La justice enquête sur l’IHU dirigé par Didier Raoult

La justice enquête sur l’IHU dirigé par Didier Raoult

CONTROVERSEUn nouveau rapport accablant des dérives médicales et scientifiques, mais aussi de management, dont plusieurs pouvant « relever d’une qualification pénale »
20 Minutes avec AFP

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La justice va enquêter sur les dysfonctionnements à l’IHU de Marseille au temps où il était dirigé d’une main de fer par Didier Raoult, après un second rapport accablant qui a poussé lundi le gouvernement à saisir la justice.

Dans un rapport sévère publié lundi, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et son homologue pour l’enseignement supérieur et la recherche (IGESR) relèvent une série de dérives médicales et scientifiques, mais aussi de management, dont plusieurs pouvant « relever d’une qualification pénale ».

Ce rapport « met en lumière des dysfonctionnements graves » au sein de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection (IHU-MI), créé en 2011 et dirigé par le Pr Didier Raoult jusqu’à fin août. « Plusieurs éléments » sont « susceptibles de constituer des délits ou des manquements graves à la réglementation en matière de santé ou de recherche », écrivent les ministres Sylvie Retailleau et François Braun dans un communiqué commun. Ils précisent avoir saisi le parquet de Marseille.

« Risque sanitaire pour les patients »

Lundi soir, la procureure de Marseille Dominique Laurens a indiqué à l’AFP avoir ouvert une information judiciaire, sans plus de détails. Contacté par l’AFP, l’IHU de Marseille n’a pas souhaité réagir dans l’immédiat.

Sont pointées « certaines pratiques médicales et scientifiques (…) ne respectant pas la réglementation en vigueur et pouvant générer un risque sanitaire pour les patients », des « dérives dans les pratiques de management pouvant générer harcèlement et mal-être au travail » et des « dérives dans la gouvernance ». Une dégradation progressive de la situation financière de l’établissement est aussi mentionnée.

Ce rapport, diligenté par l’exécutif, couvre un champ plus large qu’un précédent, déjà cinglant, publié il y a quelques mois par l’Agence du médicament (ANSM) qui avait déjà saisi la justice. Des extraits de sa version préliminaire avaient été divulgués début juillet par La Provence et Mediapart.

L’hydroxychloroquine dans le viseur

Les inspecteurs relèvent que des patients soignés à l’IHU pour le Covid-19 ou la tuberculose se voyaient administrer des « molécules en dehors de leur autorisation de mise sur le marché ». Ces prescriptions comprenaient par exemple un traitement à base d’hydroxychloroquine, interdit depuis mai 2020. Malgré l’inefficacité de ce médicament contre le Covid, Didier Raoult s’en est fait le promoteur depuis le début de la pandémie et a acquis une notoriété mondiale.

Le rapport confirme aussi que des médecins de l’IHU ont été sous pression de leur direction pour prescrire ce traitement, ou de l’ivermectine, autre médicament aux bénéfices anti-Covid jamais avérés.

Pour les recherches cliniques, le rapport dénonce « des manquements graves (…) jusqu’à une période très récente (fin 2021-début 2022) » : plusieurs études ont ainsi été conduites sans respecter les dispositions du code de la santé publique pour les recherches impliquant la personne humaine.

Retraité depuis l’été 2021 de son poste de professeur d’université-praticien hospitalier, Didier Raoult a quitté récemment la tête de l’IHU Méditerranée. Depuis le 1er septembre, l’institut est piloté par le Pr Pierre-Edouard Fournier, un spécialiste des maladies infectieuses issu de l’institution et qui a travaillé sous l’égide du Pr Raoult. Sa nomination a suscité des critiques, en interne comme en externe, comme ne marquant pas une rupture suffisante.