Pourquoi la réforme du bac a renforcé la pression sur les notes

Lycée : Pourquoi la réforme du bac a renforcé la pression sur les notes

EDUCATION La part très importante de contrôle continu dans l’évaluation des élèves a changé la manière dont ils vivent leur scolarité en 1re et en terminale
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • La réforme du bac prévoit que les notes des bulletins comptent pour 40 % dans la note globale du bac, les épreuves dites terminales représentant les 60 % restants.
  • Ce qui génère une grosse pression tout au long de l’année de 1re et de terminale, car la moindre mauvaise note compte pour le bac. Et que les bulletins scolaires de l’élève seront scrutés sur Parcoursup.
  • Ce stress génère des stratégies de contournement des contrôles les plus difficiles chez certains élèves, et davantage de contestations de notes.

Les années lycées sont devenues une course d’endurance. La réforme du bac, entrée en vigueur à partir de 2021, prévoit que les notes des bulletins comptent pour 40 % dans la note globale du bac, les épreuves dites terminales représentant les 60 % restants. Désormais, toutes les disciplines qui ne font pas l’objet d’épreuves terminales sont évaluées en contrôle continu. Et il y en a beaucoup : les langues vivantes, l’enseignement scientifique (ou les maths en bac techno), l’histoire-géographie et l’éducation civique, l’éducation physique et sportive, les options et l’enseignement de spécialité que l’élève aura abandonné en 1re.

Impossible, donc, pour un élève de 1re de compter sur les derniers mois de l’année pour s’assurer d’une bonne note en bac de français et d’un passage en classe supérieure. Idem pour les élèves de terminale, qui doivent se motiver dès la rentrée. « Ceux qui se mettaient au boulot 3 mois avant l’examen, c’est fini », résume Olivier Beaufrère, secrétaire national du SNPDEN-Unsa, le principal syndicat des chefs d’établissements. D’autant que sur Parcoursup, les bulletins de 1re et celui du premier trimestre de terminale sont scrutés à la loupe. Ce qui instaure une concurrence entre les élèves pour décrocher une place dans les filières les plus demandées.

L’impression de ne pas avoir le droit à l’erreur

Pour le ministre de l’Education, le contrôle continu permet de valoriser la régularité du travail. Mais il génère aussi du stress chez de nombreux lycéens, comme l’observe Olivier Beaufrère : « Ils verbalisent une pression dès la classe de 1re. En plus, avec les enseignements de spécialité, ils découvrent une autre manière de travailler. » Certains ont l’impression de jouer leur avenir à chaque contrôle, constate Laurent Zameczkowski, président de la Peep (parents d’élèves de l’enseignement public) : « Ils considèrent chaque évaluation comme une épreuve du bac. Et la moindre mauvaise note est mal vécue. »

Des angoisses que les enseignants tentent de canaliser tant bien que mal, à l’instar de Claire Guéville, prof d’histoire-géo et secrétaire nationale responsable du lycée au Snes-FSU : « J’essaye de les faire relativiser en leur disant qu’ils auront une dizaine de notes au cours de l’année. Mais ceux qui ont des mauvais résultats dès le début ont l’impression que leur avenir s’assombrit et qu’ils n’obtiendront pas la formation qu’ils veulent sur Parcoursup. » Certains lycées prévoient d’ailleurs des mesures de soutien : « Dans mon établissement, nous mettons en place un tutorat entre élèves pour aider ceux qui sont en difficulté dès l’année de 1re », indique Olivier Beaufrère, également proviseur du Lycée Joseph Talma à Brunoy (Essonne).

Des stratégies pour éviter certains contrôles

L’appréhension des élèves aurait tendance à amoindrir leur plaisir d’apprendre. « Ils voient leur quotidien comme une course à la performance. Et la relation pédagogique en est dégradée », estime Claire Guéville. Le stress en pousse même certains à adopter des stratégies d’évitement pour ne pas risquer d’avoir une mauvaise note. « Certains sont absents lors de contrôles qu’ils jugent difficiles en produisant un certificat médical », indique un proviseur qui préfère rester anonyme et qui met en garde les élèves en chaque début d’année contre ce genre de pratiques. Dans un lycée parisien, un proviseur a aussi rappelé à l'ordre les élèves sur l'augmentation de la triche aux contrôles, rappelant au passage les sanctions existantes dans les cas de flagrants délits.

Autre tendance à la hausse : les réclamations autour des notes. Dans son rapport annuel présenté en juillet dernier, la médiatrice constatait une hausse des saisines concernent la notation et l’évaluation. « Elles sont 5 fois plus nombreuses qu’il y a cinq ans. L’introduction du contrôle continu pour les examens y a sans doute contribué ». Ce que constate aussi Claire Guéville : « Les élèves discutent davantage les notes et nous devons plus les justifier. » Les parents sont aussi plus nombreux à demander des comptes, selon Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-UNSA : « Ils nous contactent par Pronote pour demander des justifications. Dans mon lycée, on a fait une charte pour encadrer les pratiques. »

Les tentatives des profs pour limiter les contestations

Anticipant ces comportements, certains enseignants ont modifié leur manière de communiquer : « Ils retiennent les notes pour être tranquilles et ne les mettent sur Pronote qu’avant le conseil de classe », relève Laurent Zameczkowski. Reste que selon Claire Guéville, certains enseignants cèdent à la pression des familles : « Ils rajoutent des évaluations pour permettre aux élèves de se rattraper. Ou ont tendance à rehausser les notes. »



Pour aider les enseignants, le ministère de l’Education a publié en 2021 un guide de l’évaluation, afin « d’assurer l’égalité de traitement des élèves au sein d’un même établissement et entre établissements. » Des réunions d’harmonisation ont aussi lieu au sein de l’établissement. Ce qui « peut conduire à ce que la note portée dans le bulletin (qui, elle, ne change pas) ne soit pas la note finale comptabilisée dans le cadre du baccalauréat », précise le guide.