Marseille : L’industrie du tourisme face au défi de « l’acceptabilité » des populations
COHABITATION•La France est la première destination touristique au monde. Réunis à Marseille autour de la ministre du tourisme, élus et acteurs de cette industrie se sont écoutés parler de « tourisme positif »Alexandre Vella
L'essentiel
- Ce jeudi s’est tenu à Marseille un colloque pour « un tourisme positif ».
- L’occasion pour les acteurs de la filière de travailler « à l’acceptabilité » des flux touristiques par les populations locales.
Cocorico ! Avec près de 90 millions de visiteurs accueillis en France, le pays aux 67 millions d’habitants reste encore et toujours la première destination touristique au monde, selon les statistiques du gouvernement. Le secteur bat des nouveaux records, laissant l’épisode Covid-19 derrière lui. Un motif de satisfaction dans la relative morosité actuelle d’une économie soumise à une forte inflation qu’ont exprimé élus et acteurs de la filière réunis à Marseille ce jeudi autour de la ministre du Tourisme, Olivia Grégoire.
Organisé par la Fédération nationale des organismes institutionnels du tourisme, cette convention était intitulée « pour un tourisme positif ». De fait, ce titre suggère aussi qu’il puisse exister « un tourisme négatif », engendré par cette filière qui contribue à hauteur de 8,5 % du PIB de la France (soit près de 190 milliards d’euros), selon les données du World Travel and Tourism Council. En Paca, ou « région Sud », comme préfère l’appeler le président de région Renaud Muselier, la deuxième la plus visitée après l’Île-de-France, cette contribution atteint « 20 milliards d’euros pour 13 % de la richesse régionale produite » annuellement. Une industrie de surcroît « non-délocalisable », s’est réjouie Renaud Muselier.
« Mort aux valises à roulette »
Et il semblerait que la première réponse apportée aux éventuelles nuisances causées par ce tourisme de masse soit d’abord d’ordre sémantique : « Arrêtons de parler de surtourisme, mais parlons de pic de fréquentation », a encouragé François de Canson, vice-président de la région Paca, en charge notamment du tourisme et président du comité régional du tourisme. Plus tard à la tribune, se sont succédé des intervenants de la filière, faisant état de la nécessité « de travailler l’inconscient collectif », « d’arrêter le tourisme bashing », de la douloureuse « question de l’adhésion » des populations et de celle de « l’acceptabilité d’un tourisme qui peut être vécu comme intrusif ».
Car là se situe bien un des nœuds du problème que peut constituer la relation visiteur-visité, notamment dans les centres urbains où les locations meublées de courtes durées se multiplient. Le quartier du Panier à Marseille en a déjà fait les frais tandis qu’aujourd’hui ce sont les très dynamiques Cours-Ju - la Plaine qui semblent rencontrer un problème contre lequel la mairie tente de sévir. « Mort aux valises à roulette », peut-on lire, d’ailleurs, ces temps-ci sur des affiches fraîchement collées dans le quartier. Une pression touristique nuisible pour la capacité des habitants à simplement habiter leur ville, et qui n’est pas propre qu’à Marseille, mais qui a également des résonances en Bretagne ou en Corse.
Autres fournisseurs de contingents touristiques en ville, les croisiéristes, qui sont plusieurs millions chaque année à débarquer quelques heures sur les rives de la Méditerranée, sont aussi dans le viseur des habitants, notamment pour leurs émissions de particules fines. Ce jeudi, à Marseille, les principaux armateurs ont signé ce même jeudi une charte visant à améliorer la situation en Méditerranée. La ville et la région financent également le dispositif « escale zéro fumée » avec l’électrification des quais pour que s’y branchent les ferries à l’arrêt, quoique certains à Marseille, pour l’essentiel réunis dans le collectif « Stop croisière » souhaiteraient voir les croisiéristes ne plus accoster du tout.
Au-delà de la bataille sémantique cherchant à emporter l’adhésion des populations, des dispositifs expérimentaux sont testés, comme la mise en place d’un système de quota pour la calanque de Sugiton ou l’île de Porquerolles. « Il n’y a aujourd’hui plus aucun problème entre habitants, restaurateurs et touristes liés à cette fréquentation », assure François de Canson. Pour la ministre Olivia Grégoire, qui reconnaît que « la pression touristique peut rendre parfois difficile la coexistence entre la quantité de touristes et les habitants », « il est important de mieux réguler ».
« Je crois qu’il faut regarder ce qui est positif », préfère opposer François de Canson. Il n’est pas écrit, au-delà des initiatives et investissements pour diminuer l’impact environnemental du tourisme, que cette « positivité » ne se termine pas dans certains centres urbains en fronde anti-touristes, comme cela existe à Barcelone depuis plusieurs années. Les acteurs en semblent toutefois conscients et affirment y travailler. Ce sera d’ailleurs l’un des objets de la prochaine réunion du comité de filière le 7 novembre prochain.