Pénurie de conducteurs de bus : « On tourne un volant mais on fait surtout marcher sa tête », apprécie Andy
METIER•Andy Vinet est conducteur de bus à Nantes depuis deux ans et demi. A contre-courant des idées reçues, il raconte pourquoi il aime cette profession en tensionJulie Urbach
L'essentiel
- Le métier de conducteur de bus est particulièrement recherché, et ce partout en France. A Nantes, Andy Vinet a accepté de raconter à 20 Minutes les inconvénients mais aussi les avantages de la profession.
- Ce père de famille, qui « toujours aimé la conduite », apprécie aussi la « vraie responsabilité » que représente le transport de passagers.
Il exerce l’un des métiers les plus recherchés en ce moment dans le pays. Et semble tellement s’y retrouver que lui-même se demande pourquoi les milliers de postes de conducteurs de bus à saisir partout en France n’attirent pas davantage. Car depuis deux ans et demi, Andy Vinet se plaît à arpenter la trentaine de lignes de la Tan, le réseau de transport en commun nantais, qui recherche une centaine de recrues cette année. « Ce que j’aime, c’est varier les parcours, en découvrir de nouveaux, surtout quand ça roule bien, sourit le trentenaire, qui confie n’avoir plus besoin du petit boîtier GPS pour le guider. J’ai quand même des lignes que j’aime un peu moins, comme la 85. Elle n’a rien de spécial mais c’est là-bas que j’ai passé mon permis, alors je ne supporte plus trop la route ! »
En reconversion après douze années dans le BTP, Andy Vinet a « toujours aimé la conduite ». Moto, voiture, engin de chantier… Son attirance pour l’univers des transports l’a mené assez naturellement vers la Semitan, qui l’a formé en interne (trois mois pour passer le permis D puis un mois pour connaître le réseau et l’entreprise) et propose désormais exclusivement des postes en CDI à ceux qui viendront étoffer son équipe de 1.400 conducteurs. Mais le métier va bien au-delà de savoir manœuvrer un engin de 18 mètres de long. « On tourne un volant mais on fait surtout marcher sa tête », assure le jeune homme d’une voix calme. « Transporter des gens, des personnes âgées, des enfants, c’est une vraie responsabilité », apprécie-t-il, quand d’autres choisiraient peut être le mot de « pression ».
« Les "Merci, au revoir", je trouve ça super »
Car dans sa cabine, interdiction d’écouter de la musique : il faut « être carré et concentré ». Sur la route, d’abord, entre les nombreux vélos, scooters ou voitures « qui ne comprennent parfois pas qu’avec un véhicule aussi imposant que le nôtre on est parfois obligés de forcer un petit peu ». Sur ses passagers, aussi, dont les comportements à bord se suivent mais ne se ressemblent pas… « J’aime parler avec la clientèle, donner des renseignements, confie Andy Vinet. Quand on me remercie pour ma conduite, ou quand les gens lancent "Merci, au revoir" avant de descendre, je trouve ça super ! Cette politesse, ça compte beaucoup. » Pour autant, et comme le dénoncent fréquemment les syndicats, le conducteur fait aussi face à des incivilités. « Il y a deux semaines, j’ai fait descendre un monsieur entre deux arrêts, illustre-t-il. Il hurlait, toutes sortes d’insultes ! Dans ces cas-là, ou quand on accumule du retard, il faut savoir rester calme. Prendre le temps de souffler deux minutes. »
Alors que les plannings contraignants (horaires matinaux ou tardifs, ou forte amplitude) sont parfois mis en avant pour expliquer le manque de main-d’œuvre, Andy, lui, y voit tout de même des avantages. Car s’il travaille régulièrement le samedi et/ou le dimanche, « je profite un peu plus de la vie de tous les jours quand je suis libre en semaine », avance ce père de deux enfants, fan de bricolage, qui aimerait désormais être formé à la conduite des tramways.
Une disponibilité dont tout le monde ne peut pas faire preuve mais qui se retrouve sur sa fiche de paie, avec des primes d’activité venant s’ajouter « aux 1.800 euros nets que touche chaque mois un conducteur la première année, et qui évoluent assez rapidement dès la deuxième année », assure Philippe Groux, responsable recrutement à la Semitan. Des salaires « à revaloriser à hauteur de l’inflation », demande cependant régulièrement, notamment ces dernières semaines, l’intersyndicale de l'entreprise.