Un stade mixte, « parce qu’il n’y a pas que les garçons qui font du foot »

Strasbourg : Un stade mixte, « parce qu’il n’y a pas que les garçons qui font du foot »

GENREUne Strasbourgeoise a imaginé un terrain de foot customisé dans le but de promouvoir la mixité dans le sport, le stade vient d’être inauguré
Gilles Varela

Gilles Varela

L'essentiel

  • Pensé par une habitante de Strasbourg dans le cadre de la première saison du budget participatif, un terrain de foot a été « customisé » et une journée spéciale était organisée pour son inauguration mercredi.
  • Objectif : promouvoir la mixité dans le sport.
  • Sur le stade public, ouvert à tous, garçon et filles apprécient cette initiative, même certains préjugés restent bien encrés.

Des joueuses du Racing, des filles et garçons de tout âge, des ateliers, des éducateurs, des élus… Il y avait de ferveur autour du « nouveau » stade Alice Millat, un stade public ouvert à tous, dans le quartier du Wacken, à Strasbourg. Et bien plus de filles qu’à l’habitude, beaucoup plus, et ce n’était pas un hasard. Pensé par une habitante de Strasbourg dans le cadre de la première saison du budget participatif, le terrain de foot synthétique a été « customisé » et une journée spéciale était organisée pour son inauguration ce mercredi. Objectif : promouvoir la mixité dans le sport. Situé sur l’île aux sports, au pied du Parlement européen, c’est tout un symbole. Tout comme le nom choisit : le stade Alice Millat, (1884-1957), sportive et championne française, militante du combat pour la reconnaissance du sport féminin au niveau international.

Des panneaux violets (couleur non genrée, explique une élue), des slogans, des messages positifs… Quelques filets de buts sont également violets. « C’est plus joli, explique une jeune footballeuse de 12 ans. Il n’y a pas que les garçons qui jouent au foot », lâche la jeune fille.


Nouvelle identitée visuelle au stade nouvellement baptisé Alice Millat à Strasbourg le 02 novembre 2022
Nouvelle identitée visuelle au stade nouvellement baptisé Alice Millat à Strasbourg le 02 novembre 2022 - G. Varela / 20 Minutes

Un stade customisé, imaginé et souhaité après un vote citoyen en ligne, dont l’objectif est de donner la place aux femmes sur les terrains de foot de la ville, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, pour y jouer ensemble ou séparément, en amateur comme en professionnels, explique la ville. Rencontrés près du terrain, cela n’évoque pourtant pas grand-chose pour Marek et Romain, deux copains qui sont venus tuer le temps autour d’un ballon. Pas encore la quinzaine, ils sont la preuve vivante qu’il reste beaucoup de travail à faire : un terrain mixte ? « C’est des buts plus grands pour pas tirer à côté ? », sourit l’un d’eux. Les sous-entendus, timides, naissent et se multiplient, même si l’un d’eux se fait tacler par un autre copain qui leur rappelle les « perfs » de l’équipe de France féminine. Un peu plus loin, Théo et Antonin, trouve ces nouvelles « couleurs plutôt bien » , même s’ils ne semblent pas persuader que cela va faire évoluer les mentalités.



« Franchement, c’est pas facile pour une fille seule de venir ici jouer au foot, il n’y a que des garçons, mais il y en a eu une qui venait », se rappelle Antonin, preuve que l’exception ne fait pas toujours la règle. S’ils apprécient les couleurs et les messages positifs le long de la main courante, ils attendent surtout mercredi prochain et la fin de l’agitation pour pouvoir récupérer le stade. « C’est bien que les filles jouent aussi au foot, surtout quand elles jouent bien. C’est bien cette opération, mais il vaudrait mieux organiser des petits matchs avec elles que d’avoir des panneaux, avance Théo. Les choses bougent un peu, dans les clubs il y a de plus en plus d’équipes féminines, et il y a de plus en plus de femmes arbitres, surtout dans FIFA. » « Oui, c’est bien mais bon, s’inquiète Antonin. S’il y a trop de filles qui viennent sur ce terrain, il y aura moins de place pour nous, il n’y en a déjà pas assez. »


Les joueuses du RCSA mènent  des ateliers avec les jeunes des quartiers environnants
Les joueuses du RCSA mènent des ateliers avec les jeunes des quartiers environnants - G. Varela / 20 Minutes

De la place, « les garçons vont devoir apprendre à partager, c’est un enjeu sociétal, insiste Owusu Tufuor, adjoint en charge du sport, des équipements sportifs et de loisirs de Strasbourg. On est dans une société où la mixité doit être le mot d’ordre. Ce n’est pas parce qu’ils sont là les premiers que les filles n’ont pas accès au terrain. Le peu d’espace que nous avons, il faut apprendre à le partager ». Pour l’élu, les 15.000 euros investis pour la nouvelle signalétique, c’est un beau geste de la ville pour encourager les filles à pratiquer un sport, quel qu’il soit. « Il y a un vrai déficit des filles dans le sport » , détaille-t-il. Un signe : « Dans les demandes de bourses d’aides à la licence de sport, c’est 35 % de demandes féminines quand c’est 65 % pour les garçons. l’écart reste énorme. Il y a toujours le débat de la place des filles dans la société. Ce n’est qu’un début. Mon rêve est que les filles prennent d’assaut cet équipement », conclut l’élu.