Les villes taurines vent debout contre la proposition d’interdire la corrida
tradition•Pour les élus, la corrida « porte des valeurs universelles »20 Minutes avec agences
Du Pays basque aux Bouches-du-Rhône, des Landes au Gard… les villes taurines se mobilisent pour défendre la corrida, « culture vivante » au poids économique important, qu’une proposition de loi du député Aymeric Caron (LFI), examinée ce mercredi en commission, veut abolir. A Alès, Arles, Auch, Bayonne, Béziers, Dax, Istres, Langon, Mont-de-Marsan, Nîmes, Pau, Perpignan des marches d’élus de tous bords, d’aficionados et amateurs de traditions locales, sont annoncées samedi dans une douzaine de préfectures ou sous-préfectures. L’objectif ? « Déposer une motion de défense de la liberté culturelle » dans ces régions « aux jeux taurins ancestraux », explique André Viard, président de l’Observatoire national des cultures taurines, co-organisateur.
Une proposition qui a peu de chances d’aboutir
Bien qu’elle divise la majorité, la proposition de loi du parlementaire parisien Aymeric Caron, soumise au vote de l’Assemblée le 24 novembre si l’ordre du jour le permet, a peu de chances d’aboutir. Reste qu’elle passe très mal dans les villes de férias, ces fêtes du sud de la France imprégnées de culture espagnole qui drainent passionnés de tauromachie, habitants et touristes. « Le député Caron, sur un terrain très moralisateur, veut nous expliquer - vu de Paris - ce qui est bien ou mal pour les gens du sud. Or, les députés ne sont pas élus pour démanteler les diversités des territoires mais pour les défendre », fustige le maire (SE) de Mont-de-Marsan, Charles Dayot, vice-président de l’Union des villes taurines de France.
Au cœur du département des Landes, qui compte le plus d’arènes en France (une quinzaine accueillant des corridas/novilladas et des dizaines d’autres pour les courses landaises), environ huit spectacles sont organisés chaque année dans celles du Plumaçon. Pour les fêtes de la Madeleine en juillet, « on a perdu quelques abonnés, comme dans les théâtres, depuis le Covid. Mais les corridas restent excédentaires, un des rares spectacles vivants à ne pas coûter d’argent au contribuable », poursuit l’édile.
« L’heure est grave »
Avec « plusieurs millions d’euros de recettes » dans les arènes centenaires de Dax (8.000 places), elles permettent de « financer une partie des férias » du 15 août, qui attirent 800.000 personnes, confirme le maire (Divers centre) de la ville, Julien Dubois. En 2020 et 2021, quand le Covid a annulé les fêtes, des corridas y ont été maintenues en demi-jauge. La tauromachie, c’est « notre identité, une culture vivante. Qu’on nous laisse vivre avec nos traditions ! », plaide l’élu. Même son de cloche à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), dont le maire (PS) Emmanuel Hanon voit dans la proposition de loi un « premier rouage », avant de « s’en prendre au gavage des canards à foie gras, à la chasse, la pêche… »
« L’heure est grave », clame une motion municipale adoptée à Nîmes, où la corrida moderne est présente depuis 1853 et où les férias génèrent « près de 60 millions d’euros de retombées ». « La corrida porte des valeurs universelles : sociales, esthétiques et même éthiques. Elle n’est ni un sport, ni un jeu. Elle est plus qu’un spectacle. Elle n’est pas tout à fait un art, ni vraiment un rite. Elle emprunte à toutes ces pratiques et ces valeurs qui en font la culture même », affirment les élus.
« Une pratique indigne et moralement inacceptable »
Un discours inaudible pour les anti-corrida, comme Sophie Maffre-Baugé, présidente du Comité de liaison biterrois pour l’abolition des corridas, qui fustige le « soutien indéfectible » du maire de Béziers, Robert Ménard, « à cette pratique indigne et moralement inacceptable ». « Et si c’était un chien, accepteriez-vous qu’il soit tué "au nom de la tradition" ? », interroge une affiche contre la proposition de loi diffusée par la Société protectrice des animaux.
« Qui aime la tauromachie ne voit pas un animal souffrant, mais un animal qui a vécu libre et combat jusqu’à la mort pour défendre sa liberté », répond le philosophe Francis Wolff, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure et auteur d’un ouvrage défendant la corrida, « culture très difficile à comprendre pour qui est extérieur ». Pour lui, si une telle loi passait, « les gens d’ici auraient le sentiment qu’on leur arracherait une part d’eux-mêmes ».
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