INNOVATIONOn a testé la première navette autonome à s’insérer dans le trafic Toulouse

Toulouse : Freinages d’urgence et conducteurs médusés… On a testé l’étonnante navette autonome du campus de sciences

INNOVATIONDepuis plusieurs mois, le campus de l’université Paul-Sabatier de Toulouse teste la circulation d’une navette autonome. On vous embarque dans ce laboratoire monté sur roues
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Depuis quelques mois, une petite navette autonome circule sur le campus de l’université Paul-Sabatier de Toulouse, embarquant, discrètement pour l’instant, les étudiants curieux.
  • Electrique et sans chauffeur, elle est la première du genre en France à s’insérer en conditions réelles dans le trafic. Elle est cependant surtout un laboratoire roulant pour expérimenter les mobilités du futur et les réactions des usagers.
  • 20 Minutes vous embarque dans ce laboratoire monté sur roues. Récit d’un premier test entre freinages d’urgence et regards interloqués.

Freinage d’urgence, brusque mais efficace. Un étudiant « expérimentateur » vient de démontrer sa foi aveugle dans la science en traversant, rigolard, pile devant la navette autonome. Quelques dizaines de mètres plus loin, le test est cette fois involontaire : une automobiliste s’est garée sur l’arrêt du petit « berlingot » monté sur roues. Ce dernier réagit parfaitement, sous le regard médusé de l’intruse (qui sera toujours stationnée au même endroit une rotation plus tard), il pile, fait un écart et prend plus large pour se garer et honorer son arrêt. « Il n’y a pas eu le moindre incident ou accident pour l’instant », assure Philippe Perrollaz, l’opérateur chargé, avec son énorme joystick gris, de prendre le relais « en manuel » sur la navette en cas d’urgence.

Bardé de lidars et de capteurs, l’engin – de 12 places, dont la moitié assises – est un modèle du constructeur toulousain EasyMile. Il a débarqué en toute discrétion en novembre dernier sur le campus de l’université Toulouse III Paul-Sabatier dans le cadre du programme VILAGIL piloté par Toulouse Métropole qui soutient le développement d’actions en faveur des mobilités innovantes et décarbonées.



La navette électrique est gratuite. Elle fait théoriquement cinq rotations par jour, avec quatre arrêts fixes, sur les 4,5 kilomètres de son parcours. « Mais parfois elle ne passe pas parce que nous travaillons dessus. Ce n’est pas un service public, c’est un laboratoire d’expérimentation, nous l’avons bien expliqué aux usagers », prévient la professeure Marie-Pierre Gleizes, de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit) et de la Faculté de sciences et ingénierie de l’université. Elle supervise les actions recherche du programme VILAGIL.

La première en situation réelle dans un trafic dense

A Toulouse, les usagers ont une petite habitude des navettes autonomes. Un démonstrateur a circulé sur les allées Jules-Guesde il y a quelques années. Un autre fait le trajet entre le bâtiment de l’Oncopole et son parking. « Mais le nôtre permet de vraiment passer à une expérimentation en situation réelle dans l’urbain dense », souligne Rahim Kacimi, maître de conférences à l’Irit. Très dense même, avec ses 36.000 « habitants », ses voitures, ses encombrements, ses étudiants absorbés par la musique dans leurs casques.

Grâce à eux, l’équipe va pouvoir creuser plusieurs axes de recherches. « Le premier concerne les réseaux de communication de ce type de véhicule avec les infrastructures, mais aussi avec les autres véhicules, et avec les piétons », explique Rahim Kacimi. Pour cela, les spécialistes suivent les données de la navette dans leur data center. Ils utilisent aussi une antenne RTK (pour « real time kinetic »), mise à leur disposition par Toulouse Métropole, pour suivre les mouvements et le comportement de la navette « au centimètre près » quand un GPS n’a pas cette précision de résolution. Bientôt des droïdes circulant sur le campus seront équipés pour communiquer avec la navette. Et puis il y a les retours d’expérience de Philippe. L’opérateur, qui a embarqué 13 étudiants curieux mercredi, les voit monter « ravis et sans appréhension » dans ce minibus sans chauffeur. S’il s’accroche à son joystick, anticipant l’arrêt impromptu, quand un vélo arrive en face et risque de raser sa navette, il est assez soufflé quand elle ralentit seule pour se mettre au pas derrière les grappes d’étudiants au moment de l’affluence de la pause de midi devant le RU.

Droïdes livreurs et réverbères intelligents

D’ici quelques jours, deux semaines tout au plus, la navette gagnera pas mal de temps sur les vingt-trois minutes de son trajet actuel. Les quatre « barrières pompiers » de son trajet seront connectées et Philippe n’aura plus à descendre pour « badger ». Et comme la navette est là « pour au moins deux ans », les étudiants ont bien le temps de s’y faire. Ils vont même bientôt être mis à contribution. Car une autre équipe de chercheurs travaille à l’université Jean-Jaurès sur « l’acceptabilité sociale » et la perception des véhicules autonome.

Puis, sous peu, la navette ne sera plus seule. Les trois droïdes livreurs de la société TwinsWheel commenceront à croiser son trajet, probablement en mai, en même temps que des réverbères intelligents (financés par la région) s’allumeront. Le campus de l’université Paul-Sabatier deviendra alors, avec sa plateforme autOCampus, un site « unique en France » d’expérimentations des mobilités du futur.