Pouvoir d’achat : « Mes enfants ne vont plus déjeuner à la cantine que deux jours par semaine »
Votre vie votre avis•Beaucoup de nos lecteurs parents subissent de plein fouet la hausse des tarifs de la restauration scolaire…Delphine Bancaud
L'essentiel
- D’après l’Observatoire de la Peep paru la semaine dernière, 55 % des familles estiment que le prix de la restauration scolaire dans le public a augmenté cette année.
- Dans le privé, cette impression est encore plus forte, de nombreuses collectivités territoriales ne participant pas aux frais de restauration scolaire pour les élèves de ces établissements.
- Face à cette situation, certaines familles n’ont pas inscrit leurs enfants à la cantine ou limitent drastiquement les jours de repas dans l’établissement. Un phénomène qui pourrait encore s’amplifier dans les prochains mois.
La cantine n’est pas à la portée de toutes les bourses en cette rentrée. L’inflation, la flambée du tarif de certaines matières premières et l’augmentation des prix de l’énergie ont fait bondir le coût des repas pour les entreprises de restauration, qui les facturent plus chers aux collectivités. Selon l’AMF, l’association des maires de France, leur prix a ainsi augmenté de 5 à 10 % à cette rentrée, même si de nombreuses collectivités ont fait le choix d’assumer une partie du surcoût.
Une hausse ressentie par les parents, car d’après l’Observatoire de la Peep paru vendredi dernier, 55 % des familles estiment que le prix de la restauration dans le public a bel et bien augmenté. « Le coût du repas est de 5,68 euros, contre 5, 01 l’an passé. Si je le pouvais, je les retirerais de la cantine, car ça revient trop cher », confie Sophie, mère de deux enfants, qui a répondu à notre appel à témoins. « Je paie le prix fort, 6 euros par jour de cantine. Financièrement c’est très compliqué », constate aussi Laurène.
Dans le privé, l’addition encore plus salée
Dans le privé, la hausse est encore plus marquée, de nombreuses collectivités territoriales ne participant pas aux frais de restauration scolaire pour les élèves de ces établissements. Et le prix de la cantine peut même être un frein à l’inscription, comme l’a déclaré Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, lors de sa conférence de presse de rentrée : « Face aux difficultés, un grand nombre de familles ont renoncé à inscrire leurs enfants dans nos établissements - quand elles ne les désinscrivent pas –, ne pouvant faire face aujourd’hui aux coûts de restauration et de transports scolaires… ».
Mais pour ceux qui tiennent mordicus à ce que leurs enfants soient scolarisés dans le privé, la solution la plus viable est parfois de faire l’impasse sur la cantine. C’est le choix d’Anne-Sophie, mère de trois collégiens : « Les repas sont trop chers (entre 5 et 6 euros par enfant). Je suis cheffe d’entreprise agricole, j’ai donc aménagé mon emploi du temps pour faire des allers-retours tous les jours afin de les faire déjeuner à la maison, qui est à 12 km de leur collège ». Suleya, mère de deux garçons, a elle décidé de limiter les jours de cantine : « Je paie déjà 240 euros par mois pour leur scolarisation, auxquels j’ajoute 192 euros juste pour deux jours de cantine par semaine. »
« J’ai arrêté de mettre ma fille à la cantine le lundi »
Des familles dont les enfants sont scolarisés dans le public ont aussi décidé de ne plus inscrire leur enfant à la cantine, ou seulement certains jours. Comme Coralie, qui vit à Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne) : « J’ai arrêté de mettre ma fille à la cantine le lundi, car les tarifs ont augmenté de 50 %. » Laura, mère de deux enfants à Villers le lac (Bourgogne-Franche-Comté), a eu le même réflexe lorsque le tarif du déjeuner, combiné aux frais de garde pour la pause méridienne, est passé de 7,60 à 8,40 euros. « Ça a été le coup de trop. D’autant que ma ville ne fait pas varier le tarif selon le coefficient familial. Mes enfants ne vont plus déjeuner à la cantine que deux jours par semaine. Cela vaudra bientôt aussi cher de les envoyer à la cantine qu’au restaurant du coin ! », s’insurge-t-elle.
D’autres n’ont pas encore pris la décision de retirer leurs enfants de la cantine, mais pourraient le faire en cours d’année. Selon un sondage Ifop pour le syndicat national de la restauration collective (SNRC) * paru en septembre, quatre parents sur dix envisageraient de baisser le nombre de repas pris à la cantine en cas de trop forte hausse. « Ils savent que les tarifs entre les entreprises de restauration collective et les collectivités peuvent être renégociés à la hausse en cours d’année », rapporte Isabelle Fery, secrétaire générale de la Fédération Peep. Ce qui n’a rien d’improbable, puisque le SNRC appelle à une augmentation d’au moins 7 % des prix contractuels des repas proposés aux collectivités.
Arrêter de travailler pour limiter les frais
Plus grave : certaines mères envisagent purement et simplement d’arrêter de travailler pour pouvoir faire déjeuner leurs enfants à la maison. A l’instar d’Elodie, mère de 4 enfants à Oberhausbergen (Bas-Rhin) : « Les repas sont facturés 4,95 euros quels que soient les revenus des familles. Il faut ajouter les frais de garde pour la pause méridienne, qui peuvent aller de 2 à 8 euros, selon le coefficient familial. Je suis seule avec 4 enfants et je travaille à temps partiel, mais je n’y arrive plus. Entre la cantine et la garderie du soir, je frôle les 300 euros. J’envisage d’arrêter de travailler pour mieux m’en sortir financièrement », confie-t-elle. Fatima, mère de 2 enfants, est dans le même état d’esprit : « Avec la cantine et le centre de loisirs dont le tarif a très fortement augmenté, j’envisage d’arrêter de travailler en 2023 ».
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