Marseille : Pour se faire enterrer en ville, il faut jouer des coudes
TOUSSAINT•Les cimetières marseillais affichent complet et il devient de plus en plus compliqué d’y trouver une concession. Consciente du problème, la mairie a préempté plusieurs terrains pour créer de nouvelles places
Alexandre Vella
L'essentiel
- A Marseille, familles de défunts et société de pompes funèbres peinent à trouver des places.
- En cause : la surmortalité des décès liés au Covid-19 et l’absence d’anticipation, explique la mairie.
- Cette dernière préempte des terrains pour augmenter les capacités et réfléchit à un changement de réglementation.
Il faut un peu de patience, à Marseille, avant d’accéder au repos éternel. Difficile, en effet de trouver une place dans un cimetière. « Dire que c’est compliqué ? C’est un euphémisme », sourit Christine, employée d’Accueil funéraire, un service de pompes funèbres du 15e arrondissement, dans les quartiers nord. « Il y a de place nulle part, les gens ne peuvent plus acheter de concessions à moins d’entrer sur liste d’attente. C’est difficile pour les familles, on a l’impression de les prendre en otage… », avance-t-elle. Surtout, les places font défaut là où les personnes décèdent le plus. « Dans le 15e arrondissement, on ne peut plus s’y faire enterrer, il faut aller à la Valentine ou à Saint-Pierre », poursuit-elle. Deux quartiers assez éloignés... et plus aisés. Une situation qui a conduit Christine à faire elle-même le chauffeur, par respect pour « une mamie de 85 ans qui, sans ça, devait prendre deux bus puis marcher pour visiter son mari ». Et faute de concessions, les familles des défunts « se rabattent sur une cave, dans les cathédrales du silence », ces murs dans lesquels sont logés des alvéoles funéraires.
A Marseille, 10.000 personnes environ décèdent chaque année, selon la mairie. Parmi elle, un bon tiers se fait incinérer, mais les rares places « sont rapidement occupées », explique Hattab Fadhla, conseiller municipal en charge des cimetières. Et la crise sanitaire n’a pas aidé. « Il y a eu beaucoup de décès », complète l’élu. Conscient de ce problème de places où puissent reposer nos proches et aînés, la mairie s’est lancée dans diverses opérations d’agrandissement. Un terrain a été dernièrement préempté aux Trois Lucs, dans le 12e arrondissement. Un autre aux Aygalades, au nord de la ville, devrait voir la création de 1.000 places. Avec des espaces multiconfessionnels et d’autres dédiés. « Nous avons créé un carré musulman avec 147 concessions à Saint-Marthe (14e), assure Hattab Fadhla. Un israélite de 300 places à Vaudrans (12e). On est en train de résorber le problème ». Et d'estimer « que rien n’avait été anticipé [par l’ancienne municipalité] ».
Vers la fin des concessions perpétuelles ?
Pour récupérer davantage de concessions que les 300 arrivants à expiration chaque année, la ville réfléchit également à un changement de règlement : en finir avec queqlues unes des 3.000 concessions perpétuelles. « Cela permettrait de récupérer celles qui ne sont plus entretenues et dont les familles ne possèdent plus de descendants. A la place, nous garderions le système des concessions de 15, 30 ou 50 ans, et en les rendant renouvelables. » Cette opération permettrait « un grand nettoyage » des cimetières, pointés comme étant « sales et mal entretenus », par notre professionnel du secteur. Certaines « Terres communes », ces espaces provisoires où sont enterrés les défunts avant de rejoindre les ossuaires au bout de cinq ans, seront également proposées aux familles en concessions. « Pour une de trente ans, il faut compter environ 5.000 euros », renseigne Christine. Et attendant, pour se faire enterrer à Marseille, il faut jouer des coudes.
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