Violences faites aux femmes : Des défilés prévus samedi contre « l’impunité des agresseurs »
lutte•« Cinq ans après #MeToo, nous constatons que la majorité des situations restent toujours aussi difficiles à régler », ont souligné des syndicats dans un courrier commun adressé à Elisabeth Borne20 Minutes avec AFP
Elles veulent « crier leur colère » face aux dysfonctionnements de la justice et aux discours politiques qui « défendent les agresseurs ». Des dizaines de milliers de manifestantes - et manifestants - sont attendues ce samedi dans toute la France pour réclamer une « loi-cadre » contre les violences sexistes et sexuelles.
Dans les commissariats, les tribunaux ou au sein des partis politiques, « les derniers mois ont prouvé à quel point la parole des victimes de violences de genre était remise en cause », s’insurgent les organisatrices de la mobilisation. « Ce qui nous met en colère, c’est l’impunité des agresseurs et le mauvais traitement réservé aux victimes » lorsqu’elles déposent plainte, explique Maëlle Noir, membre de #NousToutes qui coordonne l’organisation des défilés.
Cinq ans après l’émergence du mouvement #MeToo, « les violences sexistes et sexuelles restent massives » et les politiques publiques « pas adaptées à l’enjeu », affirment les organisatrices dans leur appel à manifester, signé par près de 90 associations, syndicats ou partis de gauche. L’exaspération des organisations féministes est donc toujours aussi vive, alimentée par le nombre élevé de féminicides - déjà 100 depuis le début de l’année d’après un collectif associatif, contre 122 l’an dernier selon les chiffres officiels –, et… par la frilosité du monde politique à écarter certains responsables accusés de violences envers les femmes.
« On continue de déplacer ou de licencier la victime »
« Cinq ans après #metoo, nous constatons que la majorité des situations restent toujours aussi difficiles à régler », ont pour leur part souligné dans un courrier commun la CGT, FO, la CFTC, la FSU, Solidaires, la CFDT, l’UNSA et la CFE-CGC. Les syndicats l’ont adressé jeudi à la Première ministre Elisabeth Borne, l’interpellant également « sur la nécessité d’avancer concrètement » par un bilan des mesures en place et de nouvelles propositions comme un baromètre sur le ressenti des travailleurs.
« Au lieu de suspendre, puis de sanctionner le salarié mis en cause, on continue souvent de déplacer, discréditer, voire placardiser ou licencier la victime, déplorent-ils. Les politiques de prévention sont encore souvent inexistantes ou insuffisantes dans la majorité des entreprises, administrations, collectivités et établissements publics. Il y a rarement des dispositifs formalisés de signalement et d’enquête, associant les représentant(e) s du personnel. »
Les syndicats réclament « une table ronde multilatérale pour réaliser un bilan et identifier les nouvelles dispositions à adopter », alors que « sans moyens dédiés ni prérogatives clairement définies », les référent(e) s harcèlement sexuel et agissements sexistes mis en place en 2018 « cumulent cette charge avec celle d’élu(e) au CSE ou au comité social et ne disposent pas de crédits d’heures de formation spécifique »,
Au global, les procédures pourraient finalement bientôt évoluer : en vertu de nouvelles dispositions approuvées mercredi par les députés, les femmes victimes pourront à l’avenir déposer plainte en visioconférence si elles le souhaitent, et être assistées d’un avocat lors de cette procédure. L’Assemblée nationale a également durci les peines encourues par les auteurs d’outrages sexistes, notamment de harcèlement de rue.
Le nombre de viols enregistrés a doublé
Pour l’heure, les associations féministes se désolent des « classements sans suite et peines dérisoires » décidées par la justice et fustigent les « procès-bâillon » intentés par « des hommes puissants, connus, accusés de viol », qui attaquent en diffamation leurs accusatrices pour les « réduire au silence ».
Pour lutter contre les violences, elles réclament un budget public de deux milliards d’euros par an, mais aussi une « loi-cadre » qui instaurerait notamment des « brigades et juridictions spécialisées », une aide financière pour la « mise en sûreté » des femmes victimes, 15.000 places d’hébergement supplémentaires dédiées, ou encore le renforcement de l’éducation à la vie sexuelle et affective à l’école.
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Car les faits dénoncés sont de plus en plus nombreux : entre 2017 et 2021, le nombre de viols ou tentatives de viols enregistrés par le ministère de l’Intérieur a doublé, passant de 16.900 à 34.300. Les victimes ont davantage tendance à dénoncer des faits anciens, explique le ministère, qui y voit aussi le signe de la « libération de la parole ». Une expression qui exaspère désormais les associations, car « les femmes ont toujours parlé, mais elles ne sont pas écoutées », pointe Maëlle Noir.
Samedi, à Paris, le cortège partira à 14 heures de la place de la République et rejoindra celle de la Nation. Des manifestations sont également prévues à Marseille, Nice, Toulouse, Lille, Strasbourg, Rennes, Nancy ou Dijon, notamment.