DISCRIMINATIONUn collectif dénonce l’inertie de la lutte contre l’homophobie dans le foot

Homophobie dans le foot : Un collectif dénonce l’inaction des pouvoirs publics et des instances sportives

DISCRIMINATIONA la veille du démarrage de la saison de football professionnel, le collectif Rouge Direct demande aux pouvoirs publics de sévir contre les chants homophobes dans les stades
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • Le collectif Rouge Direct, qui lutte contre l’homophobie dans le sport, s’insurge de l’inaction des instances du football face aux manifestations homophobes qui, selon lui, se multiplient.
  • Il y a trois ans, une affaire de chants homophobes à Lens avait été signalée par la préfecture, mais classée sans suite par le procureur.
  • Selon un avocat spécialiste du sujet, trois ou quatre affaires de manifestations homophobes dans les stades sont actuellement aux mains de la justice.

«Il y a clairement une absence de volonté d’agir ». Alors que le championnat de France de football reprend ses droits en Ligue 2, samedi, le collectif Rouge Direct, qui lutte contre l’homophobie dans le sport, s’insurge de l’inaction des pouvoirs publics et des instances du football face aux manifestations homophobes qui, selon lui, se multiplient.

« La saison dernière a été une année noire dans la lutte contre l’homophobie, s’inquiète Pontes, porte-parole de Rouge Direct. Nous avons fait cinq signalements sans qu’il n’y ait eu la moindre réaction de l’autorité sportive : que ce soient des chants homophobes dans les stades de Saint-Etienne, Marseille et Lyon ou, au niveau amateur, des faits concernant le FC Morteau et le FC Melun. La loi n’est pas appliquée sur les terrains de foot »

« Selon la@_LICRA_, ces faits d’#homophobie peuvent être qualifiés de « provocation à la haine et d’appel au meurtre ». @JacquesCardoze allez-vous porter plainte contre ces « fauteurs de troubles » ?@DILCRAH@OM_Officiel@RoxaMaracineanu@TETUmag@bleuprovence@stop_homophobie pic.twitter.com/t5RFEbNI22 – Rouge Direct (@RougeDirect) October 26, 2021 »

D’où une demande renouvelée au ministère des Sports « d’adresser une circulaire aux préfets pour leur rappeler le cadre réglementaire sanctionnant toute manifestation d’homophobie lors des matchs de football et qu’ils sont tenus d’en faire le signalement au procureur dès qu’ils en ont connaissance ».

Signalement classé sans suite

Ce fut d’ailleurs le cas en avril 2019, à l’issue du match Lens-Valenciennes. A l’époque, un meneur – appelé kapo dans le jargon des supporters – avait proféré des injures homophobes scandées en chœur par une partie des ultras : « Oh VA [Valenciennes], bande de pédés ! ». La séquence avait été immortalisée par une vidéo mise en ligne par Rouge Direct et valu au RC Lens une amende de 50.000 euros et un match à huis clos avec sursis, infligés par la commission de discipline de la Ligue de football.

La préfecture du Pas-de-Calais avait alors porté l’affaire sur le terrain de la justice. « Ces faits étant susceptibles de constituer un délit, le préfet du Pas-de-Calais a, suite la base de ces éléments, saisi le procureur de Béthune au titre de l’article 40 du code de procédure pénale », prévenait, la préfecture, dans un communiqué.

Trois ans plus tard, Rouge Direct a donc décidé de s’intéresser au sort de ce signalement. Et là, surprise, l’avocat de Rouge Direct a appris qu’aucun signalement n’avait été envoyé à la justice. Contactée à son tour par 20 Minutes, la préfecture du Pas-de-Calais a finalement retrouvé la mémoire et la trace de ce signalement.

Menaces de mort sur les réseaux sociaux

Peine perdue puisque malgré l’enregistrement vidéo, le procureur de Béthune avoue, aujourd’hui, que la « procédure pénale a fait l’objet d’une décision de classement sans suite ». « Nous constatons le peu de sérieux avec lequel cette affaire semble avoir été traitée », s’insurge Julien Pontes qui, à l’époque avait tenté de rencontrer des représentants de supporters avec l’aide des dirigeants du RC Lens.

« Nous souhaitions leur faire comprendre que l’homophobie n’a sa place, ni dans le football, ni ailleurs », raconte-t-il. En vain, les ultras avaient fini par décliner l’invitation, au dernier moment. « C’est très compliqué de régler ce genre d’incidents par la discussion. A chaque tentative, les supporters nous claquent la porte au nez », se plaint-il.

D’autant que l’épisode lensois avait connu un rebondissement assez nauséabond. Une plainte avait dû être déposée par un supporteur lensois visé, cette fois, par des menaces de mort sur les réseaux sociaux, ainsi que l'avait rapporté France 3. Le jeune homme, qui était au stade ce soir-là, avait dénoncé ces chants homophobes dans une série de tweets. Il avait aussitôt été accusé, par certains ultras, d’être à l’origine de la sanction infligée au club lensois.

« Trois ou quatre dossiers en cours au pénal »

« Nous sommes très inquiets de constater que les tribunes demeurent un défouloir pour l’homophobie sans que les instances du foot ne s’en préoccupent », poursuit Julien Pontes. Néanmoins, certaines de ces affaires sont entre les mains de la justice. « Nous avons trois ou quatre dossiers en cours au pénal, concernant des chants homophobes dans un stade », souligne Me Etienne Deshoulières, avocat spécialiste du sujet.

Et notamment l’épisode qui avait choqué l’ancienne ministre des Sports, Roxanna Maracineanu, lors d’un match PSG-Marseille, en mars 2019. « Cette affaire est devant le conseil d’Etat, explique Me Deshoulières. Nous avons été déboutés jusqu’à présent car la justice ne reconnaît pas le droit aux associations LGBT d’enjoindre la ligue de football à se saisir du problème. Il faudra bien, pourtant, autoriser ces assos à mettre leur grain de sel si on veut faire évoluer la situation. »