Un bon marseillais aurait pu lancer : « Comme d’habitude, tu emboucanes les gens avec tes propositions ». « Emboucaner » signifie ici manipuler, mentir, faire marcher, prendre quelqu’un pour un imbécile. Un mot adapté aussi à la traduction de l''expression présidentielle « ripoliner la façade », cacher la misère, dissimuler…

Mais attention, si l’on peut s’entendre dire ainsi « tu m’emboucanes », on peut également vous dire simplement « tu emboucanes » sans complément d’objet. Dans ce cas-là, ça signifie simplement que vous devriez aller vous doucher, où lever le pied sur le parfum et revêt donc le sens de « puer », « sentir fort ».

Ce verbe est sans doute issu de la technique culinaire qui consiste à fumer la viande pour la conserver et qu’on retrouve par exemple dans le poulet boucané des Caraïbes. L’odeur, (l’écran de) la fumée, vous avez compris quoi…

« « La politique sociale, regardez : On met un pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens ils sont quand même pauvres », Emmanuel Macron au palais de l’Élysée le soir du 12 juin 2018, à l’occasion d’un entretien informel avec ses conseillers. »

On va y aller droit au but pour celle-là : « Vé, la politique sociale : On met tarpin les sous, ces zguègues ils restent quand même pauvres ». Trois mots-clés pour cette traduction : « Vé », qui veut dire « regarde », le superlatif « tarpin », qu’on ne présente plus, et le mot « zguègue » (d’origine incertaine, sans doute d’un dialecte du Maghreb), qui désigne au sens strict un sexe masculin mais plus largement un bon à rien. « Zguègue », un synonyme de « vié », donc, qui peut marcher aussi ici mais revêt par ailleurs des emplois différents, comme dans l’interjection « mon vié ! », qui signifie l’agacement.

Plus largement, dans cette configuration où « les gens » perçus par Macron semblent être peu débrouillards, comme dans l’expression « une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien », « les gens qui ne sont rien » auraient pu être simplement remplacés par « ces mastres », des débiles, des personnes nulles, inutiles, comme Valère Germain à la 4e minute de la finale d’Europa de League perdue par l’OM en 2018.

« « Si, toujours, l’action publique est divisée, et les chicayas locaux bloquent l’avancée, ces milliards n’arrivent jamais ! », Emmanuel Macron, le 2 septembre 2021, à Marseille pour l’acte I du plan « Marseille en grand ». »

Ah, voilà un mot, « chicaya », prononcé à Marseille. Le Président entendait alors désigner avec ce mot d’origine arabe les embrouilles, querelles et disputes entre les différentes collectivités locales, la mairie de gauche dirigée par Benoît Payan et la métropole de droite dirigée par Martine Vassal en tête. On salue l’effort, mais « engatser », un verbe local aurait pu ici trouver toute sa place.

Pour bien se faire comprendre, car visiblement, les « chicayas locaux » ne sont pas tout à fait terminés, Emmanuel Macron aurait pu dire : « Si vous voulez que les sous arrivent, il faut arrêter de vous engatser pour un rien ». Et avec la mauvaise foi qui peut caractériser les Marseillais, les personnes visées auraient répondu : « Mais c’est pas moi, c'est l’autre, il m’engatse là ».





« « S’ils cherchent un responsable, qu’ils viennent me chercher », Emmanuel Macron, le 24 juillet 2018, au sujet de l’affaire Benalla. »

« Je crains dégun et s’ils veulent on va aller se filer (derrière les cyprès) », voilà ce qu’aurait pu dire le Président, bombant le torse et signifiant qu’il n’a pas peur de la rue. Deux mots dans cette traduction l’emblématique « dégun », qui signifie « personne », et le moins connu « se filer », parfois comme nom féminin « une filade », qui désigne « se bagarrer », « une bagarre ».

En fan d’IAM, comme tout bon quadragénaire marseillais qui se respecte, Emmanuel Macron aurait ajouté « derrière les cyprès », en référence au couplet d’Akhenaton dans Je danse le Mia : « Viens avec moi, on va se filer/Tête à tête je vais te fumer derrière les cyprès ».

« C’est pas Gérard Majax », Emmanuel Macron à Marine Le Pen, débat de l’entre-deux tours 2021.

On va profiter de cette allusion au célèbre prestidigitateur Gérard Majax pour faire un point culture foot. Le Président de la République est réputé être un supporteur de l’Olympique de Marseille. Il ne peut donc ignorer, qu’ici, il n’y a qu’en seul magicien connu qui ait envoûté le Vélodrome : Chris Waddle. Il aurait donc pu dire pour bien se faire comprendre des Marseillais « C’est pas Chris Waddle », l’ailier droit du glorieux OM de 1989 à 1992, effectivement surnommé « le magicien » du côté de l’enceinte du Boulevard Michelet.