Fin de vie : C’est quoi exactement cette convention citoyenne ?
changement (ou pas)•A partir de ce vendredi, 150 citoyens tirés au sort vont débattre autour de l’opportunité de changer, ou pas, la loi existante, dite Claeys-Leonetti, qui interdit euthanasie et suicide assistéN.T. avec AFP
L'essentiel
- A partir de ce vendredi, plus de 170 citoyens tirés au sort vont participer à une toute nouvelle convention citoyenne sur le thème de la fin de vie. Les participants devront rendre des conclusions au printemps sur une évolution ou non de l’actuelle loi dite Claeys-Leonett.
- Côté politique, si les partis de gauche sont pour et la droite contre, il reste une incertitude autour de la position de la majorité présidentielle et du gouvernement.
- 20 Minutes fait le point sur cette convention citoyenne qui se réunit à partir de ce vendredi pour trois mois de débats et qui, selon ses organisateurs, ne fera « pas la loi » à la place du gouvernement.
Faut-il fournir « une aide active à mourir » aux malades incurables ? Cette question sera au centre de la nouvelle convention citoyenne sur la fin de vie qui débute ce vendredi. Actuellement, la loi dite Claeys-Leonetti interdit l’euthanasie et suicide assisté. Cette loi - adoptée en 2016 après une première version en 2005 - permet uniquement la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades incurables au pronostic vital engagé « à court terme » et aux souffrances inapaisables. 20 Minutes fait le point sur cette convention citoyenne qu’Emmanuel Macron avait lancé en septembre, dans la foulée d’un avis favorable à une évolution de la loi du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
Comment va s’organiser cette convention citoyenne ?
A partir de ce vendredi, près de 200 Français tirés au sort vont débattre pour savoir si « le cadre d’accompagnement de fin de vie est adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ». Calquée sur le modèle de celle qui s’était réunie sur le climat en 2019 et 2020, cette convention se réunira au cours de neuf sessions de trois jours - la première s’achevant ce dimanche - qui seront échelonnées pendant trois mois. Les conclusions des longs débats en vue seront livrées au gouvernement au printemps, sans pour autant des garanties sur leur mise en œuvre.
« On a 173 dossiers complets (de) citoyens qui ont bien dit qu’ils seraient là mais il n’est pas exclu qu’il y en ait un petit peu plus. Et ce ne sont pas eux (…) qui vont faire la loi », a prévenu lors d’une conférence de presse Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la convention au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Pour autant, leurs propositions auront vocation à être la « pierre angulaire » des débats prochains sur la fin de vie, sujet relancé par le président Emmanuel Macron au sortir de l’été.
Ces discussions ont lieu après que le CCNE a, pour la première fois, jugé envisageable une « aide active à mourir », à de « strictes conditions ». C’est également cet organisme qui va, avec le Cese, apporter un cadre aux débats et former les participants. Ils étudieront aussi la législation d’autres pays dont certains, comme la Belgique ou la Suisse, ont légalisé à des degrés divers l’euthanasie. « A la fin, c’est (…) l’exécutif qui fera ce qu’il a à faire en fonction de la manière dont a été alimenté ce débat national », a encore fait savoir Claire Thoury, le gouvernement menant aussi des consultations avec des parlementaires et des soignants.
Qui en pense quoi ?
Côté mouvements politiques, si toute la gauche est pour un changement législatif, au nom d’une « fin de vie digne » et de la liberté de choisir sa mort, lorsque la souffrance due à une maladie incurable devient insupportable, la droite et l’extrême droite y sont fermement opposées. Ces dernières s’inquiètent d’un risque de « banaliser l’euthanasie », et réclament une meilleure application de la loi actuelle et des soins palliatifs.
Pour la majorité présidentielle, la position sur la fin de vie est plus incertaine. Promis par Emmanuel Macron pendant sa campagne comme un outil de « consensus », le chef de l’Etat apparaît récemment plus tempéré, peut-être pour ne pas diviser. Il n’assistera pas à l’ouverture de la convention. Reste que, depuis plusieurs semaines, le gouvernement d’Elisabeth Borne insiste de plus en plus sur le fait que les futures recommandations ne serviront peut-être qu’à alimenter les réflexions.
Que dit le corps médical ?
La galaxie des soignants paraît au moins partagée, voire majoritairement hostile ou inquiète face à l’éventuelle légalisation d’une aide active à mourir. « Ces questions extrêmement complexes nous mettent en tension, nous, les médecins », avait observé en septembre Jean-François Delfraissy, président du Comité national d’éthique et immunologiste.
S’il avait jugé que « les médecins français au sens très large ont évolué sur ce sujet », le Pr Delfraissy avait évoqué les cas particuliers des équipes de soins palliatifs, avec lesquelles « il va falloir prendre le temps de la discussion ». Huit organisations de soignants ou d’établissements de soins palliatifs se sont ainsi alarmées d’un « changement éthique majeur ». « Donner la mort n’est pas un soin », a plaidé notamment la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), en insistant sur un accès élargi aux soins palliatifs.
L’Ordre des médecins, « pas favorable à l’euthanasie », a réclamé, en cas de changement de loi, une « clause de conscience ». A titre personnel, des médecins, qui ont témoigné anonymement d’euthanasies clandestines pour des proches ayant « supplié de les aider à mourir », ont appelé à cesser le « bricolage en douce » alors que « ça pourrait être fait proprement, par des médecins qui savent ce qu’ils font ».
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