Près de Bordeaux, des familles réfugiées près de la gare de la Médoquine sont menacées d’expulsion
Social•Plusieurs familles dont des mamans isolées avec enfants ont trouvé refuge dans la gare de la Médoquine, à Talence, inoccupée depuis plusieurs années. Alors que des travaux doivent y être menés prochainement, une menace d’expulsion imminenteElsa Provenzano
L'essentiel
- Un bâtiment proche de la gare de la Médoquine est occupé par plusieurs familles avec enfants, à Talence. La SNCF veut récupérer le site pour commencer des travaux.
- Le « Collectif de la Piraterie », qui gère les lieux, et le Réseau éducation sans frontières demandent un sursis jusqu’à la fin de l’année scolaire puisque une dizaine d’enfants vivent là-bas.
- Pour l’instant, les réunions avec le CCAS de la ville et les autorités préfectorales n’ont pas permis d’obtenir d’autres solutions de relogement que quelques nuits d’hôtel.
Une des familles a déjà pris la fuite, par peur d’un réveil au petit matin par les forces de l’ordre et à la clé, une possible reconduite à la frontière. Mais il reste quatre familles, abritées dans un bâtiment situé à environ 300 mètres de la gare de la Médoquine, à Talence près de Bordeaux, dont une dizaine d’enfants. Ce mardi, un huissier est venu constater l’occupation des lieux et l’évacuation pourrait être imminente, même si pour l’instant, la préfecture confirme que « le concours de la force publique n’a pas été demandé au préfet par le propriétaire des lieux ». Une épée de Damoclès pour ces familles qui sont en France depuis cinq, voire onze ans pour certaines.
« On a besoin de récupérer l’ancien bâtiment voyageur qui va devenir une base vie pour les ouvriers, elle doit être prête pour le mois de septembre, explique le service communication de SNCF Gare et Connexion, propriétaire du site. On a laissé quatre mois pour qu’une solution soit trouvée. » La gare de la Médoquine, un des maillons du RER métropolitain, doit faire l’objet d’une réhabilitation. « Derrière ce chantier, il s’agit d’une opération d’intérêt public, attendue par plusieurs milliers de personnes », fait valoir Emmanuel Sallaberry, le maire de Talence.
Des solutions pérennes de relogement attendues
En décembre, une demande d’expulsion avait déjà été soumise, avant qu’elle ne soit retirée, une semaine avant Noël. Avec la fin de la trêve hivernale, le 31 décembre, l’évacuation revient sur le tapis. « C’est l’intérêt des familles qui nous intéresse, pas le site. Mais à la suite de plusieurs réunions, on ne nous a proposés que des nuits d’hôtel, alors qu’on souhaite des solutions pérennes », déplore Rachid Belhamri, président de l’association « Collectif de la Piraterie » qui gère le lieu depuis deux ans. Il prend l’exemple d’un autre squat, à Bordeaux celui-là, pour lequel le centre communal d’action sociale (CCAS) a trouvé des solutions pour sept des onze familles. « Ce qui montre que cela est possible », appuie-t-il.
« Pour certains occupants, il y a un suivi social qui sera organisé par la préfecture, commente le maire de Talence. Pour ceux qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou en situation irrégulière, il n’est pas possible de mettre en œuvre des propositions de logements durables. » Il reconnaît que ce squat n’a « jamais posé de problème », mais pour lui les occupants repoussent l’échéance pour gagner du temps, alors qu’ils s’étaient engagés à quitter les lieux pour la précédente rentrée scolaire.
Une dizaine d’enfants scolarisés
Le maire de Talence affirme aussi que des enfants ont été installés sur le site alors qu’il n’y avait plus qu’un seul occupant, mais le « Collectif de la Piraterie » dément. « Ce n’est pas vrai, il y a des enfants sur le site depuis septembre, assure Rachid Belhamri. Les procédures ont commencé deux semaines après leur installation, je ne les aurais pas accueillis sinon. »
« On les maintient dans une ultraprécarité et on met en péril la scolarité de leurs enfants, qui est obligatoire en France, pointe Gérard Clabé, du Réseau éducation sans frontières (RESF 33). Le calendrier du chantier qu’on nous présente est un peu flou, et les vrais travaux ne commencent en fait qu’en septembre. On espère que la raison va finir par l’emporter et que l’évacuation va être reportée après la fin de l’année de scolaire, puisque c’est une histoire de semaines. »
Une lettre à la préfecture a été conjointement adressée par le collectif et RESF pour appeler le préfet à la clémence dans ce dossier. Gérard Clabé prend l’exemple d’une famille turque, dont le père travaille, installée depuis treize ans en France à Cenon, près de Bordeaux, et qui a quatre enfants, nés en France. « La préfecture avait refusé de la régulariser et l’affaire a été jusqu’au conseil d’Etat qui a condamné la préfète, explique Gérard Clabé. Cela montre qu’on ne peut pas se réfugier tout le temps derrière le fait qu’ils n’ont pas de papiers. »