Occitanie : « Trop grande » ou idéale ? L’idée de redécouper la région divise
Nos rEgions ont du rEpondant (1/4)•Le chef de l’Etat songerait à redécouper les régions trop grandes comme l’Occitanie. Vaste question que nous avons posée à nos lecteurs, plutôt pragmatiques, mais aussi très divisésHélène Ménal
L'essentiel
- Sept ans après leur création, faut-il rediviser les grandes régions ? Des sources prêtent à Emmanuel Macron l’intention de ressortir les ciseaux, dans le cadre d’une réforme institutionnelle, pour la Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, le Grand-Est et l’Occitanie.
- « 20 Minutes » a pris le pouls de ses internautes dans les régions concernées.
- Dans ce premier volet, la parole est aux Occitans. Tantôt nostalgiques, souvent financièrement pragmatiques, nos lecteurs et lectrices ont leur cœur qui balance entre aspiration à la proximité, géographique comme culturelle, et la fierté d’un horizon qui s’est élargi.
«Qu’y a-t-il de commun entre Nîmes et Cahors ? » demande Philippe, un internaute de 20 Minutes qui trouve, bien que son nom soit « sympa », l’Occitanie « trop grande ». Il ne serait pas mécontent de la voir rétrécir et rejoint en cela une hypothèse qu’étudierait Emmanuel Macron d’après une indiscrétion de La Dépêche du Midi. Selon les sources du quotidien régional, le chef de l’Etat prépare une réforme institutionnelle et envisage de fusionner les conseillers départementaux et régionaux pour en faire des conseillers territoriaux, à l’instar de ceux qui siègent en Corse. Mais qui pourraient, dans le cas de trop grandes régions comme le Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, la Nouvelle-Aquitaine et donc l’Occitanie, équivalente à l’Irlande et deux fois plus vaste que la Belgique, se trouver très éloignés des usagers-électeurs. D’où l’idée de revenir sur le découpage décidé par François Hollande et qui a donné naissance en 2016 à l’Occitanie, par la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
« Mentalités et coutumes différentes »
Autant le dire tout de suite, la perspective divise nos lecteurs. Le retour aux anciennes « frontières » séduit notamment pour des arguments culturels. « Midi-Pyrénées et le Languedoc sont deux secteurs géographiques différents, aux mentalités et coutumes différentes (…) même en cuisine et en œnologies », plaide notamment Marion, 40 ans, qui ne voit pas trop le rapport entre « le cassoulet et le porc à la cévenole » ou entre les vins de Fronton et de Gaillac et un Rivesaltes. « Rien à voir entre le Gard rhodanien et Toulouse », renchérit Jean-Jacques.
La contrainte de l’éloignement géographique compte aussi pour les nostalgiques du découpage précédent. Mahé habite dans les Cévennes. Il remarque qu’il met 4 heures en voiture, et parfois davantage en transports en commun, pour rejoindre Toulouse, sa capitale régionale, quand Montpellier est à 2 heures en transport et 1 heure en voiture. « Avec la politique actuelle de vouloir diminuer notre empreinte carbone, c’est trop incompréhensible », dit-il, prônant un retour « à des actions de proximité ».
Du côté de la Catalogne, l’affront reste vivace même après sept ans de « cohabitation ». « J’habite Perpignan. Je ne suis pas Catalan de culture ou de naissance. Pourtant je ne me reconnais pas dans la région "Occitanie" dont le nom nous a été imposé par la population la plus nombreuse », confie un quinquagénaire. « Rendez Nantes aux Bretons et les Catalans au Roussillon », le rejoint Fred.
Vacances avec les Parisiens et matchs de basket
Plus original, plus complexe aussi, des internautes défendent un redécoupage en harmonie avec les l’histoire du Sud-Ouest qui ne serait pas forcément un retour en arrière. Ainsi Philippe (un autre) verrait bien Le Lot et Tarn-et-Garonne se tourner vers Bordeaux quand les Landes et le Gers reformeraient la Gascogne.
Enfin, parmi les tenants de deux régions, il y a ceux qui relèvent les inconvénients qu’a eus la fusion sur leur vie quotidienne. Depuis que Toulouse a rejoint Montpellier dans la zone C des vacances scolaires, Thierry est fortement contrarié de se « retrouver dans la même zone que les Parisiens ». « L’affluence est plus forte et les tarifs des séjours plus élevés », déplore-t-il. Et si Emeline est « à 150 % » pour une « redivision », c’est parce que cette Muretaine songe aux « petits clubs sportifs », de basket par exemple, qui brillent au niveau régional et qui se retrouvent à faire « plusieurs fois par trimestre » des déplacements lointains, aussi onéreux que déstabilisants « pour la vie de famille ».
« Occitan et fier de l’être »
Passons maintenant aux partisans convaincus de l’Occitanie, une et entière. « Personnellement, je me suis toujours plus senti Occitan que Midi-Pyrénéen », assure Stéphane qui n’a pas noté de différence notable avec le fonctionnement antérieur. « L’identité de la nouvelle région est forte maintenant, constate Stéphanie. Les habitants ont voté pour le nom de la nouvelle grande région et ce sentiment d’appartenance fort, avec un horizon élargi ». « Pas touche à notre grande et belle Occitanie ! Je me sens plus occitane que jamais », se réjouit Séverine. Quant à Jean-Luc, il se dit « Occitan et fier de l’être ». Tout comme Alain qui ne voit pas l’intérêt « de défaire un pays historique, une entité qui a retrouvé ses marques et sa langue ». Quitte à changer quelque chose, Jean-Luc supprimerait les départements. Fred, un trentenaire, trouve le découpage actuel « très bien » et veut encore l’améliorer en « optimisant les services administratifs et les transports intrarégionaux ».
notre dossier sur l'occitanie
L’attachement à l’Occitanie est parfois sentimental mais souvent pragmatique. L’argument principal des réfractaires à un redécoupage est notamment financier. Beaucoup se demandent combien a coûté la fusion et combien cela coûterait de la « détricoter » si peu de temps après. « Il fallait y penser avant. Pas question de repasser des années à tout redéfaire », pose Adrien qui trouve pourtant le redécoupage « absurde ». Il craint aussi une velléité politique « de briser une des dernières régions un peu à gauche ».