« En deux ans, on peut développer le titre unique de transport pour toute la France », annonce Clément Beaune
INFO « 20 MINUTES »•Clément Beaune, le ministre des Transports, espère expérimenter le titre unique de transport dès la fin de l’année pour une généralisation d’ici à 2025Propos recueillis par Guillaume Novello
L'essentiel
- Ce mercredi, un jury sélectionnera le projet technologique qui permettra d’expérimenter avant la fin de l’année prochaine, le titre unique de transport.
- Ce dernier est porté par le ministre des Transports Clément Beaune qui y voit là l’occasion de « simplifier la vie des utilisateurs » et carrément « une vraie révolution dans les transports ».
Dépasser les blocages par la technologie. Un credo qu’a fait sien le ministre des Transports Clément Beaune en lançant un hackathon, un marathon de programmation, pour trouver la solution technique permettant de parvenir au titre unique de transport, le plus rapidement possible. Et ça commence ce mercredi avec la sélection du projet pilote pour une expérimentation dans les plus brefs délais. Pour 20 Minutes, Clément Beaune revient sur ce projet qui va « mettre de la facilité » dans notre vie quotidienne.
Pourquoi s’attaquer au chantier complexe du titre unique ?
Depuis que je suis arrivé au ministère des Transports, il y a un peu plus de six mois, je suis très frappé par le fait que, quand on pense transports, on pense d’abord grandes infrastructures. Evidemment si on veut développer les transports publics, il faut des lignes de trains, de tram, de métros… Mais on néglige trop ce qui est service, usage, innovation. Or, on s’aperçoit que l’attractivité des transports publics au quotidien dépend aussi beaucoup du service qui est rendu en matière de sécurité, de propreté, d’information voyageurs, d’indemnisation, de facilité d’accès, etc. C’est exactement l’esprit de la loi d’Orientation des mobilités, qu’a portée la Première ministre.
Et puis, je regarde ce qui se fait dans les autres métropoles, dans les grands pays européens. En Allemagne par exemple, on parle beaucoup d’un billet à 49 euros qui se met en place. La vraie révolution, c’est qu’ils vont aller vers un billet unique : un seul titre de transport, papier ou dématérialisé, pour l’ensemble des transports du quotidien. Les Pays-Bas l’ont fait, les Suisses s’y sont engagés, l’Autriche y réfléchit aussi. Les pays les plus engagés dans la transition écologique sont en train de le faire. Le billet unique pour simplifier la vie des utilisateurs, c’est une vraie révolution dans les transports.
Comment comptez-vous lancer ce projet ?
On a lancé un hackathon et on a plus de 70 réponses. Parmi les participants, vous avez des start-up, des grands opérateurs de transport comme la RATP ou la SNCF, des étudiants qui ont envie de se lancer. On va sélectionner une solution avec un jury qui associe tout le monde, l’Etat, les représentants des régions, des villes, des métropoles. Les collectivités locales ont fait un retour très positif. Tous pensent qu’on doit le faire et qu’on peut le faire en quelques mois.
Sur quel calendrier vous projetez-vous ?
Quand j’ai émis cette idée, on m’a dit qu’il fallait au moins dix ans pour faire ça. Mais je suis convaincu qu’en l’espace de deux ans, on peut développer le billet unique partout en France. Après ce hackathon, on va accompagner, via l’Agence de l’innovation pour les transports, la ou les solutions choisies afin qu'elles soient opérationelles pour une expérimentation dès la fin 2023 dans un certain nombre de territoires volontaires. Evidemment, il faut que ce soit dans des zones relativement grandes. L’idée c’est de supprimer un certain nombre de titres pour avoir un billet unique au niveau d’une région ou d’un département.
Avancer sur la forme, comme vous le faites, permet-il de dépasser les blocages sur le fond ?
