Nice : Des déchets de la métropole illégalement exportés vers l’Espagne, un scandale en vue ?
ENVIRONNEMENT•Un reportage du magazine « Capital », sur M6, révèle une possible infraction à la réglementation sur le transport transfrontalier des déchets. La métropole niçoise, dont un prestataire est mis en cause, a saisi le procureur de la RépubliqueFabien Binacchi
L'essentiel
- En équipant certains déchets de balises GPS dans la métropole niçoise, les équipes du magazine Capital, sur M6, ont découvert qu’ils étaient exportés illégalement vers l’Espagne.
- Le maire de Nice Christian Estrosi, qui vise l’un de ses prestataires, a annoncé vendredi avoir « saisi » le procureur de la République pour qu’il « puisse apprécier s’il y a une infraction pénale ».
Ils avaient de sérieux doutes, les journalistes de Capital ont voulu en avoir le cœur net. En équipant certains déchets de balises GPS dans la métropole niçoise, les équipes du magazine ont découvert qu’ils étaient exportés illégalement vers l’Espagne. Des révélations faites avant la diffusion de leur enquête, prévue dimanche soir sur M6, qui ont conduit le maire de Nice Christian Estrosi à « saisir » le procureur de la République vendredi pour qu’il « puisse apprécier s’il y a une infraction pénale ».
Dans le reportage, que 20 Minutes a pu visionner, l’entreprise Enso, titulaire d’un marché public conclu avec la métropole depuis 2021 pour prendre en charge du « tout-venant non dangereux », est directement mise en cause. Un des camions sortant de sa déchetterie de Contes, dans l’arrière-pays niçois, et à bord duquel était embarquée une des balises, est filmé jusqu’à une décharge à ciel ouvert de Saragosse, dans le nord est de l’Espagne. Et ce, sans qu’aucune autorisation de transfert de déchets transfrontalier n’ait été délivrée par le ministère de la Transition écologique.
La collectivité aurait été « largement abusée »
Cette société, qui a la charge de « valoriser », « à proximité », « et dans des filières agréées », les 8 % de déchets produits dans la métropole (sur un total de 600.000 t par an) qui ne peuvent pas être traités sur place, aurait ainsi « largement abusé de la collectivité » en ne répondant « ni aux contrats ni aux contraintes » qui lui étaient imposées, a dénoncé Christian Estrosi. Répondant à une polémique naissante, l’élu a expliqué craindre qu’il s’agisse de « pratiques généralisées » en France. En compagnie du député (Horizons) Philippe Pradal, il a dit souhaiter l’ouverture d’une commission d’enquêtes parlementaire sur le sujet.
« J’ai aussi saisi le préfet des Alpes-Maritimes pour infraction à la réglementation sur le transport transfrontalier des déchets, puisque cela relève de son autorité. Et également le préfet de région, puisque c’est la Dreal [Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement] qui doit donner un coup de tampon quand il y a un transport de déchets », a-t-il également annoncé vendredi.
Le maire et président de la métropole Nice Côte d’Azur avait, dès jeudi, indiqué avoir « diligenté une enquête de l’Inspection générale des services » de la collectivité et « sommé le prestataire de lui fournir, d’ici [ce vendredi], les informations complémentaires sur la traçabilité des déchets qui lui sont confiés ».
Combien de tonnes de déchets concernés ?
Car si, les caméras de M6 ont réussi à démontrer qu’au moins deux camions sont allés déverser les déchets métropolitains en Espagne, la collectivité soupçonne que d’autres ont peut-être suivi le même chemin. « Dans le reportage, ce sont 44 t qui sont concernés mais cette société à la charge de valoriser 17.000 à 18.000 t de déchets par an », depuis deux ans, a précisé Olivier Brouilly, le directeur général des services de la métropole.
En plus du marché du traitement du flux tout-venant, conclu pour un montant prévisionnel de 33 millions d’euros, l’entreprise Enso a également obtenu les marchés concernant les encombrants collectés en porte à porte pour 6 millions supplémentaires, selon Phillipe Vardon. L’élu Reconquête ! de la ville et de la métropole dénonce un « scandale écologique et économique » dans un communiqué. Et demande à Christian Estrosi « de recevoir instamment les présidents des groupes d’opposition pour leur fournir toutes les explications nécessaires sur les révélations de l’émission Capital mais aussi sur les prestations, et les conditions de la sélection, de la société ».
Dans un courrier adressé au préfet des Alpes-Maritimes et au préfet de région, les élus écologistes réclament de leur côté « l’ouverture d’une enquête administrative » après ces révélations qui semblent « indiquer un processus de blanchiment de déchets ainsi qu’un trafic de déchets en bande organisée ». « Cette affaire semble être une atteinte profonde au code de l’environnement, ainsi qu’au droit européen », dénoncent-ils.
La faute à un sous-traitant selon l’entreprise
En fonction des résultats des investigations menées en interne, la métropole indique que des sanctions financières ou la résiliation du contrat avec Enso pourraient être décidées en plus d’éventuelles poursuites judiciaires. Le parquet de Nice, contacté par 20 Minutes, n’avait pas encore annoncé l’ouverture d’une enquête vendredi soir.
Egalement sollicités par 20 Minutes, ni la société basée à Marseille, ni son président Jérôme Kester n’avaient répondu à l’heure de la publication de ces lignes. Dans un article publié par Nice-Matin, ce dernier assure que la faute revient à un sous-traitant avec qui il a « arrêté de collaborer », depuis « le 22 décembre dernier ».
La métropole Nice Côté d’Azur a lancé l’an dernier le chantier d’une nouvelle Unité de valorisation énergétique (UVE) pour remplacer un actuel équipement actuel « vieillissant ». Ces travaux lui permettront, à l’horizon 2026, de traiter 100 % des déchets localement.