Des questions autour de la Nef

Lyon : Des questions autour de la Nef

eCONOMIESuspectée d’être influencée par l’anthroposophie, courant de pensée soupçonné de dérives sectaires, la banque éthique lyonnaise s’était retrouvée au cœur d’une polémique
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Dans son dernier rapport publié en novembre, la Miviludes épinglait l’anthroposophie, courant de pensée suspecté de dérives sectaires, précisant qu’il exerçait une « influence prépondérante sur certains établissements bancaires éthiques », dont la NEF.
  • Suffisant pour relancer la polémique à Lyon, où la municipalité a souscrit un emprunt de trois millions d’euros auprès de l’établissement.

EDIT du 07/03/2023 : Le titre qui était « Aucun problème avec la Nef, selon la banque de France » a été changé à la suite de notre échange avec la Banque de France. Nous avons apporté leur démenti dans cet article.


La NEF, première banque « éthique » de France est-elle le bras armé de l’anthroposophie, un mouvement de pensée suspecté de dérives sectaires ? Ou a-t-elle été accusée à tort, comme elle s’en défend ? La polémique est revenue sur le tapis au mois de novembre dernier, lors de la parution du rapport de la Miviludes consacrant un chapitre à l’anthroposophie et dans lequel elle écrivait que le courant « exerce une influence prépondérante sur certains établissements bancaires éthiques au pouvoir financier extrêmement important ». Et de citer en exemple la Nef, dont le siège social est à Vaulx-en-Velin. Fondée par deux adeptes du mouvement anthroposophe, la structure se targue pourtant de cultiver « une totale indépendance politique, religieuse ou philosophique ».

A Lyon, où la municipalité a souscrit un emprunt de trois millions d’euros auprès de l’établissement en 2021, l’opposition s’est rapidement saisie du sujet. « Je ne pense pas que les Lyonnais apprécient que l’argent public continue à légitimer une banque sous influence d’un mouvement ésotérique et sectaire », taclait alors Ludovic Hernandez, du groupe « Pour Lyon » auquel appartient l’ancien maire Gérard Collomb, oubliant au passage que le même Gérard Collomb avait lui aussi eu recours à la NEF à deux reprises en 2012 et 2014.

Un dossier d’agrément déposé

La première adjointe de la ville de Lyon Audrey Henocque, désireuse d’avoir des précisions, a sollicité l’ACPR (autorité de contrôle prudentiel et de résolution). « La ville de Lyon a contracté un emprunt de 3 millions d’euros en 2021 avec La NEF. Si elle a pu le faire c’est que la NEF a tous les agréments nécessaires accordés par l’APCR en termes de sécurité financière, de lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption, et de contrôle de la probité de ses membres », indique l’élue. « La Miviludes cite la NEF dans son dernier rapport et n’a pas répondu à mon courrier datant de novembre 2022 l’interrogeant sur des éventuels faits pouvant laisser penser à des financements d’activités sectaires par la Nef. En février 2023 j’ai donc contacté la délégation Auvergne Rhône-Alpes de la banque de France pour savoir si, dans son travail avec l’APCR et du fait que le siège la Nef est sur son territoire, elle avait eu connaissance de faits qui auraient pu induire cette annotation de la Miviludes. Bref, si elle avait eu connaissance d’alerte à transmettre à la ville de Lyon. Renseignements pris, la banque de France m’a rappelée tout récemment pour me confirmer ce que nous avons déjà : la Nef, pour ses activités actuelles (comptes épargne et prêts notamment) a tous ses agréments à jour depuis 1988 », poursuit-elle.

L’ACPR a indiqué ce mardi que l’entité a déposé un dossier d’agrément auprès d’elle afin d’obtenir l’autorisation d’opérer de manière autonome. L’ACPR a indiqué évaluer cette demande, en conformité avec la réglementation en vigueur, et que la décision sera prise en lien avec les équipes de la BCE.

« La Nef a déposé une nouvelle demande auprès de l’APCR pour devenir une banque autonome et offrir de nouveaux services tels que des comptes courants à ses clients. C’est sur cette question que l’APCR vient d’indiquer que le dossier est en cours d’instruction, poursuit Audrey Henocque. Bien entendu, je ne me serai pas prononcée sur cette nouvelle demande qui ne concerne pas la ville de Lyon et sur laquelle elle n’a pas de compétence. »

Accusée de dérives sectaires en 1999 par la Commission d’enquête parlementaire sur les sectes (ancêtre de la Miviludes), la NEF avait porté plainte pour diffamation. En première instance, elle avait obtenu gain de cause avant de perdre en appel.