Carnet noirLe sociologue Michel Pinçon est mort à l’âge de 80 ans

Michel Pinçon, sociologue spécialiste des ouvriers et des riches, est mort à 80 ans

Carnet noirLe chercheur a coécrit 27 livres avec son épouse, Monique Pinçon-Charlot
20 Minutes avec AFP

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Michel Pinçon, 80 ans, ancien directeur de recherches au CNRS, s’est éteint lundi à son domicile en région parisienne. Le sociologue, qui avait commencé sa carrière en se spécialisant dans le monde ouvrier avant de se tourner vers les hautes fortunes, avait été touché par la maladie d’Alzheimer, a précisé son épouse, Monique Pinçon-Charlot. L’essentiel de son œuvre a été écrit en collaboration avec elle. « Je dis toujours que nous avons écrit 27 livres à quatre mains », témoigne-t-elle. Leurs ouvrages de référence s’appellent Dans les beaux quartiers (PUF, 1989) ou encore Les Ghettos du gotha (Seuil, 2007).

Né le 18 mai 1942 à Lonny, un village des Ardennes, Michel Pinçon a grandi dans une famille ouvrière. « Il a été passionné, habité par la sociologie depuis son enfance, avec son origine ouvrière de la vallée de la Meuse, et son attachement à l’État providence qui donnait à des enfants comme lui la possibilité de faire ses études », a expliqué son épouse. Michel et Monique se sont rencontrés en 1965 lors de leurs études à Lille. « Ça a été un coup de foudre réciproque, entre deux boiteux qui avaient des névroses de classe inversées », se souvient Monique Pinçon-Charlot, qui est d’origine bourgeoise, fille d’un magistrat.

Histoire d’une volte-face

Fascinés par la sociologie de Pierre Bourdieu, qui fut leur professeur à l’université de Lille, ils ont fait une longue carrière de chercheurs à partir des années 1970. « Michel a toujours été habité par cette volonté de comprendre les injustices, qu’elles soient sociales, économiques, et surtout symboliques, celles dont il a le plus souffert lui-même », a expliqué son épouse.

Michel Pinçon avait d’abord publié deux livres sur les milieux populaires, dont un en 1982 (Cohabiter) à l’issue d’une longue enquête en immersion dans une cité HLM de la banlieue de Nantes. Puis, constatant le désintérêt de leurs collègues sociologues pour les plus favorisés, le couple avait choisi de prendre le contre-pied en se plongeant dans la vie des familles fortunées. Grâce à l’entremise d’un collègue issu de cette classe sociale, Paul Rendu, ils avaient pu s’entretenir avec et partager un peu la vie des très riches, dont ils étaient extrêmement critiques.

Critique de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron

« Vivant pour l’essentiel dans leurs quartiers et dans des espaces protégés, les classes privilégiées n’ont guère de contacts avec les autres groupes sociaux », écrivent les auteurs de Dans les beaux quartiers. Depuis leur retraite en 2007 et l’abandon de leur obligation de réserve, les Pinçon-Charlot ont pris des positions parfois vivement critiquées, pour une taxation des riches surtout.

Les deux sociologues ont par ailleurs publié des pamphlets contre deux présidents de la République. Ce fut Nicolas Sarkozy en 2010, dans Le Président des riches : enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy. Puis Emmanuel Macron en 2019, dans Le Président des ultra-riches : chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron.



Le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel, sur Twitter, a rendu « hommage à ce compagnon de route, grand sociologue, qui n’a eu de cesse, avec Monique, de décrypter les rapports de domination sous toutes ses formes ». « Michel Pinçon n’a jamais fait semblant d’être neutre », a pour sa part écrit le maire socialiste de Marseille, Benoît Payan.