La commune de Pérols aura-t-elle finalement le droit d’organiser sa corrida ?
Par les cornes•Plusieurs associations animalistes envisagent de porter le retour de la tauromachie à Pérols, près de Montpellier, devant la justiceNicolas Bonzom
L'essentiel
- Depuis que l’on sait que la commune de Pérols, près de Montpellier, souhaite accueillir une corrida, une vingtaine d’années après la dernière mise à mort d’un taureau dans ses arènes, les associations animalistes voient rouge.
- En France, les sévices envers les animaux sont interdits, sauf pour les « courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».
- Pour l’Observatoire national des cultures taurines et pour le maire, Jean-Pierre Rico, il est évident que Pérols peut revendiquer son attachement à la culture de la corrida. Pour les associations, en revanche, ce n’est pas du tout vrai.
Une corrida aura-t-elle vraiment lieu, le 15 juillet, à Pérols (Hérault) ? Depuis que Jean-Pierre Rico (Nouveau Centre), le maire de ce village de la métropole de Montpellier, a annoncé son intention d’accueillir une novillada, une vingtaine d’années après la dernière mise à mort d’un taureau dans ses arènes, les associations animalistes voient rouge.
Mais elles ne se contenteront pas de manifester leur désapprobation en distribuant des tracts. C’est, en effet, dans les tribunaux que l’estocade pourrait avoir lieu : plusieurs associations, convaincues de l’illégalité de cette initiative, étudient la possibilité de porter l’affaire devant la justice. Selon la loi, « le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal » est interdit en France, et puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. L’article 521-1 du Code pénal exclut seulement de l’illégalité les « courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ». A Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Nîmes (Gard) ou Arles (Bouches-du-Rhône), des corridas ont ainsi lieu au nom d’une pratique continue.
Une « tradition locale interrompue », c’est quoi ?
S’il n’y a pas de corridas, dans les arènes de Pérols, depuis, au moins, une vingtaine d’années, l’affaire est réglée, pour les associations ? Au regard de la jurisprudence, « ce n’est pas si simple », répond à 20 Minutes Claire Starozinski, la fondatrice de l’Alliance Anticorrida. Pour défendre le retour de la corrida à Pérols, l’Observatoire national des cultures taurines (ONCT) met justement en relief, dans un communiqué publié le 18 février, tout un tas de décisions qui pèsent, dans ce combat entre les pro et les anticorridas. En 1990, notamment, le tribunal de Tarascon a acté que le terme « locale », dans l’article 521-1 du Code pénal, est à concevoir « de manière élargie à une zone géographique et humaine, et non au sens strict de ville, commune ou localité ».
Cette même interprétation a notamment permis à la commune de Floirac (Gironde) d’échapper à une condamnation, après l’organisation d’une corrida, en 1993. « On ne saurait dénier à la commune de Floirac son appartenance à l’ensemble démographique dont Bordeaux est la capitale, où se [retrouve] (…) la persistance d’une tradition tauromachique », avait noté la Cour d’appel, à l’époque. Cela ne fait aucun doute, pour l’ONCT : Pérols est au cœur d’un territoire où la corrida est une tradition vivace.
A Pérols, « il y a une véritable aficion » pour la corrida
Et même s’il n’y a pas eu de corrida depuis longtemps dans ce village, le simple fait que cette culture existe, et qu’elle soit partagée par un grand nombre d’habitants suffit à justifier d’une « tradition locale interrompue ». C’est le sens de plusieurs décisions de justice, depuis les années 2000. « Il suffit qu’un nombre suffisant de Péroliens (…) aillent voir des spectacles taurins dans d’autres villes proches appartenant au même ensemble géographique (…) ou organisent à Pérols des manifestations culturelles autour de la corrida pour que la tradition ne soit pas interrompue au regard de la jurisprudence, quel que soit le temps écoulé » depuis la dernière corrida, assure l’ONCT.
« C’est vrai, avait indiqué le maire, Jean-Pierre Rico, à 20 Minutes, le 18 février dernier, cela faisait un certain nombre d’années qu’il n’y avait pas eu de corridas [dans la commune]. Mais il y en a eu, pendant longtemps. Est restée pendant très longtemps, aussi, une fête, la fiesta Campera, typiquement espagnole ». Et, poursuivait l’élu, à Pérols, « les membres du club taurin vont voir des corridas à Arles, à Nîmes, en Espagne. J’en vois moi aussi régulièrement. Et souvent, j’y croise des Péroliens ». Il y a une véritable « aficion » (passion) pour la corrida, dans sa ville, assurait Jean-Pierre Rico. « Pérols est dans son bon droit en organisant une novillada », assure l’ONCT.
Une culture de la corrida à Pérols, « bien sûr que non ! »
Malgré une jurisprudence féroce, Claire Starozinski est parée pour le combat. « Nous allons nous employer à démontrer que la tradition taurine espagnole n’est pas vivace à Pérols », confie la présidente de l’Alliance anticorrida. Une pétition tourne, actuellement, auprès des habitants de la commune, pour rassembler le maximum de réfractaires au retour de la corrida dans les arènes. Un courrier sera envoyé, en ce sens, par l’Alliance anticorrida, à chaque foyer de Pérols. « La notion de "tradition locale ininterrompue", elle ne peut pas être si élastique, déplore Claire Starozinski. Sinon, on peut aller jusqu’à Paris, comme ça ! "Ah mais lui, il est à côté de lui, qui est à côté de lui", etc. »
NOTRE DOSSIER SUR LA CORRIDA
A Pérols, « il y a effectivement une culture camarguaise », confie à 20 Minutes Thierry Hély, président de la Fédération des luttes pour l’abolition des corridas (Flac), avec de nombreuses courses, où les taureaux ne sont pas tués. Mais une culture de la corrida espagnole, avec une mise à mort, « bien sûr que non ! », assure ce militant anticorrida. D’ailleurs, « nous avons des échos de Péroliens, qui sont très insatisfaits du projet du maire ». Entre les pro et les anticorridas, le duel s’annonce musclé.