DEUILPrès d’Angers, les cendres des défunts déposées dans les racines des arbres

Angers : Dans ce grand parc, les cendres des défunts déposées dans les racines des arbres

DEUILCréé en 2004, le parc des Arbres de mémoire est un site unique en France
Près d'Angers, aux Arbres de mémoire, les cendres des défunts déposées dans les racines des arbres
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • A Pruillé, près d’Angers, les Arbres de mémoire propose aux proches des défunts ayant choisi la crémation d’enfouir les cendres au pied d’un arbre du parc.
  • Unique en son genre en raison d’une modification du cadre juridique, le site a déjà été plébiscité par environ 300 familles et les demandes affluent. 20 Minutes vous le fait découvrir à l’occasion de la Toussaint.

«C’était un homme introverti qui aimait être au calme. Quelqu’un de proche de la nature. Il avait son coin de pêche, pas très loin d’ici… » Il y a deux ans et demi, Clarisse avait la douleur de perdre son mari, des suites d’un cancer. Mais cette mère de famille de la région angevine n’imaginait pas du tout le voir reposer dans un cimetière, un endroit « froid » qui rend « mal à l’aise », selon elle. Par hasard, aidée de sa fille, elle s’est alors rendu compte qu’à une dizaine de kilomètres de chez elle se trouvait un parc funéraire privé unique en France. Appelé Les Arbres de mémoire, il propose de déposer les cendres du défunt (au préalable placées dans une urne biodégradable) au cœur des racines d’un arbre, individuel ou familial. « C’est important pour se recueillir, assure Clarisse, venue mardi avec sa petite chienne. Même si c’est dur, je sais qu’il est bien ici. Pour nous, les proches, c’est très important. »

Proposer une solution nouvelle à certaines familles endeuillées, voilà l’objectif que s’était fixé Réginald Freuchet il y a près de vingt ans. Avec son père aujourd’hui décédé, il a acheté un terrain agricole de cinq hectares à Pruillé pour y lancer ce projet atypique. « On avait récupéré l’urne contenant les cendres d’un ami brutalement disparu, qui n’avait laissé aucune volonté, rapporte le directeur. On s’est alors dit que planter un arbre à l’occasion d’un décès, comme certains le font quand survient la naissance d’un enfant, ça pouvait être quelque chose de magnifique aussi pour le deuil. La pratique était déjà très répandue, en Suisse ou en Allemagne. »


Au parc des Arbres de mémoire, près d'Angers, le
Au parc des Arbres de mémoire, près d'Angers, le  - J. Urbach/20Minutes

Concrètement, les familles peuvent réserver à l’avance un arbre déjà planté ou en choisir un au moment du décès (pour un contrat de 90 ans au prix de 3.900 euros). Une douzaine d’essences sont proposées, du chêne au ginkgo biloba en passant par le cèdre. Une petite cérémonie est organisée pendant laquelle les proches peuvent tour à tour s’exprimer et jeter une pelletée de terre. Conformément à un règlement intérieur, ils sont autorisés à décorer le pied de l’arbre sur un mètre environ. Une petite plaque, nominative ou non, peut aussi être installée.

Le cadre juridique a changé

A l’heure où la crémation ne cesse d’augmenter dans le pays, pour approcher les 40 % des décès aujourd’hui, les demandes « arrivent tous les jours, et de toute la France », assure-t-on ici. Mais le parc angevin, qui abrite déjà les cendres de 300 familles pour qui l’inhumation, le placement en colombarium ou en jardin du souvenir ne convenaient pas, n’est aujourd’hui pas en mesure de se dupliquer ailleurs pour répondre à cette attente, au grand dam de son fondateur.

« A l’époque, en 2004, il n’y avait pas de statut juridique qui encadrait les cendres funéraires, rapporte Réginald Freuchet. Mais les politiques s’en sont emparés et la loi a changé en 2008 [date à laquelle par exemple il n’est plus autorisé de conserver une urne funéraire chez soi], pour davantage les considérer comme des dépouilles humaines. Nous pouvons donc continuer à exploiter le lieu car il a été ouvert avant 2005, mais impossible d’en créer de nouveaux. Depuis, j’ai toujours espoir que les choses bougent, que le concept puisse se multiplier, d’autant qu’il promeut l’écologie. »

Ces prochains jours, à l’occasion de la Toussaint, de nombreuses familles se retrouveront à déambuler dans ce grand parc accessible 24h sur 24, sans voiture ni allées bitumées, dans lequel se croisent aussi des oiseaux ou des biches. Sur place, l’objectif est de planter un millier d’arbres afin de « léguer aux générations futures une grande forêt de mémoires, tout en participant à la biodiversité ». Au pied de celui de son époux, Clarisse sait déjà que c’est aussi là qu’elle reposera. « Ma fille aussi y pense, confie-t-elle, cachée derrière ses lunettes de soleil. Dans ces cas-là, je lui réponds : ça va, ça va, tu as le temps… »