Grève des médecins : « Indispensable » ou « indécent »… La consultation à 50 euros divise nos lecteurs
votre vie, votre avis•La proposition du collectif de généralistes Médecins pour demain a déclenché une vague de réactions chez nos lecteursGuillaume Carlin
L'essentiel
- Certains médecins généralistes libéraux sont engagés dans un conflit social depuis début décembre et manifestent ce jeudi à Paris.
- Ils proposent, entre autres, une augmentation du tarif de la consultation à 50 euros, au lieu de 25 euros.
- Nous avons demandé à nos lectrices et nos lecteurs ce qu’ils en pensaient.
511. C’est le nombre de nos lectrices et lecteurs ayant répondu à notre appel à témoignages sur le prix de la consultation demandée par le collectif Médecins pour demain, qui passerait de 25 à 50 euros chez les « généralistes ». Créé en août et soutenu par certains syndicats, le collectif sera reçu ce jeudi par le ministre de la Santé, François Braun, pour engager la discussion sur la tarification des consultations, les conditions de travail des généralistes libéraux et la réorganisation du système de soins en général, alors que le mouvement de grève se poursuit.
Selon Médecins pour demain, la « consult » à 50 euros servirait à créer un « choc d’attractivité », afin d’attirer les jeunes praticiens vers la médecine de ville. Car, les généralistes se plaignent régulièrement de la charge administrative et financière d’une installation en libéral qui, selon eux, découragerait les plus jeunes à reprendre les cabinets. D’un autre côté, ce prix de 50 euros « serait relativement extravagant, ça voudrait dire une augmentation de chaque médecin généraliste de l’ordre de 100.000 euros », soulignait le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), Thomas Fatôme, au micro de France Info lundi, tout en se disant favorable à une augmentation. Pour comparer, en 2017, la hausse du tarif avait été de deux euros.
« Ils sont médecins, pas manageurs »
Et nos lecteurs, eux aussi, se disent, en majorité, favorables à une augmentation. Comme Jean-Marie, pour qui « cela semble indispensable pour assurer une meilleure qualité des consultations ». Ils défendent ces médecins qui ont fait de longues études. « Neuf ans, au moins, pour former un médecin généraliste… Alors pourquoi le prix d’une consultation est-il à peu près le même chez un coiffeur ? », se demande Thomas. Une comparaison que l’on retrouve très très souvent dans les réponses de nos lecteurs. Pour justifier une hausse du prix, il y a la question du temps de travail : « Je travaille actuellement cinquante heures par semaine sans compter les gardes », confie Marion, une des généralistes qui a répondu à notre questionnaire.
Et, plus que le nombre d’heures travaillées, c’est la place toujours plus grande que prend « l’administratif ». « Ils ont besoin d’aide pour gérer leur cabinet, parce qu’ils sont médecins, pas manageurs, lance Aurélie, une lectrice. Ils ont besoin de secrétaires médicales pour qu’ils puissent passer plus de temps à s’occuper de leurs patients au lieu de gérer eux-mêmes les appels et les prises de rendez-vous. » Pour cela, les généralistes l’assurent, il faut augmenter le prix de la consultation pour pouvoir embaucher.
« Dix minutes de consultation, c’est honteux »
Alors plus de temps accordé au médical, une meilleure qualité de soin et une meilleure attractivité pour les jeunes médecins ? Certains de nos lecteurs ne sont pas convaincus. Pour Agnès, un doublement du prix de la consultation pourrait se faire, « à condition qu’il ne se cumule pas avec les dépassements d’honoraires pratiqués par un bon nombre de médecins ». Lilian, lui, pense que cette hausse ne pourrait avoir lieu que si « les généralistes prennent en compte la mutuelle, afin que l’on n’ait plus rien à avancer. »
Anne-Marie, elle, réclame dans ce cas, qu’ « une carte de zonage soit créée avec des zones surdotées, où il serait interdit [pour des médecins généralistes] de s’y installer ». Elle souhaiterait aussi qu’ils soient dans l’obligation d’assurer « des gardes la nuit et le week-end, afin d’obtenir une continuité des soins ». Et surtout, ce qui agace ou inquiète le plus souvent nos lecteurs, c’est le temps accordé au patient à chaque consultation. Ainsi, Isabelle serait d’accord pour une augmentation du prix de la consultation, « si celle-ci ne se fait pas au lance-pierre comme c’est le cas maintenant ». « Dix minutes, c’est honteux ! », s’exclame-t-elle.
Des généralistes déjà bien payés ?
Et puis, il y a celles et ceux qui ne sont pas d’accord du tout. « C’est indécent de demander ça dans la situation actuelle », tance Christian. Comme lui, beaucoup voient, dans cette hausse du prix de la consultation, un doublement du salaire des généralistes. Mais, selon Marion, la médecin généraliste, « sur 25 euros, environ 11 euros va dans notre poche, avant l’impôt sur le revenu. » Cette augmentation du prix de la consultation ne représenterait donc pas une hausse directe du salaire. Reste que le revenu moyen des généralistes s’élevait, en 2017, à 92.000 euros par an, avant impôts, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). En comparaison, le revenu moyen d’activité des non-salariés, tous secteurs confondus, est de 43.000 euros.
Le risque, selon Roz, l’un de nos lecteurs, c’est qu’« encore plus de personnes renoncent à se faire soigner ». Une crainte partagée par Alice, 25 ans : « Pensons aux étudiants pour qui cette somme représente plus d’un tiers de leur budget parfois et qui devront réfléchir entre manger correctement ou se soigner. »
Négociations « la semaine prochaine »
Pour quelques-uns de nos lecteurs, enfin, l’argent n’est pas le cœur du problème. Les conditions de formation, la répartition des actes médicaux entre les différentes professions soignantes (infirmières, infirmières de pratique avancées, kinésithérapeute…), la relation avec les urgences, sont ainsi des sujets récurrents dans les retours de nos lecteurs. La place primordiale de « référent » du médecin généraliste dans le parcours de soins et l’attachement parfois fort qui existe entre les patients et le praticien font que ce sujet de la hausse du prix de la consultation se retrouve à l’épicentre de nombreuses questions sur le système de soin en général.
Si le débat entre nos lecteurs s’est principalement borné à savoir si les généralistes « méritaient » ou non cette augmentation, la question du tarif des consultations intervient surtout dans un contexte épidémique quasi permanent depuis près de trois ans. Les négociations autour du tarif des actes médicaux, entre les syndicats de praticiens et l’Assurance maladie, qui ont fait chou blanc en novembre, devraient reprendre « dès le début de la semaine prochaine », selon Thomas Fatôme, le patron de la Cnam.
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