« La loi ne dissuade pas assez », selon la famille de Noé, tué sur la route

« La loi ne dissuade pas assez », plaident les parents de Noé, tué à l'age de 16 ans par un chauffard

InterviewUne nuit de juin 2022, Noé, 16 ans, était tué par un chauffard alcoolisé et drogué à Antibes. L’accident de Pierre Palmade fait écho à la mort de l’adolescent dont les parents se battent pour faire changer la loi contre les « délinquants de la route »
Fabien Binacchi

Propos recueillis par Fabien Binacchi

L'essentiel

  • Dans la nuit du 24 au 25 juin 2022 à Antibes, Noé Guez, 16 ans, a été tué par un chauffard positif à l’alcool et à certaines drogues.
  • Les parents de l’adolescent veulent « changer la loi » contre les « délinquants de la route » depuis que le conducteur, placé en détention provisoire, a été libéré de prison deux mois après les faits en attendant un éventuel procès.
  • Le député LR des Alpes-Maritimes Éric Pauget les accompagne dans ce combat et compte déposer un projet de loi pour créer l’infraction d’homicide routier.

«Tu peux te droguer, t’alcooliser, ça te regarde. Mais personne ne t’a obligé à prendre le volant. Tu l’as pris en toute conscience. Tu la pris volontairement. Ta vie, elle t’appartient, mais pas celle des autres. » Ces mots publiés sur Facebook et adressés à Pierre Palmade sont un cri du cœur. Celui d’Yvon Guez, un Antibois de 68 ans pour qui l’accident de l’humoriste a rouvert des plaies déjà béantes. Dans la nuit du 24 au 25 juin 2022, son fils Noé, 16 ans à peine, était tué par un chauffard alcoolisé et drogué. Cet homme de 43 ans a percuté a priori à vive allure la voiture sans permis du jeune homme. Placé en détention provisoire, il était libéré sous caution, deux mois plus tard.

Depuis, la famille de l’adolescent lutte pour que la mort du jeune homme ne soit pas vaine. Les Guez se sont lancés dans un « combat pour changer les textes » contre les « délinquants de la route » qui font de leur voiture « une arme destructrice ». Le député LR des Alpes-Maritimes Éric Pauget les accompagne. Il rédige une proposition de loi, « la loi de Noé », qui devrait être officiellement déposée à la fin du mois, selon l’entourage du parlementaire. En attendant cette échéance et la tenue d’un procès, peut-être en 2024, Yvon Guez et sa femme Marceline, 46 ans, espèrent une « prise de conscience ». Ils se sont confiés à 20 Minutes.

Comment avez-vous réagi quand les circonstances de l’accident de Pierre Palmade ont été connues ?

Marceline Guez : Ça été très dur. C’est toujours très compliqué. Car cette affaire fait vraiment écho à l’accident de Noé. Et on en entend parler tous les jours. Là, c’est très très médiatisé mais ça arrive en fait à beaucoup de familles, qui se trouvent démunies.

Yvon Guez : Ça a fait encore tout ressurgir. Mais on a envie de dire qu’on comprend les familles, qu’on les soutient. C’est encore la drogue, encore du grand n’importe quoi.




Cela fait huit mois que Noé est décédé. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui ?

M. G. : On y pense à chaque moment, à chaque fois qu’on fait quelque chose. Il nous manque terriblement. Notre vie a complètement basculé.

Y. G. : On n’arrive plus à vivre. On n’arrive plus à travailler non plus. Nous étions commerçants et on a vendu notre affaire. On se lève tous les matins avec la boule au ventre. La journée, on met une sorte de carapace pour pouvoir contenir notre douleur par rapport à notre entourage. Mais, le soir, on l’enlève et on pleure. Lorsqu’on est à table, la place de Noé est toujours vide. Il n’y a plus aucun moment de joie.

Comment avez-vous décidé de vous engager dans ce combat pour faire changer la loi ?

M. G. : Pour nous, le déclic est arrivé deux mois après l’accident de Noé, quand la personne impliquée a été libérée contre l’avis du parquet. On était vraiment dans l’incompréhension. Alors, nous avons organisé une marche contre les violences routières et pour dénoncer ce qui se passait pour nous. Que l’assassin de notre fils puisse sortir de prison au bout de deux mois avec une caution de 5.000 euros, même s’il était en préventive, ça nous a paru invraisemblable. Il a quand même tué un enfant. La juge nous a simplement dit qu’il remplissait toutes les cases et que, du coup, c’était tout à fait normal qu’il sorte. Pour nous, pour une famille, ça a été hyperviolent, alors que l’enquête n’était pas du tout terminée. Vous vous rendez compte ? Dans le cas de Noé, quelqu’un qui a fait n’importe quoi et qui a enlevé la vie à un enfant, au bout de deux mois, il sort de prison. Quelle image ça renvoie à nos jeunes ?

Y. G. : Et tout ça, alors que c’est un récidiviste. Il avait déjà eu des contrôles par rapport à la drogue. Il s’était déjà fait suspendre son permis de conduire. L’instruction se poursuit mais l’expertise est accablante pour lui. Il était saoul, avec trois fois le taux d’alcool autorisé. Il y a des traces de drogue dans son sang, de cocaïne et d’ecstasy a priori. Et il se trouve qu’il a croisé la route de notre fils, qui avait la vie devant lui. Noé était un sportif de haut niveau. Il était en équipe de France de tir. Il visait les Jeux olympiques. Au moins Pierre Palmade est dans le pardon. Le nôtre cherche en plus à se disculper. Alors qu’il n’a même pas essayé de porter secours à mon fils.


Notre dossier sur l'affaire Palmade

Que pourrait changer ce projet de loi ?

M. G. : Le député Eric Pauget était à la marche que nous avons organisée et il nous a contactés par la suite pour nous parler de cette démarche, qui est à son initiative. L’idée, c’est de créer l’infraction d’homicide routier, où il n’y a plus la notion d’homicide involontaire, dès lors que l’accident est provoqué par une personne qui a consommé des substances illicites ou de l’alcool au-delà de certaines limites. On veut faire changer la loi pour qu’elle soit un peu plus dure et davantage répréhensible. En l’état, elle ne dissuade pas assez les gens d’avoir ces comportements extrêmement dangereux. Actuellement, la peine maximale encourue est de dix ans d’emprisonnement. Mais très peu sont condamnés à ça. Et, en fait, beaucoup ne vont même pas en prison.

Y. G. : Il y a quand même eu un bon signal. C’est ce qui vient de se passer avec Pierre Palmade qui a été placé en détention. La justice a estimé que, s’il restait en liberté, il pouvait reprendre sa voiture et demeurer un véritable danger public.

Aujourd’hui, vous expliquez que c’est finalement ce combat qui vous permet de tenir…

M. G. : C’est ce à quoi on se raccroche et qui nous permet de rester debout. Les gens sont peut-être trop individualistes et ne pensent pas aux conséquences de leurs actes. Mais il est temps qu’il y ait une prise de conscience. C’est vraiment un problème de société sur lequel il faut se pencher. Ces fléaux de la route détruisent des vies mais aussi des existences. Après leur passage, ce sont des familles entières qui se retrouvent dévastées.