Marseille : Pour lutter contre le harcèlement à la plage, la ville teste une appli
REPORTAGE•Safer plage, tel est le nom de l’application testée depuis le 1er août par la ville de Marseille sur la plage du Prado pour y combattre le harcèlementAlexandre Vella
L'essentiel
- Safer Plage est une application testée à Marseille pour lutter contre le harcèlement à la plage.
- Plus d’une jeune femme sur trois a déjà été confrontée à pareille situation.
- Pour l’heure, l’appli est testée sur une des 21 plages de la ville, avec l’ambition de généraliser le dispositif pour l’été prochain.
«Oh, toi si je t’avais connu, je t’appellerais miam miam ». Mathilde n’est pas arrivée depuis une heure à la plage avec Adria et Leïla, ses deux copines, que la remarque a fusé. « Le problème ce n’est pas tant qu’ils essayent de nous parler sans qu’on les sollicite mais que ça ne se gêne pas pour faire des remarques directes sur le physique. Ils sont trop à l’aise », ajoute son amie Adria. « C’est relou d’être une femme. On se sent vulnérable », poursuit Mathilde. Quelques instants après cette discussion, revoilà, le jeune homme en question qui, avec un ami, vient étendre sa serviette à un mètre de celle des jeunes femmes. Soupirs.
Selon un sondage réalisé par Yougov à l’été 2021, 46 % des jeunes femmes de 18-24 ans ont déjà été confrontées à du harcèlement, et près de 36 % des 25-34 ans. Ainsi, 55 % d’entre elles, déclarent hésiter à se rendre seules à la plage, par peur. De fait, « l’effet de groupe est rassurant », abonde Laurène, venue faire bronzette, justement, avec deux amies. « Ici, ça va encore comparé au Vieux-Port le soir, ou même à Paris », dont sont originaires les trois jeunes femmes.
Faire en sorte que les femmes se sentent un peu plus à l’aise et en sécurité
Sur la plage du Prado, la plus grande de Marseille et située dans le sud de la ville, la mairie teste une application pour tenter si ce n’est d’endiguer le phénomène, de faire en sorte que les femmes se sentent un peu plus à l’aise et en sécurité. « Une ville qui se dit féministe doit être une ville plus sûre pour les femmes. C’est notre responsabilité de faire quelque chose », explique Nathalie Tessier, l’élue communiste du Printemps Marseillais, en charge du droit des femmes à la mairie. C’est elle qui a piloté ce projet dont l’idée née à l’occasion du festival Marsatac, qui s’est déroulé début juin à Marseille. « Les organisateurs du festival se sont rendu compte que les femmes pouvaient être importunées, harcelée, voire davantage. Alors, pour l’édition 2022, ils avaient fait appel aux créateurs – des Marseillais – de l’application Safer », rembobine l’élue. « Et on s’est dit que c’était une bonne idée à mettre en place pour l’été ». Lors du festival, plus de 3.000 téléchargements de cette application ont eu lieu. Ni la ville, ni les créateurs ne communiquent des chiffres sur le nombre de signalements effectués, un bilan est prévu à la rentrée.
« Un vieux mec s’est installé à côté et a commencé à se toucher… »
Son fonctionnement est simple : Elle vous géolocalise et vous y renseignez votre numéro de téléphone. Il existe ensuite trois niveaux d’alerte sur lequel appuyer. Je suis gêné.e, je suis harcelé.e et je suis en danger. Il existe aussi la possibilité d’intervenir comme témoin. Dès lors qu’un de ces « boutons » est pressé, les informations sont remontées, au poste de secours de la plage du Prado où se trouvent des policiers municipaux et des sauveteurs. « Une équipe vient alors immédiatement vous chercher », explique Nathalie Tessier.
Pour l’heure, et si toutes les jeunes femmes rencontrées ont trouvé l’idée excellente, l'application reste méconnue. Aucune des personnes rencontrées n’en avait eu vent. De discrètes affiches ont été placardées sur les cabanes de plages, faites pour se changer et des équipes d’associations féministes sont présentes deux fois par semaine pour faire de la prévention et tenter de faire connaître le dispositif. Celui-ci devra être étendu à l’ensemble des 21 plages de la ville l’été prochain.
Si cette application fait figure de dispositif curatif, de jeunes Marseillaises, installées un peu à l’écart sur les rochers de la digue, ont trouvé une parade préventive. « Clairement, si on s’installe ici, c’est pour s’éviter ces situations », constatent Margot et Elisa. « Mais même là, il y a parfois un shlag qui vient. Il y a deux semaines, par exemple, un vieux mec s’est installé à côté et a commencé à se toucher… », raconte la jeune éducatrice marseillaise. « Il faut que ces applications se développent », souhaitent-elles.
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