mobilisationBoulangers, médecins... Des collectifs en lutte en parallèle des syndicats

Grèves : En parallèle des syndicats, des collectifs qui permettent « de dépasser les divisions entre étiquettes »

mobilisationAprès les contrôleurs de la SNCF, c’est au tour des boulangers et des médecins de se rassembler en collectif. Au point de remettre en question les syndicats traditionnels ?
Octave Odola

Octave Odola

Ils ont réussi le tour de force de remplacer, au moins momentanément, les cartes d’adhérents par des « like » sur Facebook. Après le « collectif national ASCT », les contrôleurs de bord de la SNCF en grève durant les fêtes, un autre mouvement né sur les réseaux sociaux fait parler de lui. Ce jeudi, le collectif « Médecins pour demain », qui rassemble près de 16.000 sympathisants sur Facebook, a réuni plusieurs milliers de médecins libéraux dans les rues de Paris pour obtenir une revalorisation des consultations.

Le 23 janvier prochain, c’est un autre groupe informel, le collectif pour la survie des boulangeries et de l’artisanat, qui lance un appel à la mobilisation. « On est quatre pauvres boulangers, et on arrive à se faire entendre plus que notre syndicat », constate Daniel Coirier, boulanger vendéen et cocréateur du groupe Facebook, né en mai 2022 lorsque l’augmentation du fioul a obligé l’un de ses confrères à fermer boutique.

Des collectifs fondés sur les réseaux sociaux

Installé depuis 2010, il a un temps adhéré à la confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, chargée de représenter 33.000 professionnels dans le pays. Mais le Vendéen a rendu sa carte il y a six ans, sans pouvoir se départir d’un sentiment tenace. « J’avais l’impression que notre confédération ne nous représentait pas », confie-t-il. Sur le groupe Facebook du collectif, 1.400 membres. Et l’obtention d’un rendez-vous au ministère par les conseillers d’Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, pour parler de la crise qui secoue la profession : l’augmentation du prix du fioul donc, puis celle des matières premières et la hausse du prix de l’énergie.

« Les collectifs, ce n’est pas nouveau. Il y en a toujours eu en parallèle des syndicats, constate Camille Dupuy, maîtresse de conférence en sociologie à l’université de Rouen. Ils vont avoir tendance à attirer davantage de monde, puisqu’ils sont pensés de manière plus large que les syndicats. Ça va dépasser les divisions entre étiquettes. Ils se forment à un moment spécifique, et se défont à la fin de la mobilisation. Ils n’ont pas vocation à durer. »


Plus que de se faire la guerre, collectifs et syndicats livrent en fait un combat complémentaire. Durant les fêtes, la grève des contrôleurs SNCF a été décidée par un collectif. Mais ce sont bien les syndicats qui ont pu déposer le préavis, et ont ensuite été missionnés par le groupe informel pour négocier une sortie de crise.

Dans le même ordre, la manifestation de ce jeudi du collectif « Médecins pour demain » a été soutenue par plusieurs syndicats professionnels (UFML, FMF, SML et Jeunes Médecins).

Des syndicats habitués à la cohabitation

« Un collectif, c’est juste un positionnement stratégique différent, pas une lutte contre les syndicats. La plupart des membres des collectifs sont des ex-syndiqués. Ils utilisent leurs ressources acquises dans le syndicalisme pour créer un collectif, analyse Camille Dupuy. Des collectifs, il y en avait déjà dans les grandes mobilisations des années 1980. Les syndicats sont habitués à cohabiter avec eux. » Entre ces deux types d’organisation, les seules pratiques qui diffèrent se jouent en coulisses. « Dans un collectif, les prises de décision vont souvent être plus horizontales, comme dans le monde associatif. Dans un syndicat, la hiérarchie est plus établie », souligne Camille Dupuy.

Boulangers, médecins, contrôleurs, etc. La grogne monte et l’exécutif s’inquiète. « On a une chance, c’est que, pour l’instant, on n’a pas de mot d’ordre global » dans les luttes, précise un membre du parti présidentiel à BFM TV. La crainte d’une résurgence d’un mouvement spontané prend corps, à quelques jours de la présentation de la réforme des retraites. De quoi raviver les mauvais souvenirs liés aux gilets jaunes : un collectif qui avait pris forme avec des « like »… sur Facebook.