Lyon : Pourquoi y a-t-il toujours autant d’enfants à la rue ?
HEBERGEMENT D’URGENCE•La promesse du gouvernement de n’avoir aucun enfant à la rue cet hiver n’a pas été tenue, notamment à Lyon, où encore 76 personnes sont hébergées dans un gymnaseElise Martin
L'essentiel
- Depuis 2014, le collectif lyonnais Jamais sans toit se mobilise chaque année pour permettre aux enfants scolarisés de ne pas dormir dans la rue et permettre à leur famille d’être hébergée dans les écoles.
- Il demande que l’Etat prenne ses responsabilités. Actuellement, douze familles sont logées dans un gymnase à Lyon, mis à disposition de la ville.
- Cette situation est particulièrement récurrente à Lyon, comme dans d’autres villes, mais elle est inédite cette année avec près de « 262 enfants sans solution ».
En octobre, le gouvernement a assuré qu’il travaillait à ce qu'« il n’y ait pas d’enfant à la rue » cet hiver. Trois mois plus tard, cette promesse n’est pas tenue. Notamment à Lyon où près de 35 enfants, avec leur famille, sont hébergés dans le gymnase Chanfray, mis à disposition par la ville jusqu’au 15 janvier. Un délai que la collectivité a allongé d’une semaine, faute de solution proposée par les services de l’Etat dont l’hébergement d’urgence est la compétence.
Ces douze familles se sont retrouvées sans solution avec la fermeture des écoles, où elles logeaient, et la situation risque de durer. « On ne reprendra pas ces personnes dans les établissements, confie désolé, Raphaël Vulliez du collectif Jamais sans toit et également enseignant. C’est très difficile à gérer, les équipes sont épuisées et nous n’avons pas vocation à faire ça. Depuis la rentrée de septembre, on a payé près de 20.000 euros de nuits d’hôtels. Ce n’est pas à la générosité citoyenne de prendre les responsabilités de l’Etat. Il existe une loi, c’est un droit, il doit être appliqué. »
A Lyon comme ailleurs
Le 18 décembre, 85 enfants étaient logés dans 19 établissements scolaires et chaque année, en moyenne, selon des estimations qui restent « bien en deçà de la réalité », entre 200 et 300 enfants se retrouvent sans hébergement à Lyon. Mais la situation n’existe pas que dans la capitale des Gaules. En décembre, 44 élus de grandes agglomérations françaises avaient écrit au gouvernement pour l’alerter sur l’hébergement d’urgence des enfants.
Pour le maire de Lyon, Grégory Doucet, la mobilisation de sa municipalité a marqué un vrai changement par rapport aux pratiques précédentes. « Pour la première fois, j’ai eu l’impression que cette année, c’était un sujet, a-t-il certifié. Avant, la police était envoyée dans les établissements et elle coupait le chauffage. » L’élu a alors promis que « la solidarité » était « une priorité » et qu’il y aurait des « actions de la ville pour qu’il n’y ait pas d’enfants à la rue ».
Raphaël Vulliez pense, quant à lui, que l’action menée depuis plus de huit ans par Jamais sans toit a permis le coup de projecteur régulièrement sur le phénomène lyonnais : « On a créé un maillage important de comités de soutien pour coordonner et mettre à l’abri les élèves mais aussi pour donner de la visibilité à ce problème. Les autres villes ont réagi plus récemment mais sont confrontées aux mêmes problématiques. »
Une situation « inédite »
Mais la situation actuelle locale reste « inédite », selon le membre du collectif, avec 262 enfants qui sont encore sans solution. « Depuis la création de Jamais sans toit en 2014, il n’y a jamais eu autant d’écoles qui ont accueilli autant d’élèves et pendant aussi longtemps », alerte-t-il.
« D’habitude, avec l’activation du plan grand froid du gouvernement, ce chiffre décroît avec les premières places qui ouvrent mais ce n’est pas le cas cette année », continue l’instituteur. D’après lui, ce serait les effets de la fin de l’aide de mise à l’abri déployée au moment de la crise sanitaire, qui s’est terminée en juillet 2022 et des places à l’hôtel moins disponibles depuis la relance touristique. Et surtout, un manque d’anticipation du gouvernement.
« On alerte depuis la rentrée des vacances d’été mais développer les budgets, des bâtiments, ça prend du temps, s’exclame le membre fondateur du collectif. D’autant plus que la politique prioritaire est le logement avec des places pérennes. On est alors dans un entre-deux qui est très fragile car on a encore besoin d’une politique d’urgence, surtout dans ce contexte de inflationnaire où encore plus de personnes se retrouvent en difficulté. »
La préfecture du Rhône défend de son côté la création de 4.050 places en dix ans et assure « travailler dans la perspective d’ouvrir davantage de places dans les prochaines semaines ». Elle souligne « la situation tendue » et appuie sur la nécessité de prendre « cette problématique du logement dans son ensemble » car « la solution n’est pas pérenne ».