Au lit, les Français ont du salé sur la planche

Pourquoi la nourriture érotique est-elle toujours sucrée ?

(7/8) AOUTCHATCHATCHA« 20 Minutes » vous accompagne durant l’été et avec sa série « Et plus si affinités » vous aide à vivre deux mois « sans tee-shirt, sans maillot » mais avec le mot et le geste justes pour avoir toujours chaud
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • La rédaction de 20 Minutes vous accompagne durant l’été. Parce que cette période est souvent celle du grand n’importe quoi côté cœur et côté cul, le « club des 4 » à votre service vous donne quelques « hot stuff » pour passer deux mois « tchatchatcha », tous les lundis. Alors si vous ne savez pas de quoi papoter à l’heure de l’apéro, on est là et, dans l’oreillette, on vous parle nudes, vacances Tinder, peau et sable chaud.
  • Dans ce septième épisode de notre série « Et plus si affinités », on se penche sur les saveurs sucrées salées de nos ébats endiablés.
  • Si la fraise, la chantilly et le chocolat sont plébiscités sous la couette, tout un univers entier du plaisir gustatif est boudé…

«Dévorer des yeux », « faire une gâterie », « être à croquer », etc. Les plaisirs de la table et ceux du lit se rencontrent souvent sur nos lèvres. Dans nos expressions, ce sont deux mondes qui se frôlent continuellement. Au point de s’entremêler ? « En écoutant des podcasts érotiques, je me suis rendu compte que le vocabulaire de la littérature du genre était assez semblable à celui du vin et de la gastronomie », se souvient Leslie Brochot, experte du vin et fondatrice de Maîtres d’accords. « On va dire d’un vin qu’il est tendre, charnu, pulpeux, sensuel ou même aguicheur », illustre-t-elle.

Pas surprenant, alors, que 53 % des Français soient partants pour inviter la nourriture à leurs parties de jamb(ons) en l’air, d’après une étude de l’institut l’Ifop pour Just Eat en 2020. « Depuis notre enfance, et le fameux plaisir oral décrit par Freud, les aliments mais aussi la manière de les consommer - aspiration, succion, becquée d’oiseau ou cuillerées gargantuesques - ont été érotisés », explique Magali Croset-Calisto, sexologue et autrice de l’ouvrage Les Révolutions de l’orgasme.

Le triomphe de la chantilly sur les sushis

« Manger de la nourriture ou déguster un vin, c’est un acte sensoriel et sensuel », renchérit Leslie Brochot, pour qui les mondes du plaisir gustatif et sexuel « se jouxtent ». De nombreux Français s’ouvrent aux plaisirs de la bouche jusque sur l’oreiller, mais entre la poire et le fromage, ils semblent catégoriques. Un seul mets salé est suffisamment cité par les sondés de l’Ifop pour gagner sa place sur le podium - qui en compte tout de même dix. Il s’agit des sushis.

On notera ici la probable influence du film Sex and the City et sa scène mémorable dans laquelle l’une des protagonistes, Samantha, attend son partenaire allongée nue sur la table du salon, recouverte de makis et de sushis. Un aperçu du nyotaimori, cette pratique japonaise qui consiste à déguster ces mets sur le corps d’une femme nue. Mais même ces petites boules de riz vinaigré agrémentées de poisson cru font pâle figure à côté du sacro-sein sucré.

« Savourer son plat » et « savourer quelqu’un »

Seuls 3 % des sondés intéressés par le mélange des saveurs sous la couette ont déjà tenté le nyotaimori contre 58 % pour la chantilly ou 30 % pour le chocolat. Serions-nous donc un pays de becs sucrés ? L’art cul-inaire serait-il réservé aux amateurs de pâtisseries ? « Le sucre est une des substances les plus addictogènes qui existe. Il déclenche instantanément notre circuit de récompense, le système du plaisir de notre cerveau », avance Magali Croset-Calisto.

Dans son ouvrage Métaphysique des tubes, Amélie Nothomb écrit : « Ce fut alors que je naquis, à l’âge de deux ans et demi (…) par la grâce du chocolat blanc ». Elle note que « morceau par morceau », le chocolat est « entré » en elle. « Quand on mange, quand on boit, on fait entrer quelque chose en soi, on savoure son plat comme on peut savourer quelqu’un », glisse Leslie Brochot.