Je pense qu’avec cette révolution du quotidien, on va tirer un fil qui aura sans doute plein d’applications. Il y aura beaucoup plus de transparence. On sait que quand vous faites un trajet entre la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie, dans le sens Bordeaux-Toulouse, vous avez un certain tarif, mais vous avez un autre tarif pour l’autre sens, parce que ce n’est pas la même région qui est responsable de la tarification. Ça crée de la défiance chez les usagers qui ont l’impression de se faire arnaquer. Le titre unique met de la facilité et on sait que plus les transports publics sont faciles d’utilisation, plus ils sont utilisés. Vous facilitez aussi l’intermodalité, le recours à plusieurs moyens de transport lors d’un seul déplacement.
Quelle forme cela pourrait-il prendre concrètement ?
Ça peut être soit une appli, ce qui est évidemment le plus facile, soit des titres dématérialisés reconnus et lus par tous. Le numérique a cet avantage de permettre à la fois la lecture et le paiement à différentes bornes. Après, il faudra aussi prendre en compte les personnes qui ne connaissent pas le numérique, qui sont plus âgées ou moins habituées à ce type de solutions, et qu’il faudra aussi accompagner. L’Allemagne l'a fait ces derniers mois. Ils ont à la fois développé une nouvelle application et des titres papiers pour les personnes qui sont moins familières à l’utilisation du numérique.
On ne part pas de rien. A l’échelle de région, on a déjà des billets uniques. En Ile-de-France, vous avez le même pass que vous preniez le bus, le métro, le tram ou le RER. La Bretagne a lancé la carte Korrigo. Et l’avenir, c’est même de rajouter des services sur ces pass. Par exemple, avec le pass Navigo, vous avez certaines réductions sur le covoiturage.
Et envisagez-vous ensuite d’aller vers un tarif unique ?
Il faut respecter cette politique de la décentralisation des transports, donc ce n’est pas à l’Etat de dire aux régions quelle est leur offre et le prix des transports, c'est leur responsabilité. Je distingue le support et le tarif même si je pense que le support peut entraîner des simplifications de tarifs et inciter les autorités organisatrices à proposer des tarifs communs.
Comment financez-vous ce projet ?
La phase d’accompagnement, on va la financer. Après pour le déploiement, il faut encore chiffrer. S’il faut par exemple revoir un peu les billettiques, les systèmes informatiques, il y aura quelques investissements à faire et ce sera évidemment chaque collectivité qui le fera. Mais s’il y a un enthousiasme pour cela, un accompagnement de l’Etat est possible, je n’ai pas de problème avec cette idée.
Quand vous parliez usage et service, on ne peut s’empêcher de penser à l’expérience utilisateur, UX, très à la mode dans le monde des start-up dont Emmanuel Macron se fait le promoteur. Est-ce volontaire ?
Parfois dans nos actions publiques, les grands projets prennent 5, 10 ou 15 ans et en attendant, la vie quotidienne ne change pas. Cette culture du service qui améliore la vie quotidienne qui respecte l’usager, je pense que c’est très important et j’essaie d’en faire un axe politique. Quand il y a eu la grève de Noël à la SNCF, j’ai demandé à la SNCF de faire un geste commercial exceptionnel. Ça ne compense pas le train raté mais ça respecte le client.
Et si l’expérimentation ne fonctionne pas ?
On l’améliorera ! Mais l’idée que c’est impossible, je n’y crois pas. Puisque d’autres pays l’ont fait, on n’est pas moins intelligents qu’eux. Si l’Allemagne le fait, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables de le faire. On a de bons opérateurs de transport, de très bons innovateurs, des collectivités qui ont envie et un gouvernement qui a cette ambition.
De par votre passé de secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, croyez-vous en un titre européen unique de transport ?
Bien sûr, j’en rêve dans les années qui viennent. Là aussi, je suis pragmatique et très concret. Le 22 janvier, il y a eu un sommet franco-allemand et on a annoncé avec mon homologue allemand 60.000 billets jeunes gratuits qui seront distribués à partir de cet été pour voyager simplement entre les deux pays. On va essayer d’en faire profiter surtout les jeunes qui ont peu de moyens, qui voyagent rarement, par exemple, dans les centres d’apprentissage. C’est aussi un pas dans cette direction. Si l’Allemagne et la France parviennent au titre unique dans les mois qui viennent, on pourra faire une initiative européenne qui marche.
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