« Une autre façon de se rencontrer »… Qui sont les nouveaux mordus de jeux de société ?
PASSION POUR LE PION•De plus en plus d’associations, de bars et de ludothèques travaillent à la promotion de tous les types de jeux de sociétéCamille Allain
L'essentiel
- Le secteur du jeu de société est en plein essor depuis des années. Un constat confirmé par les épisodes de confinement.
- De plus en plus de personnes se passionnent pour les innombrables jeux qui sortent chaque mois.
- Le salon Rennes en jeux a réuni près de 8.000 personnes en un week-end.
Ils sont assis à deux, trois, quatre ou plus autour de tables en bois. Devant eux, des dés, des cartes ou un plateau. Installées dans les grandes salles du couvent des Jacobins à Rennes, les centaines de participants sont réunies par la même envie : jouer. Organisé par l’association La Toile ludique, le salon Rennes en jeux aura réuni plusieurs milliers d’amoureux du jeu de société ce week-end. Pas étonnant. Du célébrissime et éternel Uno aux jeux d’experts très complexes, le marché du jeu de société a littéralement explosé ces dernières années, faisant chaque jour plus d’adeptes. Accentuée par les épisodes de confinement, cette passion semble ne pas avoir de limites. Imaginez que chaque mois, il sort plus d’une centaine de nouveaux jeux en France. Qui sont ces nouveaux joueurs et joueuses ? Rencontre.
Depuis deux ans, il ne pense qu’à ça. Nouvel auteur de jeux de société, Ludovic Lépine fait partie de la LEAF, la Ligue extraordinaire des auteurs franciliens. Basée à Paris, cette association réunit des « inventeurs » de jeux de société. « Je passe mes soirées à découper des images, à réfléchir au déroulé, à tester la mécanique », explique le passionné. Banquier la journée, il nourrit le rêve de voir une de ses inventions être vendue en magasin. « C’est un univers très concurrentiel, peu d’auteurs arrivent à en vivre ». Ludovic encadre Emilie et Guillaume pour leur première partie de « Deliflery », un jeu simulant une société de livraison à domicile. « Le thème m’est venu en voyant les gens se faire livrer n’importe quoi autour de chez moi. Quand tu as trouvé l’idée, tu réfléchis à la manière de jouer. » Sans garantie que cela plaise.
Des auteurs comme Ludovic, la France en compte de plus en plus. Comme elle compte de plus en plus de simples adeptes des petits jeux d’ambiance populaires comme Dixit, Blanc Manger Coco ou le TTMC. « Le jeu évolue à une vitesse grand V car il peut toucher un public très large. Tout le monde peut s’y retrouver, il y en a pour tous les âges et tous les goûts », estime Loïs Boutin, vice-président de La Toile ludique rennaise. Passé par le jeu de rôles, le Rennais s’est orienté vers le jeu de société « par facilité et par gain de temps ». « Pour les jeux de rôles, tu dois passer quatre heures à tout préparer. Alors que là, tu n’as qu’à sortir la boîte. » L’homme est un gros passionné capable de se lancer dans des jeux d’experts dont les parties peuvent durer deux heures. Son coup de cœur ? « Terraforming Mars. Un jeu de stratégie où tu dois te construire un empire. » Un brin geek ? « C’est un préjugé qui nous colle à la peau. Mais c’est un univers de plus en plus féminin et qui s’est beaucoup démocratisé », assure la présidente de l’association Anaïs Maugey.
La jeune femme fait partie des « joueuses du dimanche » qui apprécie de se réunir autour d’une table pour s’amuser. « Ce que j’aime, c’est jouer. Parfois, ça tend, parfois ça détend, ça fait rire. C’est une autre façon de se rencontrer, une manière d’apprendre qui on est aussi. Comment on perd, comment on gagne, comment on ment. » Le succès du salon Rennes en jeux que son association organise témoigne de l’incroyable dynamisme du secteur. Pour sa quatrième édition, l’événement a su attirer près de 8.000 curieux en deux jours. « Le public est très familial, il y a des gens de tous les âges, de toutes les classes sociales. » La présidente aime insister sur l’aspect intergénérationnel du jeu de société, capable de réunir autour d’une même table des enfants de 6 ans et des grands-parents. Ici, chacun a son rôle, ses réflexes, ses idées. « On joue assez souvent avec nos amis à la maison ou dans des bars. Il y a parfois un côté stratégique, un côté ludique », expliquent Méline et Nathan, au milieu d’une partie de Skyjo.
« On avait délaissé les jeux de société pour les jeux vidéo »
Déjà bien vigoureux avant le Covid-19, le marché du jeu de société a connu un coup de bourre avec les épisodes de confinement. Contraints de rester chez eux, les Français ont redécouvert le plaisir de jouer ensemble. « On était isolés, on avait ce besoin de jouer, de se retrouver », se souvient Anaïs Maugey. L’auteur de jeu Ludovic Lépine estime quant à lui que le retour en grâce du jeu de société est dû à une génération. « Dans les années 1980 ou 1990, on avait délaissé les jeux de société pour les jeux vidéo. Ces gens qui ont aujourd’hui 40 ou 50 ans ont eu des enfants, ils ont redécouvert ce plaisir. » Le banquier l’avoue, depuis quelques années, il est devenu accro. Une addiction qui semble plutôt saine à en croire les sourires scotchés aux visages des participants.
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