SantéA Mazamet, des médecins salariés à la rescousse des déserts médicaux

Déserts médicaux : A Mazamet, des médecins salariés « n’ont aucune tâche à faire à part soigner »

SantéPour lutter contre les déserts médicaux, la région Occitanie a ouvert neuf centres de santé, dans des lieux sous-dotés en offre de soins, au sein desquels elle emploie 46 professionnels. « 20 Minutes » s’est rendu au sein de celui de Mazamet
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • La question des déserts médicaux fait à nouveau la Une de l’actualité dans le cadre « contrat d’engagement territorial » des médecins libéraux voulu par l’Assurance maladie.
  • En Occitanie, le conseil régional propose déjà une solution pour lutter contre ce phénomène en embauchant des médecins salariés dans les zones les plus sous-dotées en offres de soins.
  • A Mazamet, dans le Tarn, l’ouverture de ce centre, qui compte deux médecins généralistes, permet de compenser les départs à la retraite de plusieurs libéraux à la retraite ces prochains mois.

Dans la salle d’attente flambant neuve du centre de santé « Ma Région » de Mazamet, Léa attend patiemment son tour. Avant d’avoir rendez-vous ici, elle a fait passer plusieurs coups de fil à la dizaine de médecins libéraux de cette commune tarnaise de 10.000 habitants. « Mon médecin généraliste a pris sa retraite il y a quelque temps. J’ai appelé les autres médecins, mais aucun ne prenait de nouveaux patients. Une de mes collègues m’a alors parlé de ce centre », raconte la jeune femme avant d’être reçue en consultation par l’un des deux praticiens exerçant dans cet établissement de service public ouvert en novembre dernier.

Comme leurs collègues libéraux, les docteurs Martin et Tamar se déplacent à domicile, dans des coins reculés de la Montagne noire, font des gardes les week-ends et jours fériés et assurent régulièrement la permanence des soins. En revanche, eux « se concentrent sur le médical et n’ont pas à gérer tout ce qui est administratif et chronophage car ils sont salariés. Pour l’instant ils sont deux, mais ils devraient être plus à long terme, ce qui permettra de compenser les départs à la retraite à courte échéance de plusieurs médecins libéraux de la commune », explique Elsa Lignières l’assistante médicale du centre géré par le Groupement d’intérêt public « Ma Santé, Ma Région » créé par le conseil régional d’Occitanie.

Déjà neuf centres créés et 25.000 patients soignés

A l’heure où l’Assurance maladie tente de négocier un tarif de la consultation mieux rémunérée pour les libéraux qui s’engagerait à signer un « contrat d’engagement territorial » pour lutter contre les déserts médicaux, la collectivité occitane a fait de son côté le choix de salarier des médecins pour apporter une offre de soins au plus près de ses habitants. A l’instar de ce qui existe aussi en Centre-Val-de-Loire et qui a été adopté l’an dernier par la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans le Lot, les Hautes-Pyrénées ou encore les Pyrénées-Orientales, neuf centres du même genre ont ainsi ouvert leurs portes ces derniers mois et emploient d’ores et déjà 46 professionnels de santé, majoritairement des médecins, des secrétaires médicaux mais aussi une sage-femme. Depuis le 1er juillet dernier et le lancement de la première structure de ce type à Sainte-Croix-Volvestre, en Ariège, plus de 25.000 patients ont été reçus en consultation par ces soignants salariés.


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« En Occitanie, selon l’Agence régionale de santé, 80 % du territoire se trouve en tension médicale et l’on sait que 30 % des médecins généralistes vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années. Avec l’ouverture de ces centres, nous voulons remettre des médecins là où les gens n’en avaient pas vu depuis longtemps », explique Vincent Bounes, le vice-président de la Région Occitanie en charge de la Santé, par ailleurs directeur du Samu de la Haute-Garonne.

