Marseille : Un Ehpad visé par une plainte pour avoir ramené chez elle une résidente malade d’Alzheimer
info 20 Minutes•Le groupe DomusVi, qui gère l’établissement, assure « avoir pris l’incident très au sérieux »Caroline Delabroy
L'essentiel
- La famille d’une ancienne résidente d’une maison de retraite du groupe DomusVi à Marseille a porté plainte pour mise en danger.
- Un personnel de l’établissement a en effet ramené en voiture cette femme, âgée de 83 ans et malade d’Alzheimer, à la porte de son ancien domicile, sans s’assurer d’une autorisation de sortie et la laissant seule.
- La direction parle « d’erreur d’appréciation » et « renouvelle ses excuses à la famille »
Elle se souviendra longtemps de ce message de sa fille reçu le 19 avril dernier : « Mamie est là ». Secrétaire médicale en réanimation, Céline Fiore Assous s’autorise alors quelques jours de vacances à l’étranger, loin de sa mère malade d’Alzheimer. Elle la pense en lieu sûr à la résidence Sainte-Anne, une maison de retraite médicalisée du groupe DomusVi à Marseille, où elle vit depuis plus d’un an. Et découvre, stupéfaite, la photo de sa maman de 83 ans, assise dans la cage d’escalier de son ancien immeuble.
Très vite, elle apprend les circonstances de cette échappée qui n’a rien d’une fugue. Considérant que l’Ehpad « n’a pas pris la mesure de la gravité de sa faute », Céline Fiore Assous porte finalement plainte contre l’établissement le 28 avril.
« On a frôlé la catastrophe, poursuit-elle, ma mère n’avait aucun papier sur elle, ni argent. Heureusement que ma fille était là pour lui ouvrir. Elle a trouvé ma mère essoufflée, fatiguée, très désorientée. » Avec aussi une question en suspens : comment cette femme âgée et souffrant d’Alzheimer a-t-elle bien pu faire pour parcourir les huit kilomètres séparant la maison de retraite et son ancien domicile, où vit aujourd’hui sa petite-fille ? A pied, il faut compter une heure de marche. En transports en commun, il faut prendre bus et métro, soit un trajet de près de 40 minutes.
« Laissée seule dans la rue »
« Votre grand-mère a dû fuguer, le portail de la résidence est resté ouvert à cause d’une panne d’électricité », s’entend répondre sa petite-fille au téléphone quand elle contacte la maison de retraite. Celle-ci dépêche une équipe pour venir rechercher sa résidente.
« Une heure plus tard, la directrice rappelle en nous expliquant cette fois qu’elle n’avait pas fugué, poursuit Céline Fiore Assous. C’est une agente de service hospitalier qui l’aurait déposée avec son véhicule personnel. Et ce, à la demande de ma mère, qui lui aurait affirmé qu’elle disposait d’une autorisation de sortie. Sauf que cette personne n’a pas vérifié les dires d’une résidente atteinte d’Alzheimer et l’a laissée seule dans la rue, sans se préoccuper de savoir si quelqu’un la prenait en charge ensuite. »
La directrice de l’Ehpad, Achima Bouchafra, ne nie pas les faits. Elle indique à 20 Minutes « avoir bien sûr pris cet incident très au sérieux » et parle « d’erreur d’appréciation ». « Une nouvelle formation a été dispensée à l’ensemble des équipes de la résidence Sainte-Anne, car le bien-être et la sécurité de nos résidents sont essentiels pour nous, ils sont au cœur de nos missions », ajoute-t-elle. « Nous renouvelons toutes nos excuses à la famille », réagit aussi la direction.
« Nous n’avons jamais eu aucune excuse », affirme de son côté Céline Fiore Assous. Pour la famille, cet incident est la goutte de trop dans une longue chronique de dysfonctionnements, dénoncés chaque fois par des mails dont nous avons pris connaissance : rendez-vous médical non honoré faute de transport à l’hôpital, habillage insuffisant, parfois partiel (pas de pantalon ou de jupe), attelle à l’épaule non mise alors que prescrite par le médecin… « C’est de la maltraitance et de la mise en danger », dénonce Céline Fiore Assous, qui se met aussitôt en quête d’un autre Ehpad. Elle pense alors en rester là, devant l’engagement, selon elle, pris par la direction de licencier cette personne pour faute grave.
« Ce n’est pas juste un événement indésirable »
Mais la famille apprend qu’aucune sanction, ni mise à pied conservatoire, n’a été prise à son encontre. Elle est toujours en poste lorsque Céline Fiore Assous vient à l’Ehpad le 28 avril, le jour du transfert de sa maman vers un autre établissement, et le jour aussi où elle décide de porter plainte. « Je travaille dans des services lourds, quand on sort de là-bas, il y a tout qui glisse, confie-t-elle. Je suis plutôt à voir la vie du côté positif. Par contre, là je ne peux pas relativiser, c’est trop grave, impossible d’en rester là. Un tel comportement peut mettre d’autres personnes en danger. »
Pour le groupe DomusVi, il s’agit d’un « événement indésirable ». « Une fiche a été transmise à l’agence régionale de santé pour le signaler », nous a assuré au téléphone le service de communication, qui confie aussi que la personne, à l’origine de « l’erreur », était « en CDD » et que son contrat « se terminait quelques jours après ». Le groupe réfute aussi le terme de « maltraitance ».
« Ils traitent cela comme un événement indésirable, mais ce n’en est pas un, déplore en réponse Céline Fiore Assous. Ce genre d’événement s’est produit et se reproduira, vu les dysfonctionnements de cet établissement. J’espère que les familles concernées feront, comme moi, le choix de porter plainte. Les choses doivent se savoir. »
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