Orgasmes culinaires sucrés salés

Et, pour certains, le plaisir culmine plus dans un coup de fourchette qu’une bonne levrette. « D’un point de vue neurobiologique, l’orgasme culinaire présente des caractéristiques identiques à celles de l’orgasme sexuel : libération de dopamine, d’endorphines et d’ocytocines, qui sont les neurotransmetteurs du désir, du plaisir, des sensations de bien-être et de l’attachement », rappelle Magali Croset-Calisto. Pour la sexologue, c’est la « quintessence du plaisir oral » où la « sphère buccale vit une érotisation maximale ». Dans son hors-série sur le plaisir féminin, Les Inrocks relatent les orgasmes culinaires de trois cheffes. Et là, le sucré fait grise mine.

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Julia Sedefdjian cite le cochon avec des salsifis et le « poupeton », une fleur de courgette mâle, Marie-Victorine Manoa un paleron de bœuf et Julie Basset des huîtres. Leslie Brochot a aussi expérimenté l’orgasme culinaire et se souvient notamment d’un vin qui l’a tellement « bouleversée », qu’elle en a pleuré. « Tous les aliments qui sont gourmands peuvent devenir sensuels », affirme-t-elle. Des gourmandises qui se conjuguent donc aussi au salé comme « la chair du saumon » qui est « douce, lisse, moelleuse et, donc, très sensuelle » pour l’experte du vin.

De la vulve de truie aux fraises au chocolat

Leslie Brochot a d’ailleurs créé en 2018 Liaisons gourmandes (en pause depuis la pandémie de Covid-19), une expérience de dégustation lors de laquelle les participants écoutent des textes érotiques en mangeant et buvant les yeux bandés. « La plupart des produits que je travaille pour Liaisons gourmandes sont salés », souligne-t-elle, citant pêle-mêle le chèvre frais, la truffe ou la tapenade.

Manger et sexer sont associés depuis des siècles. « Les orgies romaines mêlaient déjà nourriture, érotisme et sexualité », rappelle Magali Croset-Calisto, même si ces fastes célébrations étaient réservées à une infime partie des Romains, membres de la haute société. Les mets rivalisaient alors d’exotisme et d’originalité et le salé n’avait pas de quoi rougir. Cervelles de flamants roses, langues de paons et vulves de truie étaient dégustées directement avec les doigts. Aujourd’hui, l’exotisme se dissimule dans le placard à la faveur du triptyque fraises, chantilly et chocolat.

Tu me passes le lubrifiant à la truffe ?

Mais si, en été, on érotise plus facilement un glaçon qui coure le long de notre corps, le fromage est-il pour autant vraiment impossible à sexualiser ? Et le plaisir interdit pour celles et ceux qui désirent étaler de la fourme de Montbrison sur leur partenaire ? « L’odeur peut bloquer certaines personnes mais si on s’attarde sur la matière, la texture, ça peut être sensuel. Un mont d’or passé au four qu’on fait couler dans la bouche de quelqu’un, il peut y avoir quelque chose de sexy », affirme Leslie Brochot.

Mais point de mont d’or ou autre tomme de Savoie dans les produits pensés pour la chambre à coucher. Lubrifiant aromatisé à la banane, préservatif goût chocolat, huile de massage aux relents de barbe à papa… Entassés jalousement dans notre tiroir secret, les produits destinés à pimenter nos vies sexuelles sont souvent sucrés et chimiques. « C’est très écœurant », regrette Leslie Brochot qui serait plus tentée par un « lubrifiant à la truffe ». Plus consensuels que la truffe ou le fromage, elle cite aussi le concombre, les odeurs iodées ou même la tomate.

Capote goût bacon « pour votre viande »

L’offre de produits salés dans le domaine de l’érotisme reste un monde « de niche » réservé à des « initiés » qui doivent « chercher pour les trouver », admet Magali Croset-Calisto. Pourtant, en 2013 l’entreprise américaine J & D’s Food a lancé des préservatifs goût… Bacon. Imaginées pour donner un coup de pub à l’entreprise spécialisée dans les assaisonnements saveur bacon, ces capotes en latex se sont alors vendues comme des petits pains sous le slogan particulièrement distingué : « Pour que votre viande ressemble à de la viande ».

L’odeur et le goût sont des sens plus charnels que la vue. Ils peuvent agir à la manière d’une madeleine de Proust. Ces réminiscences pourraient être plus stimulées si les produits étaient plus variés. « Chaque être humain possède un imaginaire érotique personnel qui oscille entre démesure et frugalité », rappelle Magali Croset-Calisto. A l’heure où l’on swipe indéfiniment la food porn des réseaux sociaux, les étals de nos sex-shops restent résolument classiques. Alors, en attendant qu’une entreprise se lance dans un nouveau produit excentrique, les ingrédients parfaits sont peut-être à portée de cuisine. Bon appétit !