EN POLE POSITION (2/6)Les ailes brisées d'Amélia Earhart, aviatrice au destin tragique

Les ailes brisées d'Amélia Earhart, pionnière de l'aviation au destin tragique

EN POLE POSITION (2/6)« 20 Minutes » et le site RetroNews vous proposent cet été de découvrir les pionniers et les pionnières de l’automobile et de l’aviation. Aujourd’hui, nous vous racontons le destin fabuleux mais néanmoins tragique d’Amélia Earhart, pionnière de l’aviation
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Pour vous divertir sur votre serviette de plage ou lors de votre pause en rando, 20 Minutes, en partenariat avec RetroNews le site de presse de la BnF, vous propose une série d’articles sur les pionniers et les pionnières de l’aviation et de l’automobile.
  • Retour sur le destin fabuleux mais néanmoins tragique d’Amélia Earhart, pionnière de l’aviation dont les aventures ont captivé la presse de l’époque durant plus de dix ans.
  • Disparue dans le Pacifique en 1937, son destin passionne aujourd’hui encore. Il y a peu encore des recherches étaient engagées pour tenter de retrouver son avion.

21 mai 1932, quelque part dans le ciel à l’ouest des îles britannique. Des flammes se dégagent du moteur de son Lockheed Vega, un avion monoplan. De l’essence s’épand dans la carlingue de l’avion piloté par Amélia Earhart. Voilà plus de dix heures qu’elle survole l’Atlantique. Malgré la fatigue, la pionnière de l’ aviation reste l’esprit clairvoyant. Elle se déroute et parvient à atterrir, saine et sauve dans un champ en Irlande. L’exploit est retentissant. Partie de Terre-Neuve (Canada), et si Paris était visée à l’origine, l’Américaine de 35 ans vient de boucler une traversée de l’Atlantique nord en solitaire.

« J’ai l’orgueil de mon sexe »

« Elle sourit en racontant ses aventures, elle sourit même en parlant du danger qu’elle a couru, elle sourit en se rappelant combien elle a été près de tomber en mer dans son avion en flammes. Elle sourit toujours car dans ce corps à l’apparence frêle et délicate se cache une âme forte ». Ce 31 mai 1932, le reporter de Match ne manque pas de mots pour saluer la prouesse accomplie par Amélia Earhart.

Cinq ans après Charles Lindbergh, la jeune aviatrice Amélia Earhart est devenue la première femme à traverser en solitaire à bord d’un avion l’Atlantique. Dans un monde d’hommes, la jeune femme, née en 1897 au Kansas, fascine. « Je ne suis point féministe dans le sens politique du mot », explique-t-elle à son interlocuteur, « mais j’ai l’orgueil de mon sexe ».



Amélia Earhart, rapidement surnommée « Lady Lindy », en référence à son homologue masculin (Charles Lindbergh) dont elle partage, selon la presse de l’époque, certains traits physiques, peut paraître jouer avec le feu ; elle n’a pourtant rien d’une tête brûlée. Elle a suivi des cours d’aviation dès 1921 avant de franchir les seuils par palier. La haute altitude d’abord, avec un vol à 4.300 mètres - une première féminine déjà - puis une transatlantique en équipage et une traversée du continent américain en solitaire en 1928 – encore une première féminine –, quatre ans avant son vol qui la propulse à nouveau en Une des journaux dont elle est habituée depuis une dizaine d’années et son premier record.

Son caractère insatiable, la pousse à envisager sans cesse de nouveaux défis. D’autant plus que le public est au rendez-vous. Car l’aviatrice, mariée à un éditeur, écrit également des livres à succès : 20 Hrs. 40 Min : Our Flight in the Friendship (Notre vol dans l’amitié), publié en 1928 et qui relate sa traversée en équipage de l’atlantique, puis The fun of it, (La partie plaisir) en 1932, un essai plus personnel.

Des enjeux commerciaux pour le transport de passager

Dès 1936, elle commence à nourrir un projet ambitieux : réaliser un tour du monde par l’équateur, qu’elle envisage, dans un premier temps d’accomplir seule. « Une performance d’utilité parfaitement commerciale » et « la plus extraordinaire aventure qu’ait jamais risquée un aviateur », relève L’Excelsior du 21 juin 1936. L’époque est alors à la conquête du ciel pour le transport de passagers encore largement dominé par le rail et les paquebots. Pour ce nouvel exploit, la native du Kansas s’est d’ailleurs procuré un Lockheed L-10 Electra, baptisé « Laboratoire volant » par la pilote, « un avion de transport à peu près semblable à tous ceux qui circulent sur les lignes commerciales américaines », fait remarquer Amélia Earhart au journaliste.

Elle décolle vers l’ouest le 1er juin 1937 de Miami. Après 32.800 kilomètres et des escales à Porto Rico, au Venezuela, au Suriname (alors Guyane Hollandaise), au Brésil, Sénégal, Erythrée, en Inde et Birmanie puis Java, l’Australie et la Nouvelle Guinée, la jeune femme a bouclé les trois quarts du parcours. Il lui reste à affronter sans doute la partie la plus compliquée : la traversée du pacifique et une étape de plus de 4.000 kilomètres qui doit la mener sur l’île d’Howland, minuscule point dans l’immensité de l’océan.



Le 2 juillet au soir, accompagnée par le pilote américain Fred Noonan, Amélia Earhart s’envole vers son destin. Un destin tragique. La pionnière de l’aviation et son pilote disparaissent corps et biens à tout jamais. Dès le lendemain, la presse s’emballe et se passionne pour cette disparition. Dans son édition du 4 juillet Le Matin titre « Amélia Earhart et son navigateur n’ont pas encore été retrouvés », Paris-Soir abonde, toujours en en Une « Amelia Earhart perdu dans le Pacifique ». Sous-titré d’un message de détresse qui aurait été capté : « Je n’aperçois pas la terre et n’ai plus qu’une demi-heure d’essence ». « C’était hier (19h12, heure universelle), puis plus rien », conclut le quotidien développe ensuite en page 5 cette information, à côté d’une pleine page consacrée à la montée du nazisme et au réarmement de l’Allemagne.

Durant les jours qui suivent d’importants moyens de recherche sont déployés. On la croit un temps recueillie par un navire anglais, puis réfugiée sur un atoll des îles Phoenix. Son mari finance des expéditions jusqu’au mois d’octobre, avant de se rendre à l’évidence. Preuve que longtemps encore on espéra, l’aviatrice ne fut officiellement déclarée décédée que dix-huit mois plus tard.

Des recherches jusqu’en 2019

En août 2019, Robert Duane Ballard, un scientifique maritime américain, également originaire du Kansas et a qui l’on doit la découverte de l’épave du Titanic, se lança au défi de retrouver le Lockheed L-10 Electra. Sans succès. De nombreuses théories circulent aujourd’hui encore, notamment à propos d’ossements retrouvés sur l’île de Nikumaroro. Il est plus probable, cependant, que l’océan garde à jamais son secret.

Amélia Earhart, elle, a légué à l’humanité un pan de l’histoire. « L’aventure pour elle-même est une chose qui en vaut la peine », avait-elle écrit. Je vous laisse avec une autre de ces citations : « [Les femmes] reçoivent plus de gloire que les hommes pour des exploits semblables. Mais, également, les femmes reçoivent plus de notoriété lorsqu’elles se crashent ». Enfin, laissons la conclusion à Walter J. Boyne, un pilote de l’US Air force et auteur de livres : « Amélia Earhart était sans doute arrivée en avance sur son temps ». Si elle était bien en avance, disons qu’elle ne l’a pas perdue.