Rennes : Quand la bricole des propriétaires rend dangereux les vieux immeubles
BIDOUILLE•Mercredi, un plafond s’est effondré dans un logement du centre ancien de Rennes, heureusement sans faire de victimeCamille Allain
L'essentiel
- Un immeuble a été évacué après l'effondrement d'une poutre au plafond mercredi 7 décembre à Rennes.
- Le centre ancien de la capitale bretonne est sous haute surveillance depuis qu'un rapport a établi l'état de dégradation de très nombreux bâtiments.
- En menant des travaux pas toujours adaptés, les propriétaires de ces petits logements ont fragilisé la structure bois de ces immeubles.
C’est un hasard de l’actualité dont la ville se serait bien passée. Mercredi matin, le plafond d’un petit immeuble du centre ancien de Rennes s’est effondré. Les deux étudiants qui occupaient ce logement n’ont heureusement pas été blessés. Mais la nouvelle de cet affaissement soudain fait tache dans une ville qui se vantait de son ambitieux programme de rénovation pas plus tard que lundi en séance du conseil municipal. Les élus rennais ont même voté en faveur du troisième volet du plan de sauvegarde du centre historique actant la rénovation de 100 immeubles d’ici 2030. Questionné au sujet du risque d’effondrement à Rennes comme ceux vécus à Lille ou Marseille, l’élu en charge du dossier s’était montré prudent. « On n’est jamais à l’abri d’une défaillance d’un immeuble. Mais j’ai la sensation qu’on a tout fait pour l’éviter », expliquait Didier Le Bougeant.
Si l’élu préfère ne pas s’avancer, c’est qu’il est parfaitement conscient des « horreurs » auxquelles ses services sont parfois confrontés quand ils inspectent des immeubles anciens. « Quand on enlève les cloisons, on voit souvent que les gens ont bricolé au fil du temps. Dans les murs en bois, on trouve de la brique, du béton. Ce sont ces modifications qui ont fragilisé l’enveloppe », explique Mélanie Barchino, chargée de mission à Territoires, société publique qui pilote le chantier du centre ancien.
En 2008, un rapport avait établi que 600 immeubles du centre historique étaient dégradés voire très dégradés. Pourquoi ? Parce que bon nombre des logements qu’ils abritent sont réservés aux étudiants et que les propriétaires ne s’embêtaient pas à les mettre aux normes. « De toute façon, ils les louaient, même quand l’appartement était bof », glisse-t-on à la municipalité. La forte tension sur ces petits logements n’a fait qu’accentuer le phénomène.
Un coup de peinture et hop...
Souvent achetés pour héberger leurs enfants pendant leurs études, ces appartements ont été divisés puis subdivisés, donnant lieu à des créations anarchiques de salle de bains ou de toilettes à des endroits où ils n’auraient jamais dû être. Ces logements étaient régulièrement retapés mais uniquement en superficie. Le carrelage était moche ? Collons-lui un lino, puis un stratifié dix ans plus tard. Le mur suinte un peu ? Un coup de peinture et on n’en parle plus. Le problème de ces bidouilles, c’est qu’elles ont ravagé la structure souvent de ces immeubles centenaires, en empêchant le bois de respirer. « Sur les sols, on a parfois découvert 60 centimètres de couches de béton et de planchers superposés », raconte Mélanie Barchino.
Souvent très coûteux, les travaux d’entretien des bâtiments ne permettent aux propriétaires de louer plus cher, puisque le bien n’est pas embelli. Un frein évident quand on sait que 70 % des logements du centre historique sont en location, parfois propriété de gens partis bien loin de Rennes. « C’était pire il y a vingt ans. On était à 80 % de bailleurs. On a réussi à ramener des propriétaires occupants, cela fait avancer les dossiers », assure l’élu socialiste Didier Le Bougeant. Pour faire respirer les boiseries, c’est désormais un mélange de terre et de chanvre qui est utilisé et un enduit à la chaux en extérieur pour le protéger. La recette secrète pour les sauver.