Attaque au couteau à Annecy : « Les enfants sont ce qu’il y a de plus sacré »… L’émotion des habitants après le drame
reportage•Au lendemain de l’attaque au couteau à Annecy, l’aire de jeux, dans laquelle ont été poignardées les victimes, dont quatre très jeunes enfants, jeudi, s’est transformée en sanctuaire, où fleurs et peluches ont été déposées toute la journéeCaroline Girardon
L'essentiel
- Au lendemain de l’attaque au couteau lors de laquelle quatre enfants et deux adultes ont été blessés, l’émotion était encore vive dans les allées du parc du Pâquier à Annecy.
- Le square, où ont été poignardées les victimes, s’est transformé en sanctuaire.
- Lycéens, parents, anonymes sont venus longuement se recueillir, déposant des fleurs, des peluches ou encore des ballons en forme de cœur.
De notre envoyée spéciale à Annecy (Haute-Savoie),
Au sol, sur les pelouses synthétiques, une centaine de fleurs ont été déposées délicatement aux côtés des peluches et ballons en forme de cœur. Sur les rambardes entourant l’aire de jeux, des bougies dont la flamme vacille à l’heure des premières gouttes de pluie, s’ajoutent les unes aux autres. Au lendemain de l’attaque au couteau à Annecy, le square, dans lequel les victimes ont été poignardées, quatre enfants âgés de 22 à 36 mois et deux adultes, s’est transformé en sanctuaire. Un lieu de recueillement, où chacun s’attarde longuement.
Genou fléchi sur le bitume, Sofiane serre fort dans ses bras son petit Brahim qui, lui, se tient debout. « C’est un parc que je fréquente depuis que je suis tout petit, depuis l’âge de mes 3 ans. Maintenant, j’y emmène mes enfants. C’est inimaginable de penser que cela puisse arriver à Annecy, qui est une ville paisible où il fait bon vivre », raconte le père de famille. Et de reprendre : « Les enfants sont ce qu’il y a de plus sacré au monde. Comment un adulte peut faire cela ? Hier soir, chaque famille s’est refait la scène dans sa tête en pensant qu’elle aurait pu être à la place de celles de victimes. »
notre live sur l'attaque au couteau à annecy« C’est mal, Papa ? », questionne timidement le petit Brahim, haut comme trois pommes et toujours coiffé de son casque à vélo. « Oui », lui répond Sofiane. « On lui a parlé très vaguement de ce qu’il s’est passé car il est encore très petit. Il n’est pas censé entendre ça à son âge, alors on lui a simplement expliqué qu’un méchant avait fait bobo à un petit copain. Et que ce n’était pas le moment approprié pour venir jouer ici. »
« Ça aurait pu être notre petit frère, notre sœur »
Quelques mètres plus loin, Romane, 16 ans, jean et tee-shirt bordeaux, passe un bras autour des épaules de sa copine Flavia afin de la réconforter. Lycéennes, elles sont venues avec leurs camarades pour se recueillir. « J’ai coupé ce matin une fleur de mon jardin, même si mon père nous interdit d’y toucher, sourit Flavia, vêtue d’une robe blanche. Je ne sais pas comment s’appelle cette fleur mais je la trouvais jolie. Hier, ça aurait pu être notre petit frère, notre sœur quelqu’un de notre entourage. »
Les deux adolescentes connaissent bien les lieux. Elles, aussi, ont descendu les toboggans quand elles étaient mômes. « Notre lycée est tout proche, montre Romane du doigt. On mange dans le parc quasiment tous les jours à midi. Hier, on était censé venir. On aurait pu tout voir, c’est horrible. » « De toute façon, on a vu les vidéos qui circulent. Elles tournent au lycée, moi je ne peux pas. J’ai coupé le son la première fois. C’est trop choquant », comment Flavia.
Margot se présente à son tour dans le square, avec un rosier rouge dans une main, et celle de son fils Leone dans l’autre. La jeune maman est accompagnée de Nadine, sa mère qui apporte, elle, un rosier jaune. « Je suis extrêmement bouleversée par les événements d’hier », témoigne-t-elle alors qu’elle vient de glisser un petit mot parmi les fleurs déposées au sol.
« On peut ressentir directement la même douleur que les parents »
« Venir ici, c’est une façon de communiquer notre amour… », reprend Margot, avant que sa voix ne s’étrangle. « Désolée, c’est difficile, je ne trouve pas les mots ». Des larmes, qu’elle tente de contenir, affluent lentement dans ses yeux verts. « Ce n’est pas une question de proximité. Là n’est pas de savoir si on connaissait les familles ou pas. Mais ce qui s’est passé m’a touché en plein cœur. En tant que parent, on peut ressentir directement la même douleur que les familles. »
Subitement, Leone se met à pleurer. Sa grand-mère vient de lui expliquer qu’aujourd’hui, il ne pourra pas jouer dans le square. « C’est sûr qu’il est trop petit pour comprendre, il a 22 mois, le même âge que la plus jeune victime », souligne Margot, caressant les cheveux bouclés de la petite tête blonde en salopette. « Voir un tel acte de barbarie sur des êtres aussi purs, sans défense, ça touche au plus profond », conclut-elle en s’éloignant discrètement, alors que les rangs de la foule ne cessent de grossir à l’entrée du parc.