Exercice Orion : « Les scénarios que l’on joue sont assez proches de ce qui pourrait éclater un jour en réalité »
ARMEE•« 20 Minutes » a pu suivre la préparation d’une mission aérienne au-dessus de la Méditerranée, dans le cadre de l’exercice militaire géant Orion 23Mickaël Bosredon
L'essentiel
- Orion est un « exercice interarmées et interallié inédit depuis plusieurs années ».
- 20 Minutes a pu suivre les derniers préparatifs d’une mission qui consiste à faire se rejoindre une dizaine d’aéronefs au-dessus de la Méditerranée, pour aller « traiter » des ennemis.
- Le Centre expert du combat collaboratif (Cecc) peut, de son côté, rajouter virtuellement des avions ou faire tirer des missiles « pour de faux » afin « d’amener un niveau de réalisme et de complexité » supérieur.
Plus de 2.000 véhicules, dont 400 véhicules de combat, une centaine de drones, 50 aéronefs, 40 hélicoptères, 30 bâtiments, etc. L’exercice Orion 23, dont la deuxième phase s’achève ces prochains jours, mais qui va encore durer plusieurs mois sur le territoire français, est un « exercice interarmées et interallié inédit depuis plusieurs années », rappelle le colonel Jean-Michel Herpin, commandant de la BA 118 de Mont-de-Marsan (Landes). Cet exercice multimilieux et multichamps, « nous permet de réunir à la fois des forces terrestres, aériennes et maritimes, et de travailler dans le milieu du cyber et de l’espace ».
Au sein d’un scénario où une force principale, Mercure, vient soutenir une milice armée, Tantale, pour déstabiliser un pays, Arnland, la BA 118 joue le rôle de « base aérienne projetée qui vient soutenir Arnland avec des moyens aériens. » Les exercices se jouent en ce moment principalement sur la zone Méditerranée, et se déplaceront dans le nord-est de la France dans la quatrième phase d’Orion.
« Travailler l’Entry Force »
Comment coordonner autant de moyens, notamment aériens ? Comment se prépare une mission ? 20 Minutes s’est rendu lundi sur la BA 118 de Mont-de-Marsan, pour assister aux derniers préparatifs d’un exercice. Le commandant Stan, pilote de Rafale, et chef des opérations au régiment de chasse 2/30 Normandie-Niémen, donne ses dernières consignes au capitaine Guillaume avant la mission du lendemain, qui va consister à faire se rejoindre au sud de Toulon plus d’une dizaine d’aéronefs, dont cinq avions de chasse de Mont-de-Marsan, des bombardiers et un avion de détection et de contrôle Awacs, pour « chasser les ennemis du ciel, frapper des emprises ennemies dédiées au spatial, et permettre à nos bombardiers de pénétrer dans la zone. »
Si l’ensemble des opérations de l’armée de l’air d’Orion est établi depuis le Centre air de planification et de conduite des opérations (Capco) à Lyon, « cette opération est coordonnée depuis Nancy, tandis que je coordonne de mon côté les différents avions qui vont aller chasser les ennemis, explique le commandant Stan. Mon but est donc d’établir un plan pour « traiter » les ennemis en prenant le moins de risque possible, de nous coordonner pour respecter une frappe établie à un certain horaire par l’état-major, cela pour faire en sorte que nos « strykers » puissent « délivrer » leurs munitions dans de bonnes conditions. L’objectif final de cet exercice est de travailler l’entrée en premier, l’entry force, en coordination avec des moyens maritimes et terrestres. »
Cela, c’est sur le papier. « On ne sait pas tout du scénario évidemment, poursuit le pilote de chasse, et des experts de la white cell vont venir nous créer des problèmes durant la conduite de la mission, à nous de nous y adapter. »
Jeux de rôle à très grande échelle
Ces experts peuvent être civils ou militaires. Et ils ont surtout la capacité à rajouter virtuellement des aéronefs, voire des missiles. Installés au Centre expert du combat collaboratif (Cecc), à la BA 118 de Mont-de-Marsan également, ils sont entourés de serveurs et d’écrans qui leur donnent la position exacte de tous les aéronefs, civils et militaires, sur un territoire donné. Une salle d’opération que nous ne sommes pas autorisés à photographier ni à filmer. Tous les appareils connectés doivent rester à l’extérieur.
« On suit toutes les missions depuis cette salle, et c’est de là que l’on va injecter des éléments au scénario, afin que les équipages soient contraints au-delà de ce qu’on peut réellement mettre en œuvre », explique le capitaine Corentin, chef des opérations au Cecc. Dans ces espèces de jeux de rôle à très grande échelle, les experts peuvent ainsi simuler un combat à dix contre quinze avions, « alors qu’en réalité nous n’en avons que six qui sont en l’air », ils peuvent faire tirer un missile depuis un navire « pour de faux, mais nos équipages aériens vont bien le voir pénétrer dans leur zone sur leur écran. »
« Nous sommes là pour amener un niveau de réalisme et de complexité attendu par nos unités, c’est toute la plus-value du Cecc », résume le capitaine Corentin. « Le but de ces scénarios est nous faire gérer beaucoup d’intervenants, tout en ayant de l’efficacité sur un temps très restreint », ajoute le commandant Stan. En gros, les soumettre à un stress maximal.
« La guerre en Ukraine nous a fait modifier à la marge le scénario »
« L’objectif d’Orion est de faire un état zéro de nos capacités sur un scénario de haute intensité, c’est-à-dire dans le cadre d’un affrontement symétrique, car cela fait une vingtaine d’années que nous intervenons sur des opérations extérieures de lutte contre le terrorisme [notamment Chammal], qualifiées d’asymétriques », résume le colonel Jean-Michel Herpin. « Toutes nos armées sont préparées à cette haute intensité, mais nous n’avions pas encore fait d’exercice commun dans un scénario englobant. »
Orion avait été décidé dès 2020. « La guerre en Ukraine nous a fait modifier à la marge le scénario, mais n’a pas eu une influence majeure sur la conduite de cet exercice », assure le commandant de la BA 118. « Les scénarios que l’on joue sont assez proches de ce qui pourrait éclater un jour en réalité, que ce soit par rapport aux systèmes d’armes ou à la menace adverse, ajoute le commandant Stan. Mais le plus important dans tout cela reste la phase de débriefing, pour aller tirer les leçons de ces missions. On va se demander pourquoi on a perdu un avion à tel endroit, pourquoi on n’a pas réussi à tirer à tel moment ? Il y a toujours des choses que l’on peut améliorer, dans la communication et l’efficacité. »