Coupe du monde 2022 : « Prout » des vaches et « bombe » climatique au menu d’une soirée anti-Mondial
TELE ETEINTE•A Menton, dans les Alpes-Maritimes, à l’heure de France-Australie, une association pour la préservation de l’environnement organisait une « soirée alternative » autour du jeu collaboratif La Fresque du climatFabien Binacchi
L'essentiel
- A Menton mardi soir, l’association Stand up for the Planet organisait une « soirée alternative » à l’entrée dans la compétition des Bleus, face à l’Australie.
- Elle proposait une Fresque du climat, un jeu de cartes collaboratif « qui permet de mieux comprendre les enjeux du rapport du Giec », le groupe d’experts intergouvernemental dont les conclusions sur le réchauffement climatique font froid dans le dos.
Deux salles, deux ambiances. Mardi soir à Menton (Alpes-Maritimes), sur l’esplanade des Sablettes, alors que les bars et restaurants avaient tous quasi exclusivement choisi de rester branchés sur TF1, pour l’entrée en compétition des Bleus, on faisait tout autre chose sous la voûte du club nautique. Sur place, aucune effusion de joie au moment des quatre buts marqués par Olivier Giroud et ses coéquipiers. Bien au contraire.
La « soirée alternative » organisée par Stand up for the Planet affichait la couleur en un hashtag : #BoycottQatar2022. A la place de la Coupe du monde de foot organisée dans le golfe Persique pour une « empreinte carbone de plus de trois mégatonnes de CO2 », l’association, qui organise notamment des séances de ramassage des déchets sur les plages, proposait une Fresque du climat. Un jeu de cartes collaboratif, explique le président Sébastien Uscher, « qui permet de mieux comprendre les enjeux du rapport du Giec », le groupe d’experts intergouvernemental dont les conclusions sur le réchauffement climatique font froid dans le dos.
« Il faut que ça change, les moyens, on les a »
Le parallèle avec le grand raout du foot, décrié pour son impact sur la planète, était tout trouvé. Le concept, ouvert à vingt personnes au maximum, en a finalement séduit dix ce mardi soir. Dont Joan, lui-même ancien joueur, quasi-professionnel, du ballon rond. Il s'en est détourné. « J’ai pris conscience de pas mal de choses. Et je peux comprendre que beaucoup de choses ne vont plus. Il y a trop de business. Alors cette Coupe du monde… Pour l’environnement, c’est une catastrophe. Il y a de quoi être un peu désabusé », lâche cet associé dans une agence de communication niçoise.
A ses côtés, Fabien, 39 ans également, assure pourtant que « les moyens, on les a » pour « que ça change ». « J’ai vu la nature être bouleversée. Je suis papa d’une petite fille et je veux lui apprendre à ouvrir les yeux », explique celui qui a préféré cette contre-soirée à « une invitation à regarder le match, avec bières et pizza ».
Réunis en cercle, les participants parlent brièvement de leur expérience. Il y a Jean-Louis, un ingénieur en biomécanique, « désespéré climatique » de 66 ans, Elisa, une podologue de 35 ans qui parle de la Coupe du monde au Qatar comme d’une « farce innommable » ou encore Géraldine, qui prône carrément une forme de « désobéissance civile ». « Avec des amis, on a commencé à créer un potager dans des jardins municipaux. On nous prend pour des cons, alors il faut bien agir », souffle la Mentonnaise de 53 ans. Elle attaque fort : « La réponse viendra de toute façon des citoyens. Il ne faut rien attendre de nos gouvernements. Ils sont tous maqués avec des lobbyistes. »
Le tour de table se termine par une minute de silence pour « les 6.750 travailleurs immigrés qui ont trouvé la mort sur les chantiers des infrastructures dédiées à accueillir la compétition ». « En plus de la catastrophe écologique, cette Coupe du monde est une catastrophe de corruption et une catastrophe humaine, tranche Sébastien Uscher. Les joueurs foulent des morts. Notre idée ici, c’était de reunir les gens qui s’en indignent et pas de stigmatiser ceux qui vont quand même regarder les matchs. »
« Agriculture » et « conflits armés »
Le rendez-vous mondial restera en filigrane de la soirée. Sur les deux grandes tables installées dans la voûte et recouvertes de papier à dessin, les 44 cartes de la Fresque du climat commencent à être positionnées. « Fonte des calottes glaciaires », « activités humaines », « baisse des rendements agricoles », « crues »… Quelles causes pour quelles conséquences ? Pour boucler le jeu, qui se termine sans gagnant, surtout pas la planète, il faut organiser la chaîne du réchauffement climatique. L’idée est de prendre conscience de son fonctionnement. Et de constater aussi de « véritables absurdités ».
Des absurdités qui font écho à l’actualité au Qatar. « J’ai entendu dire que les gens avaient froid dans les stades parce qu’ils allumaient la climatisation alors qu’il ne fait que 25 degrés. Ça parait incroyable », souffle Pascale, une « vieille écolo » de 65 ans, psychomotricienne « quasiment à la retraite » de son état.
La fresque se déroule. Les feutres glissent entre les cartes. Les participants les utilisent pour lier le tout par un système de flèches et y ajouter quelques illustrations : une vache et son « prout » autour de l'« agriculture », une « bombe » prête à exploser sous les « réfugiés climatiques », les « famines », les « conflits armés » et la « santé humaine »… Certains en sortiront « déprimés », d’autres ne seront pas surpris par le schéma qui s’est dessiné.
Samedi à 17 heures, pendant France-Danemark, l’association Stand up for the Planet remettra le couvert avec une nouvelle alternative en visio. La diffusion du film En quête de sens précédera un débat. Puis, le 30 novembre, à l’heure de France-Tunisie, un nouvel atelier sera programmé autour du livre 2030 Glorieuses. Et si les Bleus vont au-delà du premier tour ? Sébastien Uscher réfléchira à d’autres contre-soirées. En attendant, son association a déjà prévu de reverser 500 euros à la WWF, 50 euros pour chaque participant.
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