educationLe gouvernement revoit sa copie sur le SNU

SNU : Pourquoi le gouvernement a revu ses ambitions à la baisse

educationL’exécutif a annoncé jeudi la nouvelle formule du Service national universel : un stage sur le temps scolaire pour les élèves de seconde volontaires. Retour sur la chronologie d’un projet dont le résultat final est loin de l’ambition initiale
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • Promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, le Service national universel (SNU) va être intégré au temps scolaire en mars 2024 sous forme d’un séjour facultatif de 12 jours.
  • Lancé en 2019 de manière ciblée, le dispositif avait vocation à devenir obligatoire et généralisé, mais il s’est heurté à de nombreuses résistances.
  • Retour en quelques dates clés sur un projet où le gouvernement a dû revoir ses ambitions à la baisse.

Quand le SNU fait sa mue. Ce jeudi, Sarah El Haïry a dévoilé le nouveau dispositif du Service national universel : un stage de 12 jours pour les élèves en classe de Seconde, sur la base du volontariat. La secrétaire d’Etat à la Jeunesse a également indiqué que ce séjour de cohésion s’effectuerait sur temps scolaire. Une décision qui a provoqué l’ire des syndicats enseignants, reçus ce jeudi rue de Grenelle pour évoquer l’évolution du SNU.

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017, cette « aventure collective » a poussé le gouvernement à revoir sa copie, face aux oppositions. 20 Minutes revient sur la chronologie de ce renoncement.

L’Etat lance le SNU à l’été 2019

Après avoir promis un « service national de durée courte, obligatoire et universelle » lors de sa campagne en 2017, Emmanuel Macron se lance. En 2019, il nomme Gabriel Attal, alors secrétaire d’Etat, au pilotage du projet. La première édition regroupe 2.000 jeunes volontaires âgés de 15 ou 16 ans pour un séjour de cohésion de 12 jours. Le programme est panaché entre des activités sportives récréatives et des apprentissages ou rappels sur l’éducation civique. Les jeunes portent un uniforme, et leurs frais d’hébergement sont entièrement pris en charge par l’Etat. Les volontaires sont encadrés par des militaires, des animateurs et des éducateurs.

A l’époque, le dispositif est amené à être généralisé à 800.000 élèves, soit l’ensemble d’une classe d’âge. Budget estimé : 1,5 milliard d’euros. « Je suis en train de bâtir des scénarios qui nous permettront de le généraliser peut-être plusieurs années avant la date de 2026 initialement annoncée », confie alors Gabriel Attal, dans les colonnes du Parisien.

En février 2020, l’exécutif veut accélérer la généralisation

Alors qu’il visait une généralisation du dispositif en 2026, le gouvernement en 2020 revoit son calendrier… Pour faire plus vite. Nouvel objectif pour la généralisation : 2024. Le bilan de l’expérimentation de 2019 est jugé comme « très positif, notamment en matière de mixité sociale et territoriale comme de mobilité, détaille à l’époque Gabriel Attal en février 2020 à Ouest France. Nous nous sommes fixés pour objectif d’accueillir 100.000 jeunes en séjour de cohésion dès l’année prochaine, puis 200.000 en 2022, soit un jeune de 16 ans sur quatre ».

Les réponses aux critiques qui pointent le coût du dispositif sont balayées. « Il faut voir le SNU comme un investissement, notamment en matière de lutte contre le décrochage scolaire, contre l’illettrisme et pour l’insertion professionnelle des jeunes » déclarait l’homme politique. En 2022, 32.000 jeunes seulement ont pris part au SNU. Parmi eux, un quart des participants possédait dans sa famille une personne ayant porté l’uniforme (armée, police…).

En avril 2023, Macron ouvre la porte à une généralisation obligatoire

Le SNU ? « Il faut passer par la loi pour le rendre obligatoire, mais avant il faut finaliser la concertation. Je suis favorable à ce qu’on puisse avancer », a indiqué Emmanuel Macron dans le Parisien, en suggérant une généralisation progressive, en commençant seulement par quelques départements. Puis, Politis, qui avait mis en lumière des cas de violences sexistes et sexuelles lors de séjours, révèle en mai dernier la volonté de l’exécutif de déployer le SNU dès la rentrée de septembre.

Après la contestation du dispositif en pleine grogne contre la réforme des retraites, les opposants au SNU font part de leurs inquiétudes. « Tant que le SNU, c’est du volontariat et hors temps scolaire, les élèves et les familles font ce qu’ils veulent. A partir du moment où ça concerne le temps scolaire, ça ne nous va plus du tout, rappelle Jean-Rémi Girard, président du Snalc (Syndicat national des lycées et collèges), interrogé par 20 Minutes. Les élèves ont des programmes et des cours à suivre, l’année de Seconde est charnière… On ne va pas s’amuser à leur faire sauter deux semaines de cours pour ça. »

En juin 2023, une officialisation du SNU sur temps scolaire

Des discussions entre gouvernement et organisations syndicales se sont tenues pour changer la forme du SNU. Le séjour de cohésion de 12 jours est conservé, tout comme l’idée du volontariat. Mais le SNU se tiendra désormais sur le temps de la scolarité, à partir de mars 2024. « Ce séjour ne coûtera rien aux établissements, ni aux parents. Cette nouvelle modalité coexistera avec les séjours de cohésion choisis à titre individuel par les jeunes pendant leurs vacances », a détaillé Sarah El Haïry dans les colonnes du Figaro. La secrétaire d’Etat veut aussi doper l’attractivité du SNU en proposant d’obtenir des points bonus sur Parcoursup aux volontaires.

« C’est à nouveau une baisse du nombre d’heures consacrées aux apprentissages et la remise en cause du cadre national des programmes, et ce, sans oublier les réformes du lycée qui pèsent sur les parcours scolaires et d’orientation des élèves. C’est également une remise en cause du rôle des personnels de l’Éducation nationale tout comme celui des personnels de Jeunesse et Sports, qui ne sont pas là pour participer à un simulacre de séjour militaire », avaient dénoncé les syndicats de l’Education nationale et les organisations lycéennes, dans un communiqué commun qui a devancé l’annonce de quelques jours.

Pour l’heure laissée de côté, la question du caractère obligatoire du SNU pourrait ressurgir. « Le débat est ouvert. La question de l’obligation n’est pas un tabou. Mais notre objectif est de créer de l’engouement, pas de la coercition », a tenté de rassurer Sarah El Haïry, ce jeudi. En mars dernier, un rapport sénatorial exprimait ses inquiétudes budgétaires en cas de généralisation du dispositif, et attribuait le ralentissement du déploiement du SNU à des « difficultés matérielles rencontrées lors des expérimentations. »