Paris : Dans ce lycée, les élèves apprennent à « travailler intelligemment » avec l’IA
EDUCATION•Si pour certains professeurs ou parents d’élèves l’arrivée de ChatGPT, a rapidement été perçue comme un frein à l’éducation, à la cité scolaire Paul-Valéry, dans le 12e arrondissement, l’IA est, au contraire, envisagée comme un véritable atoutLucas Marcellin
L'essentiel
- Pour rédiger leur dissertation, les élèves de la cité scolaire Paul-Valéry n’hésitent pas à utiliser ChatGPT, sous les conseils de leurs professeurs.
- En s’emparant de ces nouveaux outils technologiques, l’établissement ambitionne de devenir le premier « campus de l’IA » d’ici 2025.
- Pour les professeurs, l’intelligence artificielle est un véritable atout et parfois même un gain de temps.
En plein cours de français, Inès, 16 ans et en classe de première, sort son téléphone et l’allume pour questionner ChatGPT : « Écris-moi un portrait satirique à la manière de La Bruyère. » Par cette simple question, le logiciel est capable de formuler une réponse claire et précise. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), ChatGPT va écrire une trentaine de lignes et permettre à Inès d’obtenir une dissertation en quelques secondes.
Si cela semble être de la triche, c’est pourtant sa professeure Claire Doz, de la cité scolaire Paul-Valéry dans le 12e arrondissement de Paris, qui l’oblige à passer par cette IA. Ici, les élèves apprennent en effet à travailler avec : « L’objectif n’est pas de tricher, mais d’utiliser vos savoirs pour voir ce que la machine vous propose. Mais pour ça, il faut avoir des connaissances. »
Pas question pour les élèves de « laisser faire la machine », il s’agit de s’interroger sur le résultat obtenu pour le perfectionner. Car si l’IA est capable d’interpréter une question comme celle-ci et d’en restituer une réponse cohérente, elle nécessite néanmoins des indications aussi précises que possible. « Si vous ne savez pas ce que vous voulez, n’attendez pas que le logiciel le fasse. Cela ne sera pas terrible. Vous allez assurer un 10 ou un 12, mais pas un bon travail », affirme la professeure. Pour obtenir la copie parfaite, l’élève doit donc faire appel à ses cours pour guider le plus précisément possible l’interface.
Premier « campus de l’IA » ?
« Alors, que manque-t-il au texte que vient de nous donner ChatGPT ? », questionne Claire Doz. « Il manque une anecdote et la satire », trouve un élève. « Maintenant, vous me reformulez la question d’origine et vous marquez : "Écris-moi une autre version du portrait, plus ironique et incluant une anecdote" », relance la prof. Après avoir dialogué avec ChatGPT pendant une vingtaine de minutes, les élèves ont pu mettre à profit les connaissances acquises en cours. Une nouvelle manière de « bien se préparer à un devoir », à condition de « travailler intelligemment avec la machine », assure à 20 Minutes Claire Doz.
C’est aussi une manière de découvrir les nouvelles technologies qui entourent les 1.400 élèves de la 6e à la Terminale de la cité scolaire Paul-Valéry. L’établissement ambitionne de devenir le premier « campus de l’IA » d’ici 2025. Et il teste depuis peu ces nouveaux outils dans l’enseignement. La proviseure Françoise Sturbaut veut inscrire dans l’avenir « et surtout dans le présent » la cité scolaire. Pour elle, les nouvelles technologies ont effrayé de tout temps, mais ne doivent pas entraver l’évolution de l’éducation. « C’est comme Wikipédia. Au début, tout le monde en avait peur », rappelle-t-elle.
C’est donc au travers de nombreuses activités comme des cours sur ChatGPT que l’établissement souhaite « proposer aux élèves de voir comment cela fonctionne » pour aller plus loin et même pour essayer de « casser la machine ».
L’IA offre un gain de temps précieux aux profs
Dans cette classe de 6e, les élèves apprennent justement le fonctionnement des « chatbots » artificiels. Pour cela, les 26 collégiens doivent créer un programme capable de converser avec eux et de répondre à leurs questions. Pour les professeurs et intervenants, cette approche permet de « démystifier » l’image de cette nouvelle technologie. « J’ai l’impression que les enfants ont les mêmes craintes que les adultes, à la fois, ils sont attirés et à la fois, ils sont repoussés », précise Clotilde Chevet, chercheuse invitée pour ce projet inédit.
Dans la classe de seconde d’Ahmed El Nahtawy, c’est encore une autre technologie qui aide les lycéens et leur professeur de français. Avec près de 6.500 exercices de grammaire, de conjugaison et d’orthographe, les élèves sont guidés par une intelligence artificielle qui s’adapte à leur niveau. Grâce aux différents tests présentés au début de chaque module, l’IA peut cibler les compétences des élèves et leur proposer un parcours d’exercices plus ou moins durs. Cela permet aux lycéens d’avancer à leur rythme et de revenir sur les notions qui ne seraient pas acquises.
Mais l’intelligence artificielle propose aussi de créer des groupes d’élèves selon leurs aptitudes. Pour l’enseignant, c’est un indicateur très précieux : « Je peux créer des groupes homogènes, mais aussi d’autres plus hétérogènes. Libre à moi d’utiliser les données pour faire progresser les élèves ensemble. » Si l’IA permet ici aux lycéens de s’entraider de manière plus dynamique, elle offre aussi un gain de temps précieux à Ahmed El Nahtawy et aux autres professeurs. « Ce que fait la machine en trente secondes, moi, je dois le faire en deux mois. »
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