Grasse : Or blanc, le jasmin est l’une des fleurs star des parfumeurs
PARFUM•A Grasse, où la culture des plantes à parfum suscite un regain d’intérêt ses dernières années, le jasmin est l’une des stars. « 20 Minutes » s’est rendu dans une exploitation où sa récolte dure plusieurs moisFabien Binacchi
L'essentiel
- Sur les coteaux de Plascassier, un village de Grasse entre mer et montagne où Carole Biancalana cultive les 4 ha du Domaine de Manon, la récolte du jasmin a commencé à la fin du mois de juin, à cause de la sécheresse.
- « Nous travaillons tous les matins, de 7 heures à 11 heures, et pas plus tard sinon le soleil brûle la cire végétale », explique une cueilleuse.
«Vous sentez ? Il y a des parfums de banane, d’amande, de noix de coco, de litchi, de pêche, d’ananas. Et puis on a surtout beaucoup de poire en ce moment. En fin de saison, il y aura même des notes de fraise. Et il faut traiter les fleurs très vite pour en garder toutes les propriétés. » Malgré la sécheresse, qui a fait fleurir ses plans plus tôt cette année, le jasmin de Carole Biancalana exprime une complexité étourdissante. Forte de quelque 260 composés chimiques qui se révèlent dans les parfums. Sur les coteaux de Plascassier, un village de Grasse entre mer et montagne où cette productrice cultive les 4 ha du Domaine de Manon, la récolte a commencé à la fin du mois de juin.
« D’habitude, c’est plutôt juillet, voire août, explique celle qui a repris l’exploitation familiale il y a une vingtaine d’années. Et on va continuer jusqu’au mois d’octobre, peut-être même début novembre. » Un travail quotidien puisque des boutons éclosent tous les matins et « très minutieux car il ne faut pas endommager les fleurs en devenir », souffle Véronique, l’une des cueilleuses du domaine. Elle précise : « Nous travaillons le matin, de 7 heures à 11 heures, et pas plus tard sinon le soleil brûle la cire végétale. »
Une petite fleur fragile, cible d’un nuisible
Exploitée depuis le XVIIe siècle sur les collines grassoises, la petite fleur est précieuse et fragile. « Il faut la mettre dans un panier en osier aéré et assez large pour ne pas qu’elle macère », dit Carole Biancalana. Cet or blanc est aussi la cible d’un nuisible.
« La pyrale du jasmin nous embête. Et comme nous sommes en agriculture bio, il a fallu trouver des solutions. Le trichogramme [un micro-hyménoptère] semble être bien efficace contre ce papillon », indique Carole Biancalana. Très investie dans la filière du parfum à Grasse, dont le savoir-faire est inscrit depuis 2018 au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco, la patronne a créé l’association Les Fleurs d’exception du Pays de Grasse qui a développé un « FabLab » où des expérimentations sont menées.
A peine récoltées, aussitôt transformées
Et pour l’instant, les plans du Domaine de Manon se portent bien. « Mais avec le jasmin, il faut aller très vite. Les fleurs sont directement livrées après la récolte et transformées tous les jours dans une usine de Grasse », appuie Carole Biancalana, qui réserve la totalité de sa production, également de la rose centifolia et de la tubéreuse, à Dior. « Nous avons noué un partenariat exclusif en 2008 et ils ont sauvé mon exploitation », assure la spécialiste, issue d’une famille de producteurs depuis quatre générations.
En dégringolade pendant une bonne partie du XXe siècle, affaiblie par la pression foncière, la culture de la plante à parfum a repris du poil de la bête grâce aux maisons de luxe, en quête de made in France. En 2018, interrogé par 20 Minutes, Jean-Pierre Leleux, ancien maire de Grasse et à l’origine du classement à l’Unesco, rappelait que la ville était passée de « 1.200 à 1.300 ha concernés dans les années 1930 » à seulement « 80 ha aujourd’hui », mais qu’elle suscitait désormais un « regain d’intérêt ». Avec de nouveaux terrains rendus disponibles dans le PLU [Plan local d’urbanisme] de la ville.