DECOUVERTEEn Mayenne, le Refuge de l’Arche recueille les animaux exotiques abandonnés

« Il y a autant d’histoires que d’animaux… » Le Refuge de l’Arche face aux urgences animales

DECOUVERTEOuvert au public, le parc installé à Château-Gontier en Mayenne accueille les animaux sauvages abandonnés, maltraités ou saisis par la justice. L’activité ne désemplit pas
En Mayenne, le Refuge de l'Arche accueille les animaux exotiques abandonnés
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Créé en 1974, le Refuge de l’Arche abrite quelque 1.300 animaux, la plupart exotiques, sur son site de Château-Gontier en Mayenne.
  • Tous ont été abandonnés ou retirés à leur propriétaire par la justice.
  • Le site, qui n’a presque plus de place pour de nouveaux pensionnaires, craint un pic d’activité ces prochaines années.

A première vue, il ressemble à un zoo classique avec son vaste parking, sa billetterie, sa boutique et, surtout, ses allées peuplées d’un millier de pensionnaires en enclos. D’ailleurs, comme bon nombre des zoos, il fait le plein de visiteurs depuis le début des vacances de la Toussaint. Pourtant, non, le Refuge de l’Arche, à Château-Gontier (Mayenne), n’est vraiment pas un zoo comme les autres. Dans ce parc animalier créé en 1974, l’ensemble des animaux ont été abandonnés ou retirés par la justice à leur propriétaire. Fauves, singes, antilopes, reptiles, oiseaux… Certains y resteront quelques semaines avant d’être confiés à une structure partenaire, mais la plupart y finiront leurs jours « le plus paisiblement possible ».

« Il y a ici autant d’histoires qu’il y a d’animaux, souvent des cas compliqués », insiste Jean-Marie Mulon, nouveau directeur du Refuge de l’Arche. Dans une démarche de « sensibilisation », l’établissement n’hésite d’ailleurs pas à raconter ces « parcours atypiques » à ses 85.000 visiteurs annuels. Comme celui du lion blanc Safran, saisi chez un particulier près de Niort, de l’ourse Martha, malheureuse dans l’enclos bétonné d’un zoo, de ces babouins et macaques crabiers, sauvés de laboratoires expérimentaux, ce python molure devenu bien trop grand pour l’appartement où il vivait, ou encore de ces 12 buffles et quatre dromadaires détenus illégalement par un éleveur bovin… Dernières arrivées en date : trois cigognes blanches confiées au refuge à la suite de la fermeture du parc zoologique de l’Orangerie à Strasbourg.

« Il y a des phénomènes de mode »

« On récupère des animaux traumatisés, victimes de maltraitance ou contraints de quitter leur environnement du jour au lendemain. Il faut donc s’adapter, leur laisser le temps de reprendre confiance », rapporte Armelle Lagarde, directrice adjointe. « Chez nous, si l’animal a envie de s’isoler à l’abri des regards, il peut le faire, ajoute Jean-Marie Mulon. Les enclos et loges sont conçus exprès pour ça. C’est frustrant pour nos visiteurs mais on leur explique et ils comprennent. » Malgré les soins attentifs, des séquelles demeurent parfois. « On a un ours, Bony, qui est arrivé chez nous mutilé par un montreur d’ours, raconte Eric Moeglen, médiateur culturel. L’autre jour, un groupe d’écoliers s’est approché en faisant du bruit. Ça a déclenché chez lui une réaction. Il est parti se cacher dans un coin, terrorisé, refusant de se nourrir. Les animaux ont évidemment des émotions, comme les humains. »


Le parc animalier Le Refuge de l'Arche recueille aussi des oiseaux, à l'image de ce perroquet.
Le parc animalier Le Refuge de l'Arche recueille aussi des oiseaux, à l'image de ce perroquet.  - L.Hobe /Refuge de l'Arche

Aujourd’hui « quasi-complet » sur ses 23 hectares, le Refuge de l’Arche, qui dispose aussi d’un centre de sauvegarde pour la faune sauvage locale, au sein duquel sont pris en charge des animaux retrouvés blessés dans la nature, s’est rempli au rythme d’une société de consommation pas toujours soucieuse du bien-être animal. « Il y a des phénomènes de mode, comme celui des importations illégales de singes magots, ou celui des nouveaux animaux de compagnie (NAC) », observe Jean-Marie Mulon. « Ils sont achetés dans les animaleries ou sur Internet, poursuit Armelle Lagarde. Les propriétaires ne se rendent pas compte des responsabilités que ça peut engager ou, au bout d’un moment, ne peuvent plus s’en occuper. Les perroquets ça peut vivre jusqu’à 80 ans, par exemple. » En juillet dernier, deux impressionnants pythons royaux ont ainsi été retrouvés dans une forêt mayennaise, « probablement libérés par un propriétaire dépassé ».

L’accueil des animaux de cirque, prochain enjeu

« Nous n’avons pas la place, ni les installations spécifiques pour répondre à tous les besoins. Voilà d’ailleurs pourquoi il n’y a pas de reproduction sur le site [les arrivants sont systématiquement stérilisés]. Mais on cherche toujours une solution. On travaille ainsi avec toutes les associations », indique Jean-Marie Mulon. Le directeur s’inquiète des conséquences de l’inflation. « Si les gens n’ont plus de quoi nourrir leurs animaux, il risque d’y avoir un pic d’abandons », craint-il. Il anticipe aussi l’interdiction de détention d’animaux sauvages dans les cirques d’ici à 2028. « Plus de 500 animaux sont concernés, principalement des grands fauves. Il faudra leur trouver des capacités d’accueil dans toute la France. On s’y prépare déjà. »


Nourrissage d'un ouistiti au parc animalier Le Refuge de l'Arche, en Mayenne.
Nourrissage d'un ouistiti au parc animalier Le Refuge de l'Arche, en Mayenne. - L.Hobe

Dans ce contexte, le Refuge de l’Arche, qui emploie 32 salariés, cherche en permanence à développer ses moyens. Ses recettes proviennent principalement des billets d’entrée (48 %) et des subventions publiques (26 %). « On a développé une offre restauration pour le public, on a des produits dérivés, le tarif d’entrée passera aussi bientôt de 12 à 13 euros. Mais on ne veut pas aller beaucoup plus loin dans le développement commercial, ce n’est pas notre ADN », confie Jean-Marie Mulon. Il n’hésite pas, alors, à communiquer sur l’importance des dons. Une nouvelle campagne sera lancée ces prochains jours.

« Les dons sont l’un des leviers pour nous permettre de renforcer nos actions, insiste le directeur. Ce refuge, c’est une merveilleuse aventure. Elle a été lancée il y a bientôt cinquante ans, à une époque où on ne parlait pas d’environnement, ni de bien-être animal, dans les médias. Il faut absolument qu’elle se poursuive. »