Alors que la France est confrontée depuis plusieurs années à une pénurie de médecins, le groupement met tout en œuvre pour attirer les praticiens dans ces zones parfois reculées du territoire. « Nous leur offrons des conditions de travail confortable avec des contrats de 35 ou 39 heures calqués sur la grille des praticiens hospitaliers, soit environ 5.000 euros nets par mois. Ils ont la possibilité d’être à temps partiel, et nous nous occupons du conjoint, de l’inscription des enfants à l’école, des places en crèche. Ils n’ont aucune tâche à faire à part soigner », poursuit l’élu dont la collectivité investit de 100.000 à plus d’un million d’euros dans ces centres pluridisciplinaires, « à l’équilibre budgétaire au bout de deux à trois ans ». Il espère en ouvrir 60 d’ici 2028 et embaucher 200 professionnels de santé.



Pour l’instant, une grande partie des praticiens qui ont décidé d’entrer dans le dispositif « Ma santé, Ma région » sont de jeunes médecins formés en Occitanie, qui faisaient des remplacements pour la plupart d’entre eux et hésitaient à s’installer. D’autres, en milieu de carrière et originaires souvent d’autres régions, « aspiraient à un autre cadre de vie », souligne Vincent Bounes. Et puis il y a le recours aux retraités, souvent à temps partiel, qui continuent leur activité sous un autre statut.

Des professionnels de santé qui peuvent travailler en équipe

Mais la concurrence est rude. Des centaines de communes rurales sont ainsi à la recherche d’un généraliste prêt à s’installer sur leur territoire et toutes font des ponts d’or aux praticiens pour qu’ils les choisissent, aidées par des aides de l’Agence régionale de santé. Certaines décident ainsi d’investir dans des maisons de santé, des lieux où les professionnels sont rassemblés et mutualisent une partie des frais.

C’est ce qu’a fait dans un premier temps la commune de Mazamet en investissant dans un bâtiment en 2020 pour y créer un pôle médical où sont réunis des médecins généralistes libéraux, mais aussi une psychologue ou encore un ergothérapeute.

« C’était un premier pas pour créer une communauté, leur montrer qu’ils n’arrivaient pas dans un désert, certains ont peur de l’isolement », insiste Olivier Fabre, le maire de la commune qui depuis les périodes de confinement multiplie les campagnes pour attirer de nouveaux habitants à la recherche de grands espaces et d’une autre qualité de vie que celle offerte par les métropoles. Des néoruraux qui au-delà des services publics réclament aussi un accès aux soins. La mairie s’était donc mise à la recherche de praticiens.

« Mais nous nous sommes rendu compte que pas mal de médecins avec qui nous étions en contact étaient intéressés par un statut de salarié plus que libéral. Pour une commune comme la nôtre, employer des médecins était quelque chose de lourd à porter. Alors quand nous avons eu connaissance du dispositif du conseil régional, nous l’avons trouvé pertinent et nous nous sommes engagés au sein du GIP qui assure une sécurité financière et juridique », poursuit l’élu qui était en discussion avec deux médecins depuis un certain temps lorsqu’il s’est engagé avec la Région.

L’un d’eux était urgentiste à Castres. Géraldine Martin était de son côté déjà salariée à Lille. Revenue à Mazamet pour des raisons familiales, elle voulait continuer à exercer sous ce statut. « Dans cette région, si on s’installe en libéral, on n’a plus de vie. Et ce n’est pas ce que je recherchais. Là je ne m’occupe que de la prise en charge médicale des patients, je ne facture pas, c’est le secrétariat qui s’en occupe », explique cette médecin de 40 ans qui a moins de revenus que ses collègues libéraux « mais fait aussi beaucoup moins d’heures ».

Au début, elle a dû faire comprendre aux patients qu’ils n’étaient pas en présence d’un médecin de famille au sens classique du terme. « Ce sont les patients d’une structure, ils peuvent voir un médecin ou un autre. Ça les a perturbés, mais il y a aussi pour eux un côté rassurant d’avoir toujours une personne pour les recevoir et une réponse médicale. Ce que met en place la région, c’est une des réponses pour augmenter l’offre de soins, c’est l’un des moyens qui pourra donner envie aux jeunes médecins de s’installer », atteste la généraliste entre deux patients. Bientôt, elle devrait pouvoir compter sur le renfort d’une jeune collègue dont l’arrivée devrait se faire au printemps. « Un grand soulagement », confie une retraitée croisée devant l’entrée du centre, ravie de voir des « jeunes médecins enfin s’installer ».