Dissolution des Soulèvements de la Terre : Une procédure vraiment efficace ?
ANALYSE•Ce mercredi, la dissolution du collectif des Soulèvements de la terre a été prononcée en Conseil des ministres
Caroline Politi
L'essentiel
- Ce mercredi, la dissolution des Soulèvements de la Terre a été prononcée en Conseil des ministres.
- C’est la troisième association ou groupement qui fait l’objet d’une telle procédure en dix ans. En revanche, c’est la première fois qu’elle vise un groupement à visée environnemental.
- Mais cette procédure est à double tranchant.
L’épée de Damoclès qui planait depuis près de trois mois sur Les Soulèvements de la Terre s’est finalement abattue ce mercredi sur le collectif. Le décret de dissolution a été présenté dans la matinée en conseil des ministres. La procédure engagée fin mars, quelques jours seulement après les violents affrontements de Sainte-Soline autour des « méga-bassines », était bloquée pour des questions juridiques. Contrairement à la plupart des associations dissoutes jusqu’à présent, les Soulèvements de la terre est un collectif qui agrège plusieurs structures dont certaines sont reconnues par les pouvoirs publics. Matignon craignait donc qu’en cas de recours, le décret soit retoqué par le Conseil d’État.
Mais ces trois mois de répit n’ont pas permis de calmer les esprits. De nombreux militants écologistes et politiques dénoncent une dérive autoritaire du gouvernement visant notamment à museler les opposants à ce projet de retenues d’eau. « Nous n’avons absolument rien contre les associations qui militent pour l’écologie, c’est nous faire un faux procès », se défend une source gouvernementale. Et d’insister : « Toutes les voix peuvent s’exprimer mais ce militantisme doit se faire dans un cadre légal. On ne peut pas tolérer un collectif qui casse, dégrade, menace l’ordre public… » Si ce dispositif est relativement classique, c’est la première fois qu’un décret vise une structure avec un dessein environnemental. Sur les dix dernières années, 43 procédures ont été lancées, exclusivement contre des associations ou groupes d’extrême-droite, d’extrême gauche et depuis 2015, islamistes.
« Nous avons maintenu l’ensemble des actions prévues »
Malgré cette échéance, sur son site, le collectif Les Soulèvements der la Terre assure n’avoir pas modifié son planning. « Loin d’être intimidés par la répression, nous avons maintenu l’ensemble des actions prévues cette saison et appelé à de nouvelles », peut-on lire. On imagine mal les éléments les plus radicaux stopper tout militantisme après la parution d’un décret. « C’est sûr que rien n’empêche des groupes dissous de se reformer sous une autre appellation ou de rejoindre un mouvement proche du leur », note Xavier Crettiez, professeur agrégé de sciences politique, spécialiste de la violence politique. Pour autant, réduire cette procédure à une simple mesure d’affichage est un raccourci. « La dissolution d’une structure la fragilise sur un plan organisationnel », précise le chercheur. Elle ne peut plus avoir de financements pour monter des opérations ou même imprimer des tracts, elle n’a plus le droit d’avoir des locaux, son site est déréférencé…
« Évidemment qu’on n’empêchera jamais toute expression radicale mais c’est un outil qui fonctionne », assure la même source gouvernementale. Et de citer l’exemple de Génération Identitaire, groupuscule d’ultradroite dissous en mars 2021. « Ils se sont fait connaître avec leurs actions dans les Alpes ou les Pyrénées pour empêcher les migrants de passer, il n’y en a plus depuis. » Reste à savoir si ces expressions radicales se sont exprimées par d’autres canaux. Moins d’un an après cette dissolution, le site Streetpress révélait que certains militants avaient reformé un groupe.
« Dans les logiques militantes radicales, l’un des moteurs, c’est l’effet de groupe, précise Xavier Crettiez. Des individus un peu esseulés ne vont pas changer leurs idées mais peuvent s’éloigner du militantisme. » En revanche, note le chercheur, la dissolution peut avoir l’effet inverse sur les éléments les plus radicaux. « Les membres d’une association légale ne peuvent pas faire n’importe quoi sinon elle sera pointée du doigt. Cela crée une certaine forme d’encadrement et de responsabilisation des membres. » Lorsque celle-ci est dissoute, plus rien ni personne ne canalise ces éléments. De même, le suivi des plus radicaux par les services de police et de renseignement est plus difficile lorsqu’il n’existe aucun cadre.
Un effet moindre avec le numérique
Autre difficulté : ce dispositif, créé en 1936, vise avant tout à fragiliser des structures classiques, celles dont les membres se réunissent, cherchent des financements et organisent des opérations. Quid des mouvements beaucoup plus spontanés ? « Le numérique change quand même la donne et l’efficacité de la mesure, poursuit le chercheur. Avec les boucles organisationnelles sur WhatsApp, Telegram ou sur des réseaux encore plus sécurisés, cela devient plus facile de monter des opérations. » De plus en plus de militants se réunissent sur un événement puis se dispersent une fois celui-ci terminé. En sera-t-il de même pour les Soulèvements de la Terre ? La réponse pourrait intervenir rapidement : sur son site, le collectif fait référence à un convoi d’eau qui aura lieu mi-août à Sainte-Soline.
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